Difficile d’écrire sur le sable, surtout en période de grandes marées ! Entre le 1er et le 4 juin, il m’aura fallu remanier trois fois le présent papier[1. Appelé à faire autorité sur la question.], à propos de cet absurde jugement ch’ti annulant le mariage de deux époux consentants (au divorce).
La faute à Rachida Dati, qui est le contraire d’une imbécile. La preuve : en quatre jours, elle a changé d’avis deux fois[2. Même si son troisième avis est le même que le premier.] ! Cela dit, je ne lui en veux pas : ce pétage de plombs à répétition finit même par me rendre sympathique celle que je prenais pour une banale arriviste, « froide et sans scrupules » comme on disait déjà chez Delly.
En risquant sa carrière politique pour défendre une conviction fondée sur son expérience personnelle, Rachida a brusquement révélé à un microcosme incrédule son côté humain : « Pour être ministre, on n’en est pas moins femme », comme disait le poète.
Réussir ainsi à faire l’unanimité contre elle – du PC au FN, en passant par les associations féministes, antiracistes, laïcistes… et l’UMP en personne –, ce n’est quand même pas si fréquent. Surtout pour des idées !
Certes, les volte-face de Mme Dati m’ont donné un surcroît de boulot ; mais c’est bon pour mon karma, comme on dit chez les bouddhistes d’Oberkampf. Simplement la prochaine fois, j’écrirai de préférence sur la peine de mort dans l’Egypte ptolémaïque.
Mais revenons à notre mouton noir de la classe politique. Si jamais une telle mésaventure ne lui a pas ouvert les yeux sur ces Jeux du Cirque cruels et vains qu’on nomme aujourd’hui « politique », au moins y aura-t-elle appris le b-a-ba du métier : ne jamais, sous aucun prétexte, dire ce qu’on pense !
Tel est d’ailleurs, à mes yeux, le fond de l’affaire. Que réclame en fait le Parquet dans son appel (cf. Le Monde, 5 juin 2008) ? Non pas la réformation du jugement ; juste la suppression d’une de ses motivations : « La référence à la virginité n’est pas compatible avec l’ordre public, car elle porte atteinte à la dignité des femmes et à l’égalité des sexes. »
Une fois ôtée la virginité, si j’ose dire, que reste-t-il donc au tribunal correctionnel de Lille pour justifier sa fameuse décision du 1er avril ? Le mensonge, tout simplement.
Contrairement à ce qu’un vain peuple pense, c’était même l’essentiel de l’argumentation développée par les juges de première instance. Non pas l’état de l’hymen de Madame au moment des faits[3. Il n’y a même pas eu reconstitution des faits !], mais la tromperie concernant un point-clé du consentement mutuel : « La vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux, pourtant essentielle dans le cadre de l’union conjugale. »
Alors là, en tant que défenseur de la famille[4. De la patrie aussi, mais pour le travail, je suis pas sûr…], je dis : attention à la dérive jurisprudentielle ! Si les mensonges entre époux devenaient une cause d’annulation de leur union, on serait bientôt 60 millions de célibataires.
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