«Philippe Muray casse les habitudes de la chanson»


«Philippe Muray casse les habitudes de la chanson»

bertrand louis muray baudelaire

Après avoir figuré à de multiples reprises dans le palmarès chanson des Inrocks, Bertrand Louis a un jour décidé de s’attaquer à Muray. S’en est ensuivi « Sans moi », un disque d’hommage à l’auteur de « Minimum respect » dans lequel il reprenait ses textes en alexandrins. Aujourd’hui, il prépare un nouvel album inspiré des poèmes de Baudelaire. Et comme l’industrie du disque n’aime rien moins que les francs-tireurs, Louis fait appel à votre bon cœur à travers une collecte de dons en ligne destinée à financer sa prochaine oeuvre. Donnez, votre argent ne partira pas en fumée !

Daoud Boughezala : Depuis quelques années, vous chantez Philippe Muray. Vous en aviez marre d’être le chouchou des Inrocks à la carrière toute tracée ou bien avez-vous été subitement piqué par la mouche antimoderne ?
Bertrand Louis : Je n’étais pas vraiment le chouchou des Inrocks, même avant de chanter Muray. D’ailleurs, ils ont fait une petite chronique de l’album, ce qui m’a gentiment surpris. Et Jean-Daniel Beauvallet, qui a l’air un peu plus ouvert que certains de ses collègues, m’avait écrit que l’axe du Bien ne passait pas par lui, ce qui m’avait plutôt amusé. Le côté antimoderne, je l’avais déjà esquissé dans mon disque précédent « Le centre commercial / Ou l’histoire d’un meurtrier ». Il est vrai que Les Inrocks, c’est une sorte de passage obligé, et chanter Muray, c’est un peu comme foncer droit dans le mur.

Vous avez choisi d’adapter des poèmes en alexandrins tels que « Lâche-moi tout », « L’existence de Dieu » ou « La comédie humaine ». Est-ce pour éviter de vous mesurer à son flow que vous délaissez les textes que Philippe Muray avait lui-même entonnés, comme le désormais célèbre « Tombeau pour une touriste innocente » ?
Je ne voulais pas faire une redite du disque de Muray, c’était aussi un accord tacite avec sa femme Anne Sefrioui. J’avais envie de chanter ses textes, plutôt que de les dire comme il le fait lui. Pour le « Tombeau pour une touriste innocente » que j’adore, la musique n’est pas venue…En plus je n’avais pas envie de le couper et il est très long. Je suis en train de penser à un spectacle plus conséquent, avec des lectures, et j’aimerais beaucoup l’insérer dedans.

Vous vous produisez régulièrement dans des petites salles parisiennes proches du Canal Saint-Martin. Quelles sont les réactions des bobos quand ils découvrent qu’à travers les textes de Muray, vous vous foutez (gentiment) de leur gueule ?
J’ai été surpris au début par les réactions positives du public. Les gens riaient beaucoup (ou gloussaient plutôt) et ils étaient pris par l’énergie et la rogne des textes et de la musique.  En revanche, devant un public plus « chanson » et qui ne connaît pas Muray, j’ai parfois l’impression de passer pour un extra-terrestre. Le côté « omerta » (je ne dis rien mais je n’en pense pas moins) fonctionne aussi à merveille sur ce coup-là. Muray casse vraiment les habitudes dans la chanson puisqu’il est littéraire et en même temps très cru.

Après avoir chanté Muray, vous faites appel à la générosité des internautes pour financer votre prochain album adapté des Fleurs du Mal de Baudelaire. Voulez-vous devenir le Fabrice Luchini de la chanson française ?
Oui comme ça je pourrai aller chez Drucker le dimanche après-midi ! J’aime bien ce côté « passeur » dont parle Luchini. Rien ne me plaît plus finalement que de donner envie aux gens de lire Minimum Respect. J’essaie pour ma part d’adapter des textes forts, mais que cela reste des chansons « écoutables ». Pas mal de gens me font ce retour et cela me touche. Sortir de Muray, ce n’est pas évident, je me suis vraiment demandé ce que j’allais pouvoir faire après. Et après Baudelaire, cela va être encore pire !

Je me suis laissé dire que vous aviez caressé le projet d’un duo avec le fantasque Didier Super. Pouvez-vous m’en dire plus ?
Il y a un texte de Minimum Respect que j’avais commencé à mettre en musique « La nursery s’étend » qui décrit une scène au restaurant, où Philippe Muray oppose l’élégance du menu « La carte proposait des choux gras aux gambas / Des joues de vieux melon aux senteurs d’épines douces… » à la gêne que lui inspire une femme de la table voisine s’extasiant devant son bébé qui vient de faire caca. J’avais effectivement eu l’idée (folle?) de mettre en valeur l’opposition en faisant un duo avec Didier Super, mais je n’avais pas de moyen de le contacter simplement donc j’ai laissé tomber. Mais cela reste ouvert puisque je n’ai pas mis la chanson sur le disque !



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