Dassault nous a épargné Mademoiselle Figaro (une hilarante publication pour adolescentes qui n’a vécu que quelques numéros, avec une rubrique golf et des comparatifs de sacs à main à 500 €), mais nous accable toujours de Madame Figaro, le magazine féminin glacé, au papier qui tâche, boursouflé d’épaisses platitudes.
Le dernier numéro nous gratifie, dans ses insondables pages « Société » d’une enquête amusante titrée « Mâle à barbe, attention fragile ». Une certaine Valérie de Saint-Pierre, dramatise : « Les rangs des métrosexuels imberbes sont de plus en plus clairsemés ». La France a peur ! Mais la journaliste vite nous rassure : « Place à la barbe de trois jours, signe d’une virilité apprivoisée » Nous ne savions pas que la virilité devait s’apprivoiser, ni la féminité se mettre sous camisole. Ce qui serait malheureux.
La journaliste poursuit « cette nouvelle pilosité masque bien souvent les doutes existentiels d’un homme un poil fragile. » Passons charitablement sur le jeu de mot. Une sociologue, brocardant le duvet « cracra » (dit-elle) de Gainsbourg introduit l’idée que la barbe « de 2010 » sert à se « remasculiniser ». C’est étrange, je n’avais pas songé qu’une barbe puisse avoir un millésime, ni de quelle façon l’idée de se « remasculiniser » vient à l’esprit du moderne.
La même sociologue rassure, il s’agit de développer une « virilité soft« . Il faut pas moins de trois femmes pour expliquer la néo-barbe… après la journaliste, la sociologue, voici l’ethnologue… qui nous explique que le poil est un message envoyé aux femmes : « Attention, on peut piquer ! ». La journaliste synthétise le propos: les hommes « gentiment velus » veulent « faire mâle, mais pas trop. » Ce « pas trop » est passionnant… toute notre modernité tendant à gommer au maximum les différences entre hommes et femmes se résume dans cette tentative de modération de ce qui n’est évidemment pas modérable. J’aurais pu finir en écrivant « La barbe ! », mais j’ai ma dignité.
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