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Le père, cet importun


Le père, cet importun
L'inspecteur des scribes Raherka et sa femme Merséânkh, vers 2350 av. J.-C., musée du Louvre.
L'inspecteur des scribes Raherka et sa femme Merséânkh
L'inspecteur des scribes Raherka et sa femme Merséânkh, vers 2350 av. J.-C., musée du Louvre.

La mère monte aux dépens de la femme, nous explique Élisabeth Badinter. Déjà, il y a quelques années, Michel Schneider montrait, dans Big Mother[1. Odile Jacob, 2002. Réédition en Poches Odile Jacob, février 2005. ], que l’image de la mère colonisait jusqu’à notre classe politique. Seulement, dans tout ça, on ne parle pas du père. Plus de quarante ans après mai 1968, il semble qu’on continue à combattre une société patriarcale qui, pourtant, n’existe plus depuis bien longtemps.

[access capability= »lire_inedits »]La généralisation du divorce − plus d’un mariage sur trois finit ainsi − a fait exploser le modèle qui s’imposait aux familles depuis des siècles. Ce modèle, qu’on ne songe évidemment pas à rendre à nouveau obligatoire, est désormais ringardisé. Ce qui est dans le vent, ce qui est cool, c’est désormais la famille recomposée. Le nombre des familles monoparentales (Le « monoparent » étant féminin à une écrasante majorité) a explosé. Or, si les enfants ont effectivement besoin de leur mère, ils ont aussi besoin de leur père. Et il ne faut donc pas, dès lors, s’étonner que la délinquance juvénile augmente ; un juge pour enfants confiait, il y a quelques mois, sur le plateau d’Yves Calvi, sur France 5, que son taux était bien plus fort dans les familles monoparentales.

Pourtant, notre société continue à nier l’importance de la présence du père. Mme Morano, ministre de la Famille, aurait souhaité mettre en place un statut du beau-parent[2. La commission Léonetti a, pour l’heure, heureusement bloqué ce projet inutile et funeste.]. Il s’agissait, là encore, d’un rude coup donné à l’autorité paternelle. Mais pas seulement : hypocritement, ce projet permettait aux couples lesbiens[3. 90 % des couples homosexuels désirant un enfant, par adoption ou autre biais, sont des couples de femmes.] de s’engouffrer dans la brèche en donnant la possibilité à l’une des deux femmes de récupérer une autorité parentale dans le cadre de ce statut de beau-parent. Mais qu’il s’agisse d’un beau-parent du même sexe que le responsable légal ou non, c’est l’autorité du père légitime qui était encore battue en brèche. Celui-ci, à qui les juges confient rarement la garde des enfants en cas de divorce, malgré le développement récent de la garde alternée − laquelle ne constitue pas non plus une panacée en terme de stabilité −, semble bien devenu un importun, son rôle étant continuellement dévalué par rapport à celui de la mère.

Ce n’est pas seulement le père qui est de plus en plus absent, mais aussi son image. À l’école, où l’enfant passe normalement son temps lorsqu’il n’est pas à la maison, le personnel enseignant a connu une féminisation galopante. À tel point qu’on se demande s’il ne faudrait pas imposer des quotas d’hommes parmi les professeurs et, surtout, les conseillers principaux d’éducation qui sont chargés de la discipline dans les établissements. Avec un père absent à la maison et une école peuplée de femmes[4. Ajoutons que dans les ZEP, où le taux de familles monoparentales est davantage important, la minorité d’hommes des établissements fait davantage figure d’image de « grand frère » que de père puisque ce sont les professeurs les plus jeunes qui y sont nommés.], le jeune adolescent n’a guère de modèles masculins positifs à sa disposition. Son quartier lui en offre d’autres : parfois un caïd, parfois un imam intégriste, parfois − plus heureusement − un entraîneur de football.

Il reste tout de même des familles traditionnelles avec un père, une mère et des enfants. Mme Antier leur apprend qu’il ne faut surtout pas donner la fessée et souhaite même mettre celle-ci hors-la-loi. Elle fait partie de ceux qui, dénoncés par Élisabeth Badinter, abreuvent les familles d’un discours culpabilisant sur l’allaitement. Elle conseille aussi le co-sleeping (ou « co-dodo ») qui consiste à faire dormir l’enfant dans le lit parental les deux premières années de sa vie. Les féministes s’inquiètent à juste titre à propos de la « vie de femme » de Madame. Quant à Monsieur… Silence radio ! Ah, non ! Mme Antier conseille, car il est souvent porté sur la bouteille, de le reléguer sur le canapé, des fois que son taux d’alcoolémie l’amène à écraser le jeune enfant.

Décidément, partout, le père est vraiment de trop.[/access]

Mars 2010 · N° 21

Article extrait du Magazine Causeur



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