Après La Poste, le Quai d’Orsay ? La privatisation atteint aujourd’hui ce ministère régalien lui-même, menacé non pas par des néo-cons ultralibéraux, mais plutôt par des gens qui verraient très probablement d’un bon œil la nationalisation des banques voire d’autres secteurs d’activité. Car les initiatives récentes d’ONG de forcer le blocus israélien sur Gaza sont tout simplement les signes précurseurs d’une privatisation de la politique étrangère française.
[access capability= »lire_inedits »]Les ONG comme Free Gaza ou l’organisation turque IHH et leurs habiles provocations flottantes posent une question inédite : qui détermine la politique étrangère d’un pays ? Certains se réjouiront de cette prise de pouvoir par la société civile. On peut néanmoins se demander s’il est légitime que des citoyens qui n’ont jamais été élus et qui ne peuvent pas se prévaloir d’une quelconque représentativité soient en mesure d’imposer leur point de vue aux États dont ils sont des ressortissants en s’exposant à des situations délicates voire dangereuses, puis en brandissant leur passeport pour obliger leur gouvernement à suivre.
L’humanitaire contre la souveraineté
Dans ces conditions, la confusion entre registres humanitaire et politique, problématique du point de vue de la démocratie, limite la souveraineté des États à partir desquels ces actions sont menées et/ou organisées. On aimerait savoir à quel titre Thomas Sommer-Houdeville, de l’association Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), est habilité à déterminer la politique moyen-orientale de la France (qui obéit également, il est vrai, à des considérations intérieures, personne n’ayant envie de prendre le risque d’échauffer les esprits dans nos banlieues).
Ceux qui, aujourd’hui, critiquent − à raison − ou accablent − injustement − Israël sont évidemment parfaitement indifférents aux conséquences fâcheuses d’une telle dérive au moment même où la souveraineté des nations apparaît comme le seul rempart contre l’effondrement économique de toute une civilisation. Il est vrai que, parmi eux, se recrutent nombre d’adeptes d’un hypothétique « monde sans frontières ».
La volonté d’aider un frère humain dans la détresse, celle de l’homme qui abrite un SDF par une nuit glaciale ou qui nourrit celui qui a faim, n’est pas une affaire de politique mais de compassion et de conscience individuelle. Quand il s’agit de politique, c’est-à-dire des lois qui régissent la Cité, fondent ses institutions et, en conséquence, orientent la diplomatie d’un État et déterminent le choix de ses alliés, on ne saurait s’en remettre aux humeurs de l’opinion, que ces humeurs soient ou non majoritaires d’ailleurs. En dehors des urnes, aucune foule, aussi bruyante, « non gouvernementale » et bien intentionnée soit-elle, ne devrait être autorisée à imposer ses choix idéologiques à ces affaires que l’on nomme res publicae en latin et « République » en français. Encore faudrait-il que nos dirigeants soient capables de résister à l’émotion, en clair qu’ils cessent de gouverner pour les médias.[/access]
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