Euro: le FN n’a pas plié


Euro: le FN n’a pas plié
Marine Le Pen et Florian Philippot sur le perron de l'Elysée (Photo : SIPA.AP21822433_000173)
Marine Le Pen et Florian Philippot sur le perron de l'Elysée (Photo : SIPA.AP21822433_000173)

Comme souvent, c’est Alain Minc qui avait tenté de donner le la. Il y a quelques mois, le théoricien du « cercle de la raison » l’avait décrété : Marine Le Pen entrerait dans « l’arc républicain » à une condition et une seule. Qu’elle abandonne la préférence nationale ? Non. Qu’elle renonce à supprimer le droit du sol ? Pas davantage. Qu’elle ne rétablisse pas la peine de mort ? Non plus. Ce qui, aux yeux du puissant président des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, pourrait rendre fréquentable la candidate FN à l’élection présidentielle de 2017, c’était d’accepter la monnaie unique européenne.

Minc n’était évidemment pas seul. Il y eut ceux qui, comme lui, voient dans la monnaie unique le tabou ultime, et son rejet le signe de l’incompétence économique. Mais il y eut aussi ceux qui, après les élections régionales, décrétèrent que le Front national avait atteint son plafond de verre en raison de ses positions économiques. Une fois n’est pas coutume, c’est Eric Zemmour qui rejoignait ainsi Alain Minc, expliquant que les seules marges de progression du FN étaient à droite et seulement à droite, et que la fin de l’euro décourageait les personnes âgées. C’était aussi l’avis du maire de Béziers Robert Ménard qui, de surcroît n’a jamais vraiment été opposé à la monnaie unique contrairement à Zemmour.

De l’extérieur, la remise en cause est aussi arrivée à l’intérieur du FN. Séduits autant par les promesses de Minc que par les analyses de Zemmour, certains cadres du FN souhaitèrent débattre de la ligne économique du parti et de ce qu’on appelle communément et d’ailleurs assez maladroitement la « sortie » de l’euro. Un séminaire fut donc organisé et on sentait bien que si d’autres sujets devaient y être traités (changement du sigle, politique en direction des PME), c’est l’attitude face à l’euro qui en serait l’enjeu médiatique principal. On ne pouvait exclure que ce séminaire était aussi une manière de viser un homme, accusé de « gouroutiser » la présidente du FN sur la ligne du parti en général et sur les thématiques économiques en particulier. Florian Philippot est effectivement celui qui a été engagé pour formaliser le « souverainisme intégral » souhaité par Marine Le Pen. Son objectif est de rassembler la France du non, majoritaire il y a onze ans, faire de la présidente du FN la candidate anti-mondialisation en combattant les trois fameuses libertés de circulation : celle des hommes, celle des marchandises et celle des capitaux. Nicolas Sarkozy combat seulement la première. Le Front de gauche accepte seulement la première. Voilà pourquoi, selon Florian Philippot, la plus-value du FN se situe dans la cohérence qu’il y a à les combattre ensemble.

Les arguments selon lesquels le FN n’aurait pris aucune région à cause de ses positions économiques résistent difficilement à l’examen, de même que l’idée que des marges n’existeraient aujourd’hui qu’à droite. En effet, à qui étaient opposées au second tour Marion et Marine Le Pen dans leurs régions respectives ? A des candidats LR. Ce n’était donc pas de voix de droite dont elles avaient besoin mais d’empêcher la mobilisation de la gauche contre elle. Croit-on sérieusement que c’est le sort de l’euro qui a permis cette mobilisation ? Rien n’est moins sûr.

Davantage que les thèmes économiques, c’est l’incapacité des candidats FN à se comporter en candidats rassembleurs, leur manque d’humilité nécessaire pour séduire des électeurs qui n’ont pas voté pour eux au premier tour, qui ont fait la différence. L’incapacité de se départir d’une certaine agressivité, qui donnait corps aux accusations de fauteurs de guerre civile lancées par Manuel Valls, a sans doute été à l’origine de cet échec du 13 décembre. Il semble d’ailleurs que le message ait été entendu au plus haut niveau du FN puisque la nouvelle affiche mettant en scène Marine Le Pen a été imprimée avant le séminaire avec ce slogan : « La France apaisée ».

Dès la semaine dernière, Florian Philippot prévenait sur l’antenne d’iTélé : si le FN devait renoncer à défendre la souveraineté monétaire, il n’en serait plus. Le débat sur la ligne économique était clos avant d’avoir débuté. Marine Le Pen ne se séparerait pas de son stratège. Pas seulement pour les résultats obtenus depuis cinq ans, mais surtout parce qu’elle pense comme lui. Dimanche soir, le verdict tombait : le FN demeurait euro-incompatible. Restait à mieux l’expliquer, « dans un sens plus positif » selon Florian Philippot. Alain Duhamel fulminait : « Marine Le Pen n’a pas l’étoffe d’un chef d’Etat ». Ah bon ? Si elle acceptait l’euro, l’éditorialiste de RTL aurait clamé : « Marine Le Pen a désormais l’étoffe d’un chef d’Etat » ? Avouez que cela aurait été rock-and-roll.

Reste néanmoins un problème, qui n’a jamais été soulevé par les protagonistes. Il n’est pas aisé de procéder à la dissolution de la zone euro en ayant prévenu à l’avance. Ce genre d’opération, afin qu’elle se passe dans les meilleures conditions, réclame de la discrétion, nécessite un effet de surprise. Mais Florian Philippot n’en a cure. Pour lui, reculer sur l’euro eût été un reniement, qui aurait pu instiller l’idée d’autres reniements ultérieurs, avec un effet dévastateur dans les urnes. On peut ajouter une autre hypothèse. Qui dit que le vice-président du FN ne pense pas que la zone euro s’écroulera avant que le FN ne parvienne au pouvoir ? Comme l’agonie de Schengen a permis au FN de gagner des électeurs supplémentaires, la fin de l’euro subie et décidée par ses adversaires le désignerait comme celui qui l’avait prévu, annoncé, demandé. Et lui ouvrirait à coup sûr les portes du pouvoir. A l’inverse, imaginez la tête de Marine Le Pen assistant au retour du franc après y avoir elle-même renoncé sous la dictée d’Alain Minc et Jean-Michel Aphatie ? Avouez que c’eût été ballot.



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