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Le métis est-il l’avenir de l’homme ?


Le métis est-il l’avenir de l’homme ?

Les critiques habituels de Nicolas Sarkozy, pourtant prompts à dégainer, n’ont pas relevé l’entorse faite par le président de la République aux usages diplomatiques lors de sa rencontre avec Barack Obama : « Si c’est lui, la France sera très heureuse. Et si ce n’est pas lui, la France sera l’amie des Etats-Unis d’Amérique », a-t-il déclaré à l’issue de son tête à tête avec le candidat démocrate à la Maison Blanche. Je n’ai pas souvenir qu’un président français de la Ve République ait publiquement avoué aussi abruptement sa préférence pour un candidat à l’élection présidentielle américaine. On ne mettra pas en doute la sincérité de Nicolas dans sa déclaration d’amour à son copain Barack : le « petit Français au sang mêlé » se sent certainement plus proche humainement du jeune métis ambitieux que du héros militaire chenu présenté par les Républicains.

Mais il n’est pas interdit de remarquer que l’absence de réaction à cette surprenante ingérence dans la campagne électorale américaine est révélatrice de l’obamania galopante qui s’est emparée d’un grande partie de l’élite médiatico-politique.

On assiste à l’inversion, en faveur d’Obama, des sentiments de rejet, voire de haine envers George W. Bush qui animent ces mêmes cercles de faiseurs d’opinion. Le candidat démocrate a beau, dans son discours de Berlin intégralement reproduit dans Le Monde (à quand la même chose pour McCain ?) chanter les louanges de l’OTAN et appeler l’Europe à l’aide pour exterminer les Talibans en Afghanistan, on n’entend pas le moindre murmure désapprobateur. Besancenot, Bové, Mamère font comme s’ils n’avaient pas entendu, et se gardent bien d’émettre le moindre couac dans ce concert obamanolâtre, nouveau tube de l’été.

On aurait pu espérer que l’élection de novembre allait susciter en France un débat rationnel où l’on aurait pesé le pour et le contre, analysé les deux projets au regard de nos intérêts de Français et d’Européens. Il n’aurait pas été inutile de se rappeler que l’administration Clinton, d’où sont issus nombre de conseillers du candidat démocrate, pratiquait un dirigisme musclé dans la conduite des affaires du monde : j’en ai été personnellement le témoin lorsque je couvrais, pour Le Monde les affaires de l’OTAN à Bruxelles. C’était à la fin du siècle dernier.

Cette passion qui s’empare de BHL, de Nicolas et des autres interdit tout raisonnement au nom de l’espoir en une Amérique meilleure, en un monde meilleur soulevé par la perspective de l’accession d’un « demi-Noir » à la Maison Blanche.

En attendant que la réalité, qui ne devrait pas tarder à pointer son nez chafouin, calme ces ardeurs, je me suis replongé dans un petit ouvrage écrit il y a trente ans par le regretté Guy Hocquenghem (1946-1988) intitulé La beauté du métis et sous-titré « réflexions d’un francophobe ». Le fondateur du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire), premier intellectuel français à faire son coming out à grand fracas dans le Nouvel Obs brode joyeusement sur le thème de la haine de soi qui vous pousse inexorablement vers l’Autre, amoureusement et intellectuellement : « Pourquoi la plupart de mes amis, de mes amants sont-ils étrangers ? Pourquoi n’est-ce qu’avec eux que je me sente enfin arraché au plat, au prosaïsme, au médiocre ? Enfant, j’appelais de mes voeux le ravisseur étranger qui m’emporterait dans ses bras, princesse raptée ; adulte, ou déclaré tel, je ne conçois d’amour que cosmopolite. Même pour une nuit, rare est le Français qui ne me glace pas, qui ne me donne l’impression de jouer à deux une comédie sans saveur. L’amour ne me parle qu’en d’autres langues, il me fait toujours signe de l’au-delà des rives connues, des références faciles », écrit-il dans ce livre paru en 1979.

Guy Hocquenghem était un dandy provocateur bourré de talent qui aurait pu devenir l’Oscar Wilde français si le sida ne l’avait pas emporté prématurément. Il n’hésitait pourtant pas, pour les besoins de sa cause, à maquiller comme une vieille coquette la réalité de sa vie. Ainsi, j’ai pu constater, pour l’avoir visité à plusieurs reprises dans sa maison de campagne de Milly-la-Forêt[1. En tout bien, tout honneur, pour travailler sur des numéros de la défunte revue Recherches dont j’étais l’un des animateurs. Je sais, ça fait ringard, voire homophobe, mais il me suffit d’être insulté par des commentateurs pour ce que je suis pour éviter de l’être pour ce que je ne suis pas.], que le cercle de ses amis était très majoritairement français, convenablement diplômé, et délicieusement policé. Même les canards qu’il élevait à des fins culinaires étaient d’un blanc immaculé.

Guy Hocquenghem avait, pendant sa prime jeunesse, traîné quelques temps ses escarpins à la JCR, ancêtre de la LCR de Krivine et Besancenot. Ces bœufs trotskistes prirent les provocations du jeune normalien au pied de la lettre, et après les avoir purgées de leur souffre homosexuel, les adoptèrent comme une variante moderne de l’internationalisme prolétarien du vieux Léon.

Au blanc arrogant, colonisateur, exploiteur et enraciné dans son terroir devait se substituer le métis- réel ou symbolique-déterritorialisé « aux racines qui plongent dans l’avenir ». Issu de cette boutique politique, Edwy Plenel, devenu directeur de la rédaction du Monde, exultait en « une » de ce journal en parce qu’avec Alexandre Dumas c’était selon lui le métissage qui entrait au Panthéon, comme si cette qualité était la raison première de son admission dans la demeure éternelle des grands hommes.

Plenel est parti, mais le même journal, en « une » de l’édition consacrée à la gloire d’Obama, lance cette interrogation angoissée : « Pourquoi le peloton du Tour de France est-il blanc, blanc, blanc ? », autrement dit, pourquoi n’est-il pas black, blanc, beur ainsi qu’il serait convenable dans la patrie des Droits de l’homme. Il faut être benêt comme un rédacteur en chef du Monde – je sais, je l’ai été naguère – pour s’imaginer que les directeurs sportifs des équipes rechigneraient par principe à intégrer dans leur effectif des Noirs ou des Arabes. L’article, d’ailleurs, montre que les patrons du cyclisme français ne verraient aucun obstacle à faire de ceux-ci des dopés comme les autres, à condition qu’ils présentent les mêmes dispositions à se défoncer sur un vélo que les Flamands et les Bretons. Vers l’âge de dix ans, alors que j’écoutais religieusement à la radio les reportages de Georges Briquet sur la Grande Boucle, je m’enquis auprès de mon grand-père des raisons cette bizarre absence de Juifs dans le peloton : « Pas la peine, me répondit-il, tous les ans c’est Félix Lévitan[2. Félix Lévitan (1911-2007), journaliste sportif, fut directeur adjoint, puis directeur du Tour de France pendant plus de quarante ans.] qui gagne ! »



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