Sarkozy-Baroin, un ticket de raccroc


Sarkozy-Baroin, un ticket de raccroc
Nicolas Sarkozy et François Baroin. Sipa. Numéro de reportage : 00758537_000010.
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Nicolas Sarkozy et François Baroin. Sipa. Numéro de reportage : 00758537_000010.

Nicolas Sarkozy évoque beaucoup sa stratégie en présence de journalistes. Il a toujours procédé de cette manière, parfois pour avancer ses pions et tester l’opinion, parfois afin de fourvoyer les médias en les envoyant sur de fausses pistes. Depuis quelque temps, la rumeur bruisse de son intention de constituer un « ticket » avec François Baroin. Info ou intox ? Faisons comme si le président de LR souhaitait tester l’opinion et donnons-lui notre avis sur la question.

Un produit made in USA

Le « ticket » est un produit d’importation qui nous vient d’outre-Atlantique. Si l’idée de primaires pour désigner les candidats à l’élection présidentielle a la même origine, le « ticket » constitué est-il aussi facilement importable ? Différence de taille, les Etats-Unis vivent sous un régime présidentiel et le binôme exécutif est constitué d’un président et d’un vice-président, chargé de le suppléer en cas de démission ou de décès. Rien de tel en France, où la démission et le décès du chef de l’Etat provoquent une nouvelle élection dans les semaines qui suivent. Le ticket « à la française » serait donc constitué du président et de son futur Premier ministre.

Annoncer à l’avance le nom de son futur chef du gouvernement n’a jamais été une excellente idée. Nos aînés se souviennent du fiasco retentissant qu’a été la candidature du tandem Defferre-Mendès France en 1969, atteignant à peine 5% des suffrages et privant ainsi la gauche de second tour. Valéry Giscard d’Estaing avait implicitement annoncé l’identité du futur hôte de Matignon en 1974, sans pour autant se présenter avec Jacques Chirac en « ticket ».  On ne peut pas conclure que l’expérience ait été couronnée de succès, Chirac claquant la porte au bout de deux ans avant de devenir un adversaire politique résolu. En réalité, sous la Ve République, le Premier chef de gouvernement du mandat présidentiel est davantage désigné par les circonstances politiques : tournure de la campagne électorale, adversaire du second tour etc… Il est maladroit de se lier les mains en désignant son futur Premier ministre au moment de présenter sa candidature, a fortiori avant même que la primaire ne soit jouée. Aux Etats-Unis, les candidats désignés par les primaires attendent au moins la fin de ces dernières pour constituer leur ticket. Et pour cause, c’est parfois l’un des adversaires des primaires qui est désigné.

Baroin, une arme anti-Juppé

Penchons-nous maintenant sur le choix de François Baroin. Le maire de Troyes, d’après le sarkozyste Eric Ciotti, aurait l’avantage de constituer un attelage complémentaire au profil de l’ancien chef de l’Etat. Plutôt identifié comme un homme de centre-droit, il permettrait de ratisser large et de tailler des croupières à Alain Juppé parmi l’électorat de droite modérée qui se déplacera à la primaire. D’autres, a contrario, évoqueront « l’alliance de la carpe et du lapin », qui nuirait à la cohérence de la campagne. En fait, aucune des deux théories n’est réellement satisfaisante. Comme en 2007 et 2012, Nicolas n’est transgressif qu’en campagne électorale. D’un côté, on ose des transgressions verbales, on regarde même avec attention l’itinéraire de Donald Trump, mais de l’autre on ne se différencie pas vraiment du programme des autres candidats.  Dès lors la mise en relief d’un duo avec François Baroin répondrait à deux objectifs : rassurer une frange de l’électorat modéré qui est parfois interloquée par les transgressions de Sarkozy à la tribune, faire du maire de Troyes un outil anti-Juppé dans le cadre de la primaire (voilà pourquoi le ticket serait annoncé si tôt !) puisque, issu du même premier cercle chiraquien, Baroin est notoirement en froid avec le maire de Bordeaux. Une telle stratégie peut-elle être efficace ? On en doute. Comme l’élection présidentielle proprement dite, la primaire constitue un scrutin très personnalisé. L’idée d’un ticket est complètement étrangère à la culture politique française, le seul précédent ayant été expérimenté dans le cadre de la parité homme-femme lors des dernières élections départementales. Les Français savent qu’ils élisent un Président, et pas un président + un Premier ministre. Si Nicolas Sarkozy est candidat, c’est lui seul qui le sera et Baroin ne comptera pas davantage que Benoist Apparu auprès d’Alain Juppé, Laure de la Raudière pour Bruno Le Maire ou Jérôme Chartier auprès de François Fillon.

On conseillera donc à Nicolas Sarkozy d’éviter de se lier les mains en nommant fictivement un Premier ministre avant même d’être désigné candidat de son camp. Cela aurait l’avantage, entre autres, de ne pas entretenir l’idée selon laquelle il est « certain de tous les écrabouiller », laquelle idée contribue largement à la défiance dont il fait l’objet. On n’est jamais trop prudent !



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