«EquinoXe»: le «Que faire» du cinéma X


«EquinoXe»: le «Que faire» du cinéma X

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« Que doit-on faire en pornographie aujourd’hui ? » Voilà la question que John B Root posait avant la première projection d’EquinoXe, son prochain film avec la participation de Canal plus, lors de son avant-première au Balajo, le 29 janvier 2016. Le film répond habilement à la question posée. Hors d’une intimité secrète et parfois honteuse, voir les charmes s’exposer sur grand écran de A à Z autour d’une table, d’un verre, entourés de journalistes, dans une prestigieuse salle de spectacle, donne un regard différent sur la question.

Bien entendu, que faire ? John B. Root est bien placé pour comprendre le problème. L’industrie du porno regorge de sources gratuites, laides et pittoresques, d’un amateurisme flagrant qui suffit pourtant à satisfaire les envies furtives ou obsessionnelles. Comment même survivre dans cette jungle, quand, comme John B. Root, le tournage est éthique (suivi médical des acteurs et préservatifs obligatoires, par exemple). Il est certain qu’il faut essayer autre chose – ce qui n’est pas la première fois dans le cinéma de John.

Entre Rohmer et Bruno Dumont

Tout d’abord, Equinoxe peut se regarder du début à la fin, ce qui, il me semble, fait déjà son originalité. Les dialogues demandent la même attention que ceux de Ma nuit chez Maud de Rohmer, et les ambiances champêtres ne sont pas étrangères à celles du cinéma de la Nouvelle vague, tournée affectueusement en dérision. Et pourtant, sans le savoir, ou en connaissance de cause, John B. Root a réalisé un film emprunt de mysticisme, entre Rohmer et les plus beaux Bruno Dumont. Les fausses ingénues y développent un phrasé compliqué et amusant. Eros n’est pas triste dans Equinoxe, on rit. Bataille le disait bien, Eros prête à rire autant qu’il peut être tragique. La bande originale du film est intégralement jouée au piano par une artiste talentueuse, ce qui accentue les émotions non pas liée au désir, mais à l’amour – tout en reposant l’esprit. Quand le porno sort de la chambre, il rencontre la poésie, pour donner, comme le dit John B. Root, une « polissonnerie mystico-hédoniste-portnawak ».

Parmi les figures incontournables de cet art, il y a celle du Marahaja, ancien hypnotiseur dans Mangez-moi (John B. Root, 2012), joué par l’envoûtant Christophe Bier (acteur notamment pour Mocky, réalisateur, cinéaste et écrivain) qui en a eu marre de la vie parisienne, et s’est retiré dans les vignes.

Du Socrate dans le X

Il est le chaste maître de cérémonie de ce Banquet bucolique, où il développe une théorie cosmique de l’univers et des particules, les observant, par amour de la sagesse, au travers de la grâce des jeunes femmes qui viennent à lui et acceptent qu’il les observe davantage. De cette quête philosophico-humoristico-mystique découle une scène des plus osées et des plus métaphoriques du film. Dans un bain moussant, Marahaja reçoit, comme à la fontaine, les eaux jaillissantes d’une naïade. Nous sommes là entre le plus dérangeant et le plus poétique, qui finalement, fait sourire et rend joyeux. L’Eros de B. Root est plein de joie. La référence au Banquet n’est pas du tout hasardeuse, car sur un tronc d’arbre, dissimulé par des corps épris, on devine la devise socratique, « tout ce que je sais, c’est que je sais que je ne sais rien ». Les exemples de ce type regorgent.

Que faire en pornographie ? Jouer. Rire. Nikita Bellucci décide de faire de l’une de ses camarades délurées son Ganymède. Les filles jouent aux garçons, Nikita arbore alors le membre viril, parodiant la pornographie gay que l’on peut trouver un peu partout, et chevauchant son amant improvisé, mais finalement, d’abord par devant, en missionnaire, car l’homme improvisé est finalement un peu moins dévergondé que prévu. C’est donc le beau Doryann Marguet, aimant autant les femme que les hommes, qui recevra le membre factice de Nikita, elle-même honorée comme il se doit : une scène de triolisme qui transgresse les codes ordinaires. Chez B. Root, les femmes gardent la meilleure place, au cœur de la jouissance, comme Nikita enculée-enculeuse – quand, par ailleurs, il y a, comme dans la vraie vie, des hommes compliqués qui ne veulent pas bander, mais tout de même, finissent par faire quelques concessions.

EquinoXe, John B. Root, sur Canal plus courant 2016 et sur explicite-art.com en avant-première dès le 15 février.



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est docteur en théologie.

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