Monsieur Christophe Barbier, grand-éditorialiste de son état, assis dans le fauteuil de Servan-Schreiber et de Françoise Giroud à l’Express, n’est pas dépourvu d’estime pour sa personnalité si éminente qu’on le compte, paraît-il, parmi les intimes de la Première Dame de France. Il faut le voir déambuler dans les couloirs de son journal, écharpe rouge au cou, peut-être pour ressembler à un autre grand modeste, Jean-Pierre Elkabbach, réciter son édito-vidéo du jour.
Il a son rond de serviette chez Calvi, et il a longtemps participé sur I-Télé à « ça se dispute » où il se faisait ridiculiser de manière hebdomadaire par Eric Zemmour avant que Nicolas Domenach soit appelé à le remplacer afin de rendre le match un peu moins déséquilibré. Sur Internet, donc, il innove avec son éditorial en vidéo mais n’avait jamais créé le Buzzz. Cela devait lui manquer. Il a donc profité du nouveau règlement de la compagnie Air France sur les places occupées par les obèses pour enfiler les bêtises comme d’autres les perles sur un collier. Ceux qui sont habitués à ses chroniques me rétorqueront que c’est le cas à chaque édito barbieresque mais, cette fois-ci, il y a ajouté un ingrédient supplémentaire : la provocation crasse.
Pour Christophe Barbier, il y a deux sortes d’obèses. Il y a ceux qui n’y peuvent rien, qui sont génétiquement programmés pour l’être. A ceux là, on ne peut guère en vouloir, concède t-il dans un élan de générosité. Et puis il y a les autres « qui payent le prix de comportements dérégulés. D’un manque de volonté. D’une manque de violence qu’on se fait à soi-même pour que son personnage, son corps ne crée pas des problèmes à la collectivité, notamment dans les transports en commun. »
Passons sur la rigueur scientifique du Grand-Editorialiste. Et renvoyons à la réponse d’un spécialiste de ces questions sur le site d’Arrêt sur Images.
Passons également sur le fait que, sans doute effrayé par les conséquences du buzz et se souvenant que, non seulement il y a des obèses dans la rue, mais que l’un d’entre eux pourrait bien lui balancer sa grosse main sur son jolis minois, Barbier s’est confondu en excuses et a admis avoir osé une provocation.
Et venons-en précisément aux raisons qu’il avance pour justifier cette provocation : la responsabilité individuelle envers sa santé pour le bien de la collectivité. Que veut donc nous dire Barbier par là ? Effrayé par le déficit de l’assurance-maladie, est-il sur le chemin de lancer quelques pistes en vue de sa résorption ? Ces irresponsables de fumeurs et ces grosses feignasses d’obèses, qui s’empiffrent et ne courent pas au bois le dimanche, ne pèsent-ils pas trop sur nos finances publiques ? En avant-première, voici les prochaines propositions de L’Express sur ce dossier épineux : privatisation totale de l’assurance-maladie. Les assurances privées mettront en place un système de bonus-malus sur le modèle de l’assurance automobile.
Dans le cas où ce peuple si conservateur rejetait cette idée de bon sens, il conviendrait donc de réformer drastiquement notre système de remboursement des soins dans le sens d’un contrôle accru des efforts de chacun :
Idéal : introduction d’une puce dans les organes respiratoires et digestifs de chaque assuré social afin de contrôler sa bonne hygiène de vie. Des prises de sang seront également effectuées de manière régulière et inopinée.
En attendant que cette innovation technique soit possible et généralisable, l’assuré social s’engagerait sur l’honneur à suivre un régime précis établi par le médecin-conseil de sa caisse. Des contrôles inopinés pourraient avoir lieu au domicile de l’assuré, ou tout autre lieu de vie (restaurant, cantine d’entreprise, bar etc…)[1. L’assuré social devra, en outre, conserver toutes les notes de ses achats alimentaires. Dans le cas de repas pris lors d’invitations, l’hôte devra remettre un menu signé à l’invité afin que ce dernier puisse l’archiver en cas de contrôle.]. Dans le cas où il serait établi que le régime n’a pas été respecté, une majoration des cotisations sociales serait calculée sur la feuille de paie du contrevenant. En cas de récidive, la radiation pour cinq ans du système d’assurance-maladie serait prononcée.
En ce qui concerne les accidentés, l’assurance maladie se rapprocherait évidemment des autorités (police, justice, experts en assurance) pour connaître la responsabilité de chacun. Il est évident qu’on ne saurait dilapider l’argent public pour des irresponsables ayant contrevenu au code de la route. Le handicap ne serait pas pris en charge en cas de responsabilité établie de l’assuré lors de son accident. Si, à cause de l’incapacité nouvelle à travailler, il lui serait devenu impossible de rembourser les frais onéreux engagés par la collectivité, sa famille se substituerait à lui. Outre le bénéfice engendré par l’assurance-maladie, cette mesure pourrait contribuer à resserrer le lien familial.
Les assurés sociaux exemplaires qui, en sus de respecter le régime du médecin-conseil, feraient des efforts supplémentaires (activité sportive raisonnable, militantisme dans les associations anti- tabac ou ligues anti-alcooliques…) pourraient bénéficier d’abonnements gratuits à L’Express, d’une photo dédicacée de son guide suprême voire d’une cure de thalassothérapie en compagnie de Carla Bruni.
Bienvenue dans le monde souhaité par Christophe Barbier. Cela ne vous fait pas envie ?
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