Erdogan: la tyrannie et le chaos


Erdogan: la tyrannie et le chaos
Sipa: Numéro de reportage : AP21872991_000038.
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Sipa: Numéro de reportage : AP21872991_000038.

Erdogan avait prévenu les électeurs turcs : c’était lui ou le chaos. Cinq mois après sa réélection triomphale, les attentats se multiplient. Les Turcs qui avaient accepté d’échanger leur liberté contre la promesse de la sécurité ont tout perdu : ils ont le tyran et le chaos.

Depuis octobre 2015, cinq attentats ont eu lieu à Ankara et Istanbul, causant 180 morts et des centaines de blessés. En février, une attaque avait tué 28 militaires dans le quartier le plus sécurisé de la capitale abritant les ministères et le Parlement. La politique du pire d’Erdogan qui consistait à attiser les tensions pour mieux asseoir son pouvoir semble lui échapper. La Turquie n’a jamais été aussi vulnérable et le tourisme commence à subir les effets de cette insécurité. En janvier 2016, le groupe TUI, numéro un mondial du tourisme et maison-mère de Nouvelles Frontières, voyait ses réservations vers la Turquie chuter de 40 % suite à un attentat de l’Etat islamique (EI) contre des touristes allemands. L’attentat de la semaine dernière qui a également ciblé des touristes à Istanbul pourrait précipiter la chute de ce secteur clé de l’économie turque. Un tel effondrement aggraverait les tensions et plongerait le pays encore un peu plus dans le marasme.

Dérive soviétique

Parallèlement, la guerre que mène Erdogan au Kurdistan ne faiblit pas et devrait se répercuter lourdement sur le budget de l’Etat, sans parler de la rancœur qu’elle alimente au sein de la population kurde. Dans les villes sous couvre-feu, les opérations de l’armée ont tué de nombreux civils selon Amnesty International. Nul doute que les familles des victimes viendront gonfler les rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en guerre contre Ankara. Certains pourraient même être tentés de rejoindre les TAK, un groupe dissident du PKK qui a juré de porter le conflit dans les villes turques de l’Ouest. La spirale de la haine est enclenchée grâce au génie d’Erdogan et gare à ceux qui s’aviseraient de dénoncer les pratiques anti-démocratiques du nouveau sultan. Rien qu’au mois de mars, trois universitaires et sept avocats ont été arrêtés, deux chaines de télévision ont été retirées du service satellite tandis que l’un des principaux quotidiens d’opposition (Zaman) a été mis sous tutelle. C’est ce qui fait dire à l’universitaire turc Ahmet Insel que « ce qui se passe actuellement en Turquie ressemble beaucoup à l’Union soviétique de Staline. »

Migrants : un accord gagnant-perdant

C’est justement le moment qu’a choisi l’Union européenne pour signer avec Ankara un accord sur les migrants qui restera dans les annales de la diplomatie. Pour un Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien, resté en Turquie, sera envoyé en Europe, ce qui revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul. En revanche, pas un mot sur les violations des principes démocratiques par Ankara. Et pour remercier Erdogan, l’Union européen versera trois milliards d’euros en complément des trois milliards déjà promis fin 2015 et dispensera les ressortissants turcs de visa d’entrée en Europe à partir de juin 2016. Bien sûr, l’accord est rempli de notes de bas de page et la Turquie ne pourra probablement pas remplir les conditions imposées pour obtenir la suppression effective des visas. Mais, politiquement, Erdogan a déjà gagné. Et si les visas ne sont pas supprimés en juin, personne ne lira les détails de l’accord tandis qu’Ankara accusera, une nouvelle fois, les Européens de ne pas tenir leurs promesses. On peut parler d’un accord gagnant-perdant en défaveur des Européens. Il faut espérer que les futurs diplomates l’étudieront comme un cas d’école de ce qu’il ne faut surtout pas faire.



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