Après la fameuse interview au Corriere della Serra suivant de quelques jours la publication de son dernier livre, Éric Zemmour fut prestement foutu à la porte d’iTélé. Il animait pourtant l’émission la plus regardée de la chaîne d’information mais foin de recherche d’audience lorsque l’on combat la Bête immonde. La suite montra rapidement que les propos ayant fait scandale sur la déportation des musulmans n’avaient pas été tenus. Qu’à cela ne tienne, ceux qui ovationnèrent cette mesure se rabattirent sur un autre prétexte : « qualifiant Canal+ de chaîne bobo, il avait insulté son employeur, iTélé étant une filiale de Canal ». La bien-pensance applaudit à tout rompre cet interdit professionnel et cette atteinte à la liberté d’expression. Les syndicats de journalistes restèrent soigneusement muets et L’Obs alla même jusqu’à nous dire que le scandale n’était pas son éviction, mais plutôt le fait qu’il y soit resté une bonne dizaine d’années. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! Éric Zemmour continua à accompagner la diffusion jusqu’à 500 000 exemplaires de son livre et iTélé à recevoir régulièrement Christophe Cambadélis qui a écoulé 300 du sien.
Tout ce petit monde se retrouva en rangs serrés le 11 janvier suivant pour battre le pavé en criant bien haut son amour de la liberté d’expression assassinée. Dans les semaines qui suivirent, annonces de nouvelles lois répressives, et reprise de la routine des procédures pénales.
Philippe Verdier, chef du service météo de France 2, chaîne publique financée avec nos impôts, devait se croire à l’abri n’appartenant pas au camp « des heures les plus sombres ». Il a donc publié un livre pour faire part de ses critiques sur la façon dont le réchauffement climatique était instrumentalisé. Malheureux, blasphémer Mahomet ou Jésus, on peut, c’est même recommandé. Blasphémer la nouvelle religion écologique, c’est un crime. Mise à pied immédiate et direction la porte. Extinction de voix persistante des syndicats de journalistes. Pas de liberté pour les climato-dubitatifs !
Thomas Guénolé, improbable politologue autoproclamé, pouvait se croire à l’abri. Lui au moins appartenait au camp du Bien. N’hésitant pas à en rajouter chronique après chronique il inventait chaque jour des mots nouveaux accompagnés du suffixe -phobe pour désigner l’ennemi. C’était un bon petit soldat. Mais qui, tout à son zèle, n’a pas vu arriver l’avion. C’est que depuis le 13 novembre, le choc de la tragédie et le choix par le Président de la République d’un traitement martial, nous sommes passés en mode Déroulède et priés d’aller « fêter, voir et complimenter l’armée française ». Ce que personnellement, tout d’admiration pour le boulot des flics, je fais – comme dans la chanson- « sans hésiter ». Ce que n’a pas su faire Thomas Guénolé qui s’est livré, dans une chronique sur RMC à une critique, assez ridicule d’ailleurs, de l’intervention de la BRI au Bataclan. Viré par téléphone, il se présente quand même à la station où on le fout dehors. Eh oui mon vieux, camp du Bien ou pas, pas de liberté pour ceux qui ne savent pas jouer du clairon !
Comme l’ont dit les quatre millions de personnes descendues dans la rue de 11 janvier, la liberté d’expression est l’une des valeurs de notre civilisation. C’est pour cela qu’elle est sacrée. Et à géométrie variable.
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