La Parisienne fait et fera toujours la nique aux terroristes ! Depuis plus de cinquante ans, sur les écrans ou dans la rue, elle incarne le parfum du scandale, les amours triangulaires, la douce musique du bas nylon qui file au bout de la nuit et cette mauvaise foi atavique qui rend le couple aussi ardent, dernière aventure où les vrais hommes jouent leur peau. Sans elle, quel intérêt de sortir le soir, de se poster à une terrasse de café, de vider son compte en banque et de mourir d’aimer. Sans elle, l’alcool est moins fort, la Tour Eiffel baisse la tête et Paris perd l’appétit. Sans elle, à quoi bon noyer son chagrin dans la Seine. Sans elle, inexorablement, nous nous consumons. Notre cœur n’y résisterait pas. Je ne me lasserai donc jamais de regarder les filles qui boivent du vin blanc et picorent de la charcuterie en se plaignant de leur ligne élastique.
J’aime les filles qui parlent fort et souffrent en silence. J’aime les filles qui portent des mini-jupes et philosophent sur la vie. J’aime les filles qui exagèrent par peur de ne pas se faire assez remarquer. J’aime les filles libérées qui rêvent d’être demandées en mariage. J’aime les filles qui ne se prennent pas au sérieux et nous mettent KO d’un mouvement de cheveux. J’aime les filles qui marchent sur le pavé, les jours de pluie, la nuque conquérante, les chevilles fragiles, et qui ont, dans le regard, ce vague à l’âme irrésistible, cet érotisme chaste comme le qualifiait Prévert à propos d’Arletty. J’aime les filles à talons hauts, pudiques et romantiques. J’aime les filles myopes qui voient clair dans notre jeu trouble. J’aime les filles qui ne répondent à aucun stéréotype, à aucun diktat. J’aime les filles qui nous font la gueule, c’est leur façon de nous aimanter, de nous retenir. La Parisienne est ce fantasme-là, multiple, incohérent, délicieux en somme. Un rêve de provincial, un souvenir innommable que les touristes emportent et conservent précieusement au fond de leur mémoire.
On reconnait la puissance d’une Nation aux rires des jeunes filles qui éclatent dans la rue, spontanément, sans raison, et qui jaillissent comme des promesses d’amitié, d’éternité. Après l’infamie du week-end dernier, chacun d’entre nous se débrouille comme il peut avec sa douleur sourde, sa rage ou son hébétement. Certains crient leur désespoir, d’autres se terrent, personne n’a la solution. Le malheur est toujours mauvais conseiller. Les mots dont nous faisons profession, ne nous soulagent pas mieux. On connaît trop leur miroitement factice, souvent ils nous leurrent, nous aveuglent. C’est pourquoi aux injonctions d’agir, à la peur de blesser, je préfère vous faire partager ce week-end trois films en noir et blanc.
Trois « vieilleries » des années 50/60 qui, par leur innocence, leur morale, leur sex-appeal démodés, en disent long sur la persistance, à travers les époques, du génie français. Si la parisienne d’hier et d’aujourd’hui a mis le monde à ses pieds, qu’elle soit vamp ou ménagère, étudiante ou caissière, c’est grâce à son insolence ravageuse, sa moue bravache et sa liberté de ton. Dans le chaos de ces derniers jours, la légèreté est un acte de résistance. Futile peut-être, dérisoire sûrement, donc indispensable à notre survie. Le 16 décembre 1957 dans les cinémas « Berlitz » et « Wepler », à Paris of course, sortait La Parisienne, un film de Michel Boisrond avec une BB explosive. Cette bombe-là a fait table-rase du passé, de tous les archaïsmes, de tous les conformismes. Aucune femme sur la surface du globe n’a échappé à cet élan émancipateur. Compressée dans une robe fourreau rouge, Brigitte était notre plus bel étendard. Un an plus tard, sa fausse rivale, Mylène Demongeot éclairait de son sourire mutin et démoniaque « Cette Nuit-là… », film de Maurice Cazeneuve d’après un roman de Michel Lebrun. Maurice Ronet et Jean Servais tombaient dans ce piège blond comme les blés, piquant comme une méduse. Avec la parisienne, on se fiche bien de connaître sa couleur de peau ou sa classe sociale, son pedigree indiffère, seule son effronterie nous assaille. Dans « Du Grabuge chez les Veuves », film de Jacques Poitrenaud sorti en 1964, Dany Carrel et Danielle Darrieux jouaient à armes égales en matière de séduction. Toutes ces actrices n’ont pas gravi les marches du Palais Bourbon, ni rédigé des lois d’exception mais elles ont représenté une France libre, à l’intérieur et à l’extérieur de notre pays, et ont fait souffler un vent d’insouciance. De grandes sœurs qui ont, sans le savoir, ni le vouloir, façonné notre art de vivre.
La Parisienne, film de Michel Boisrond – DVD René Chateau.
Cette nuit-là…, film de Maurice Cazeneuve – DVD René Chateau.
Du grabuge chez les veuves, film de Jacques Poitrenaud – DVD Les Films du Collectionneur.
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