C’est le temps des aveux. Oh, pas celui des doux aveux que se font les amoureux, ni celui des aveux extorqués par la force et la souffrance ; non, simplement les aveux devant l’évidence de personnes qui se sont trompées, et qui ont trompé le public. Les aveux honteux de politiques aux abois dont les constructions sont en train de s’effondrer.
Aveux européens
Certains de ces aveux concernent l’Europe. Commençons donc par le plus beau ; il est le fait de Monsieur Martin Schulz, président social-démocrate (SPD) du Parlement européen et il fut fait lors d’une conférence sur l’Europe qui s’est tenue à Rome. Que dit donc M. Schulz ? Que l’Europe « était une promesse faite tous les jours pour davantage d’emplois, de services, de croissance » mais qu’elle aboutit à « un sentiment d’injustice, ce n’est pas l’Europe qu’ils voulaient voir ». Il reconnaît que les sacrifices demandés aux Européens l’ont été pour sauver les banques. Dont acte Monsieur Schulz. Ajoutons que nous n’avions pas besoin de vous pour le savoir.
Ainsi en Grèce, sur l’ensemble de l’aide, seuls 9,7 milliards d’euros sont allés au gouvernement grec, soit exactement 4,9%. Or, la doxa européenne, mais aussi française, fut que l’on avait largement aidé la Grèce. La vérité est que les contribuables des différents pays ont sauvé des investisseurs privés, des banques, essentiellement allemandes et françaises. Mais, quand on est un socialiste, on se devrait de lutter contre cet état des choses. Or, la vérité est que, comme les socialistes français, belges, espagnols et j’en passe (et non des meilleurs) vous avez été connivents avec cette politique. Il est bien beau de pleurer sur le désastre que l’on a provoqué. On se rappelle que Guillaume II, empereur d’Allemagne, devant les charniers de la première guerre mondiale prononça un célèbre « Je n’avais pas voulu cela »… Sauf que, ce qui caractérise l’homme (ou la femme) politique, et entendons-nous bien l’homme politique véritable, ce n’est pas de verser des larmes mais d’agir, et dans ce cas d’agir pour réparer le désastre commis.
Mais M. Tusk, le président (polonais) du Conseil européen ne fut pas en reste. Il a déclaré, lors de la même conférence : « Le rêve d’un seul Etat européen, d’une seule nation européenne est une illusion. Nous devons accepter de vivre dans une Europe avec différentes monnaies, avec différentes forces politiques, et la pire chose est de prétendre de ne pas le savoir ». C’est reconnaître que la stratégie du « fédéralisme furtif » qui fut celle adoptée par l’UE est aujourd’hui un échec. Un échec parce que le but visé était une illusion, et c’est le président du Conseil européen qui le dit, mais aussi parce que la volonté d’atteindre cette illusion, et ce fut là le rôle politique de l’euro a détruit le projet européen. Mais on peut alors se poser une question : si Monsieur Tusk était honnête, il devrait soit convoquer une réunion au plus haut niveau pour que les pays de l’Union économique et monétaire (nom technique de la zone euro) se mettent d’accord sur les conditions d’une dissolution de cette zone, ou alors il devrait démissionner.
Aveux français
Mais, ces aveux ne sont pas les seuls. En France, le président et le gouvernement reconnaissent, bien tardivement, que le Tafta n’est pas ratifiable en l’état. Comme si nous l’ignorions ! C’est faire bon marché de plusieurs années de débats qui ont montré toute la nocivité de ce futur traité. Mais, là aussi, il y a beaucoup d’hypocrisie. Car, ce que le gouvernement et le président reprochent au Tafta, c’est simplement que ce traité n’établisse pas l’égalité dans l’accès aux marchés publics. C’est important, bien sûr, mais ce n’est que peu de choses à côté des conséquences potentielles de ce traité en matière de normes alimentaires ou environnementales, ou encore en matière de dessaisissement des Etats, et donc des citoyens dans les conflits portant sur l’investissement. Oui, il y a beaucoup d’hypocrisie ici aussi.
Une hypocrisie qui n’est pas l’apanage des « socialistes ». Ainsi, Natacha Polony peut, à juste titre, dénoncer la réponse inadaptée, et somme toute minable qu’Alain Juppé a faite au Général Soubelet et qui lui a valu un article vengeur du Général Desportes. Car, le cas du Général Soubelet est exemplaire. Le voici mis à la retraite d’office par le gouvernement pour avoir dit, lors d’une audition parlementaire, l’état déplorable de la gendarmerie et avoir mis en cause le fonctionnement de la justice. On peut ne pas partager tous les constats du Général Soubelet. Mais, devant des parlementaires, il devait dire ce qu’il pensait, quitte à ce que ces parlementaires interrogent d’autres responsables, et ne tiennent pas compte de ces propos. La sanction qui le frappe est inacceptable, et constitue de la part du gouvernement une faute inexcusable. Mais, que Monsieur Juppé joigne sa voix aux loups est un aveu lourd de sens. Ainsi, cet ancien ministre des Affaires étrangères préfère le silence complice à la vérité qui fâche. Voilà ce qu’il faut dire à tous quand il viendra, peut-être, quémander nos suffrages.
Ces aveux sont différents, mais ils ont tous un point commun. La vérité, que ce soit celle de la situation ou celle sur la nature des hommes ne peut être cachée indéfiniment. Quand les illusions se déchirent, les hommes (et les femmes) politiques sont mis devant la réalité. C’est donc le temps des aveux, et il nous renseigne, ô combien, sur ce que valent ces politiciens.
Retrouvez cet article sur le blog de Jacques Sapir.
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