BHL-Zardi: Esprit vs Génie


BHL-Zardi: Esprit vs Génie
Dominique Zardi, 2004. Numéro de reportage : 00488412_000006.
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Dominique Zardi, 2004. Numéro de reportage : 00488412_000006.

Le bruit de la ville étant devenu vacarme, il s’imposait que notre jeune magazine se fasse l’écho du dernier opus de Bernard-Henri Lévy, L’Esprit du judaïsme. On ne comprendrait pas qu’il soit fait silence sur un ouvrage jugé important, voire incontournable, par les esprits les plus fins et les plumes les plus acérées de notre époque troublée. La charge (l’honneur ?) d’apporter la pierre de Causeur à l’édification du monument béachélien me fut confiée par la maîtresse de ces lieux, par ailleurs homonyme, mais sans lien de parenté connue avec l’auteur. Cette précision s’impose pour tuer dans l’œuf toute suspicion de connivence familiale, qui pourrait germer dans l’esprit de lecteurs exigeants. La seule consigne de notre impérieuse patronne me fut transmise sous la forme « Pas de coup en dessous de la ceinture ! ». Règle à laquelle je me plie bien volontiers, quoiqu’en maugréant…

Vivant éloigné de la capitale, et sans doute considéré par la maison Grasset comme trop peu important pour être inscrit sur la liste pourtant imposante du service de presse de l’ouvrage, je me vis contraint de faire appel en urgence à une plate-forme bien connue de diffusion par internet pour me procurer L’Esprit du judaïsme. Pressé par le temps (l’heure du bouclage du mensuel se rapprochait dangereusement), je passais commande fiévreusement en quelques clics. Deux jours plus tard me parvint un colis que j’ouvris à la hâte pour découvrir Le Génie du judaïsme de Dominique Zardi, ouvrage publié par les éditions Dualpha. Damned ! C’était comme si j’avais confondu Montesquieu et Chateaubriand ! Comme il était trop tard pour effectuer l’échange, il ne restait plus qu’à remplir l’espace à moi assigné par une recension de ce livre au titre si prometteur.

Tout le monde connaît Dominique Zardi. Pas comme essayiste mais comme acteur de cinéma, et un peu de théâtre.[access capability= »lire_inedits »] Né en 1930 et décédé en 2009, c’est le troisième couteau le plus célèbre du cinéma français, ancienne et nouvelle vague réunies : un demi-siècle de présence ininterrompue mais à chaque fois éphémère sur les écrans, six cents films où il est crédité au générique, sans compter ceux où il n’apparaît que de dos. De son vrai nom Dominique Cohen-Zardi, grand-oncle de l’actrice Agnès Jaoui, fils d’un père juif tunisien et d’une mère bretonne, échappé par miracle aux rafles nazies, Zardi n’était pas ce qu’on appelle communément un intello. Il avait fait ses classes à la communale de Belleville et dans les djebels comme parachutiste pendant la guerre d’Algérie. Admirateur des boxeurs juifs comme Young Perez (mort à Auschwitz), Robert Cohen et Alphonse Halimi, il se frotta au noble art (son nez en témoignait) avant de hanter les plateaux de tournage en compagnie de son alter ego, Henri Attal. Ces deux-là formeront le couple de parasites déjantés, respectivement nommés Robègue et Riais (Robbe-Grillet ah ! ah !) dans Les Biches de Claude Chabrol dont Zardi était un des acteurs fétiches.

Peu de gens savaient en revanche que Zardi écrivait, qu’il était hanté par le mystère juif et qu’il fréquentait assidûment la rue des Rosiers avant que celle-ci ne se transformât en piège à bobos et à touristes. Encore plus rares sont ceux qui étaient au courant que, sur les conseils de Simone Signoret, il alla, au début des années 1970, frapper à la porte du bureau de BHL, rue des Saints-Pères, pour lui présenter le manuscrit de son livre Le Génie du judaïsme. « Pas le genre de la maison ! », lui fut-il répondu par BHL. Il aura ainsi fallu presque un demi-siècle pour que le « genre de la maison » se rapproche de celui, certes fruste et sans ornements, de Dominique Zardi. D’ailleurs, la thèse centrale de Zardi ne me paraît pas très éloignée de celle exposée par BHL, telle qu’il l’expose dans sa tournée de promo médiatique.

Les juifs ont réalisé leur rêve millénaire, leur prédiction ressassée : l’an prochain à Jérusalem. Est-ce possible ou est-ce une bonne blague ? Le peuple élu a-t-il un droit divin ? Probablement, disent les uns. Et pourtant, rétorquent les autres, s’ils n’avaient réalisé la chose que pour donner crédit à leurs paroles ? C’est ce qu’écrit en substance Zardi avant de passer à une autre blague, celle du juif polonais qui arrive à Londres, coupe ses papillotes, se fringue en milord et déclare : « C’est vraiment dommage que nous ayons perdu les Indes ! »

On ne trouvera vraisemblablement pas chez BHL, en revanche, de descriptions de bastons homériques avec les fachos dans le Marais menées avec une certaine énergie en compagnie de ses potes, les frères Golduche, alias Goldenberg, propriétaires du troquet Au petit poêle, rue des Rosiers, qui deviendra plus tard le restaurant Jo Goldenberg d’illustre mémoire.

Une mauvaise nouvelle, pour finir. D’après la plate-forme de commande, j’ai acquis sans le savoir le dernier exemplaire encore dans le commerce du Génie du judaïsme de Zardi. Mais je promets d’en adresser le texte en PDF à ceux qui voudraient le lire à condition, évidemment, qu’ils s’abonnent à Causeur.[/access]

Le génie du judaïsme

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L'esprit du judaïsme

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Mars 2016 #33

Article extrait du Magazine Causeur



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