Je ne vous cacherai pas que j’ai longtemps hésité. Je ne voulais pas ajouter à la balkanisation du paysage politique français mais j’ai décidé de créer mon propre parti. C’est Laurent Wauquiez qui m’a donné l’idée quand son nom est apparu dans les gazettes (Libé et Le Point) à propos de son mouvement, « Nouvel Oxygène », pour lequel il aurait cherché des financements auprès de banquiers d’affaires, lors d’un voyage à Londres le 28 juin.
Et pourquoi moi ? Mais parce que je le vaux bien comme on dit du côté de Chantilly en ce moment.
Puisqu’il n’y a plus de parti unique…
On pouvait penser que l’offre était suffisante, surtout chez les ministres dont je croyais, assez naïvement, qu’ils appartenaient tous à l’UMP. On m’avait expliqué que l’UMP était un parti unique créé par Juppé pour en finir avec la droite la plus bête du monde et sa machine à perdre. Que c’était même pour ça que François Bayrou avait voulu résister et s’était lancé dans la glorieuse aventure du MODEM. Et que l’UMP tolérait aimablement une survivance du genre Parti Radical pour faire plaisir à Borloo et avait favorisé la création du Nouveau Centre pour faire semblant d’avoir une aile gauche. Parce que le paradoxe, c’est que les ministres d’ouverture sont tellement à droite (le zèle des convertis, n’est-ce pas…) que leurs propres partis de masse, comme Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel ou le Club des progressistes d’Eric Besson font passer la formation d’Hervé Morin pour une horde de gauchistes échevelés.
Et puis de toute manière, il était hors de question que je rejoigne Bockel : je suis de gauche mais certainement pas moderne. Quant à Besson, quitte à me répéter, je suis de gauche mais je ne suis pas progressiste. C’est même pour ça que j’écris sur Causeur. Il n’y a que là ou presque qu’on comprend ce genre de bizarrerie, voire qu’on l’encourage.
Engagement et abnégation
Pourtant, il y avait tout de même des choses très tentantes, dans les micro-boutiques gouvernementales. Bon, pas le parti de Wauquiez. Je ne me voyais pas militant néo-oxygèniste. J’aurais eu l’impression de devenir une manière d’écologiste et ça, c’était hors de question. J’ai ma dignité.
J’aurais bien adhéré à l’association de Rama Yade. La possibilité de la voir en chair et en os tous les jours ou presque justifierait à elle seule l’engagement et l’abnégation de toute une vie. Seulement, son groupuscule s’appelle « Agir pour Colombes ». Et je n’ai pas envie de vivre à Colombes. En plus, son but est, je cite, « de défendre tous les Colombiens. » et je sais que ça ferait de la peine à Hugo Chavez si je me mettais à défendre les Colombiens.
Il aurait été tentant, aussi, d’adhérer aux « Amis de Christian Estrosi ». Le charisme du ministre de l’Industrie donne vraiment envie de parier sur son destin. Mais on m’aurait refusé : j’ai peur en moto et je n’aime pas la côte d’Azur. Le « club 89 » de Benoit Apparu, le secrétaire d’Etat au Logement, avait un nom qui me plaisait bien mais j’ai appris qu’il l’avait repris des mains de Jacques Toubon, ce qui est tout de même une garantie très moyenne de réussite et de visibilité.
Alors pourquoi pas « Le Chêne » de Michel Alliot-Marie ? C’est d’inspiration gaulliste, ça ne peut donc pas être totalement mauvais. Mais quitte à virer ma cuti autant le faire chez des gaullistes vraiment antilibéraux comme Nicolas Dupont-Aignan, par exemple. Il me restait, finalement, François Fillon. De toute façon, il vaut mieux s’adresser au bon dieu qu’à ses saints. Seulement, le parti du Premier ministre s’appelle « France 9 ». Un nom de chaîne du câble qui ne ferait que diffuser de vieilles séries américaines ou du catch féminin dans la boue. Ce n’est pas un programme antipathique en soi mais cela risque à la longue de souffrir d’un défaut de crédibilité.
Socialisme Réel et Vin Naturel
Non, décidément, je n’ai pas le choix. Je vais fonder mon parti. Il va s’appeler « Socialisme Réel et Vin Naturel ». Son programme reprend pour l’essentiel celui de George Orwell dans son essai Le lion et La licorne. George Orwell est le penseur de gauche préféré des gens de droite parce qu’ils pensent que son anti-stalinisme les ramène vers eux alors qu’il les en éloigne encore plus. Donc, dans Le lion et la licorne, Orwell indique trois axes qui lui semblent un minimum pour créer une société vivable : nationalisation des principaux moyens de productions, éducation identique pour tous sans distinction de classes et réduction drastique des écarts entre les salaires. En résumé, ce qu’on retrouve dans le programme du CNR qui s’appelait assez joliment Les Jours heureux.
Mais pourquoi rajouter « et Vin Naturel » ? Eh bien parce que l’excès de sulfites est un vrai problème de santé publique et que pour financer mon parti je préfère des viticulteurs à des banquiers d’affaires : ils ont plus drôles et plus sympathiques.
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