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Le drame des filles-mères


Le drame des filles-mères
Matignon lance une campagne de presse nationale pour défendre le grand emprunt, pardon les filles-mères.
Matignon lance une campagne de presse nationale pour défendre le grand emprunt, pardon les filles-mères.
Matignon lance une campagne de presse nationale pour défendre le grand emprunt, pardon les filles-mères.

Elles ont à peine vingt ans. Elles commencent leur vie. Mais dans la chaude moiteur d’un soir estival, au détour d’un bal des pompiers, elles se font engrosser par le premier venu derrière un bosquet[1. Chose d’autant plus difficile de nos jours que les pompiers sont, la plupart du temps, occupés à poser dans des calendriers gays.]. Neuf mois plus tard, on les retrouve allaitant leur progéniture, heureuses des risettes que leur fait leur petit, mais irrémédiablement seules, oubliées du monde, reléguées dans une situation que l’époque réprouve à défaut de condamner.

Aujourd’hui, en France, le drame des filles-mères est d’autant plus réel qu’il est largement sous-estimé par l’opinion publique. Si les Français donnent beaucoup trop en moyenne au Téléthon et au Sidaction[2. Tout ça pour que les myopathes jouent les traders, comme le dit l’excellent Pierre Bergé, qui est myopathe mais pas trader.], ils ne versent en revanche aucun centime d’euro pour les filles-mères ! C’est inadmissible ! La situation ne pouvait plus durer et on peut féliciter le gouvernement de François Fillon de vouloir y mettre enfin terme.

La campagne nationale en faveur des filles-mères, que le service d’information du gouvernement a lancé dans la presse française ces derniers jours, permettra de récolter suffisamment de fonds pour venir en aide aux filles-mères du pays (et, accessoirement, aux régies publicitaires de ladite presse française). Du moins l’espère-t-on.

Comme nous le rappelle cette campagne conçue par Thierry Saussez[3. Thierry Saussez était, en France, le meilleur publicitaire de droite jusqu’à ce que Jacques Séguéla s’en mêle.] : les filles-mères sont l’avenir de la France. Enfin, le proche avenir est surtout réservé aux réveils nocturnes, aux biberons et aux couches-culottes à changer, sans parler du baby blues ni des vergetures, qui sont le lot de chaque mère même lorsque ce n’est pas une fille.

Mais ne polémiquons pas : Thierry Saussez a raison. Sa louable initiative aurait dû recueillir l’assentiment de tous. Malheureusement le Parti socialiste français a refusé d’acquiescer à cette campagne d’intérêt général, en prétextant qu’il ne s’agissait que de vendre le « grand emprunt » à quelques semaines des élections régionales.

La mauvaise foi n’a pas de limite ! Qu’est-ce que cette affaire de « grand emprunt » a à voir avec le drame éprouvant des filles-mères ? La campagne gouvernementale est on-ne-peut-plus claire : lorsqu’elles sont seules et enceintes, les filles-mères sont le plus beau visage de la France. Lorsqu’elles sont en couple et pas enceintes, elles sont lesbiennes. Mais c’est une autre affaire, qui nous obligerait à évoquer la tragédie silencieuse des fils-pères.

Le gouvernement a, en tout cas, bien raison de le rappeler : se faire faire un enfant dans le dos n’est pas une question de droite ni de gauche.

Mars 2010 · N° 21

Article extrait du Magazine Causeur



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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