Accueil Politique Coupat : billet de sortie

Coupat : billet de sortie


Coupat : billet de sortie
Julien Coupat est-il le chef d'une mouvance anarcho-autonome ?
Julien Coupat est-il le chef d'une mouvance anarcho-autonome ?
Julien Coupat est-il le chef d'une mouvance anarcho-autonome ?

À l’heure où nous mettons sous presse, Julien Coupat vient d’être libéré et placé sous contrôle judiciaire, après six mois de détention à la prison de la Santé. Cette libération, qui intervient deux jours après la publication dans Le Monde de sa charge véhémente contre l’antiterrorisme et le gouvernement, constitue un ultime désaveu de la procédure. Julien Coupat et ses amis ont été accusés d’être à l’origine des perturbations du trafic des TGV dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 et de constituer une « cellule à visée terroriste ».

Avec ce mélange de mauvaise foi et de sincérité qui fait son charme, Causeur peut se targuer d’avoir réagi très vite, puisque nous avons écrit nos premiers articles sur cette affaire dans les jours, voire les heures, qui suivirent le rocambolesque assaut du village de Tarnac (Corrèze) le 11 novembre 2008. On vit ce jour-là, dans une opération comiquement nommée « Taïga », les troupes cagoulées de la SDAT arrêter les membres d’une communauté de jeunes gens après avoir fouillé et saccagé les lieux, sans rien trouver de probant – sinon des livres.

[access capability= »lire_inedits »]Très vite, le pouvoir, suivi par des médias pavloviens, désigna en Julien Coupat le chef suprême d’une hasardeuse « mouvance anarcho-autonome » prête à renverser le monde ancien. On avait surtout besoin d’un rideau de fumée ou d’une diversion. La crise financière forçait les plus libéraux des éditorialistes à des mea culpa keynésiens pendant que les licenciements massifs dévastaient l’économie réelle et que les universités en grève ne se résignaient pas à devenir des entreprises.

Sur un scénario d’Alain Bauer, conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy et criminologue autoproclamé, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, produisit, avec l’aide de Bernard Squarcini, chef de la DCRI, la fiction ridicule d’un groupe omnipotent tour à tour responsable des retards de la SNCF ou des révoltes insurrectionnelles des étudiants grecs. Alain Bauer, en effet, avait acheté L’Insurrection qui vient, livre publié par La Fabrique et « signé » par un Comité invisible, derrière lequel on voulut voir à tout prix Julien Coupat. Le livre fut distribué par Bauer au gratin des responsables de la sécurité, qui placèrent sous surveillance le groupe de Tarnac et ses amis rouennais. Enfin, le prétexte arriva avec les incidents de novembre sur les voies TGV.

Sur cette « ténébreuse affaire » comme aurait dit Balzac, des points de vue contradictoires se sont exprimés au sein de Causeur – et c’est très bien comme ça.

Pour nous, en qui certains lecteurs ont finement deviné l’aile coupiste de Causeur, elle a surtout ridiculisé un pouvoir que l’on n’imaginait pas à ce point aux abois. L’embastillement arbitraire et pire, illogique, d’un penseur radical de notre temps ne peut que nous inquiéter sur la rapidité avec laquelle une démocratie peut perdre ses nerfs.

Cette libération constitue une double victoire pour la « bande à Tarnac », comme ils se surnomment plaisamment. Une victoire à plate couture, d’abord, sur les journalistes, et notamment ceux de télévision, qui ont été incapables de filmer le moindre ongle de leur « Julien Coupat ». Les dégoûtantes images des « retrouvailles du père et du fils », ils ne les auront jamais ! Il était délectable d’entendre le reporter d’une chaîne, planté devant la prison de la Santé depuis le matin, déclarer, au comble de la déconfiture : « Ils ne laissent pas les journalistes faire leur travail ! » Mais Julien Coupat et ses amis ont surtout gagné contre le dispositif antiterroriste. Pour la première fois, celui-ci a été décrédibilisé aux yeux d’une grande partie des Français. Espérons que le débat public en vue de l’abrogation de la loi Perben II ne fait que commencer. Les faits n’ont toujours pas été requalifiés, les mises sous contrôle judiciaire injustifiées continuent. La menace antiterroriste pèse encore sur nous. Mais elle a esquissé son premier pas en arrière.[/access]

Juin 2009 · N°12

Article extrait du Magazine Causeur



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Empaillons-nous, Folleville !
Article suivant Les jeunes sont des cons…

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération