Le 11 novembre 1918, à 5h20 était signé au nord de Paris l’armistice qui mit fin à plus de quatre ans d’une effroyable boucherie sur les sols français et belge.
Bilan global: 9 millions de morts, 8 millions d’invalides. Parmi les combattants: 2 millions d’Allemands, 1,4 millions de Français et 1,2 millions d’Anglais tombés au combat (pour le seul front de l’ouest). Sans compter en France les 260 000 disparus, les 800 000 maisons détruites et les 3 millions d’hectares de terres agricoles saccagées.
Lors de la « Bataille des frontières » qui vit le cuisant échec d’une première offensive française sur la frontière belge en août 14, 40 000 soldats français périrent en 4 jours dont 27 000 en une seule journée, fauchés par les mitrailleuses allemandes (massacre pour lequel l’état-major porte une lourde responsabilité). Quant à la fameuse bataille de Verdun, elle fit entre 550 000 et 750 000 morts en neuf mois, de février à décembre 1916. Même aujourd’hui, à près d’un siècle de distance, la terre en porte les stigmates : des objets divers et des obus jonchent encore en abondance le sous-sol de la région.
Bref, il serait inconvenant de nous étendre davantage sur un bilan déjà bien sordide. Ces chiffres doivent nous inciter à nous recueillir, ne serait-ce qu’un instant, pour rendre hommage à tous ces jeunes tombés au combat, dans des souffrances souvent atroces. Il faut également honorer le souvenir de leurs camarades – miraculeusement – survivants qui ont connu des mois, des années durant, l’enfer des tranchées. En France, 36% de jeunes gens âgés entre 19 et 22 ans en 1914 ne sont plus revenus en 1918.
Une autre raison pour laquelle nous évoquons ce drame est de rappeler l’état d’esprit qui régnait alors en France: pas une seule famille qui n’eût ses disparus, invalides ou blessés, tous très jeunes ! Un pays saigné à blanc, dont une partie non négligeable ne fut quatre années durant qu’un immense et sanglant champs de bataille: de la frontière belge à l’Alsace jusqu’aux rives de la Marne et de la Somme, pratiquement aux portes de Paris. Champs ravagés, villages coupés par le front, maisons, églises brûlées – issu d’une famille de Lorrains, Ardennais et Champenois, j’en ai moi-même recueilli de douloureux témoignages.
Autant d’éléments indispensables pour mesurer l’euphorie qui régna en ce jour du 11 novembre. Non pas tant sous le signe d’un triomphalisme victorieux que sous celui d’un profond soulagement. Mes proches me racontaient que dans les rues de Paris, les gens dansaient et s’embrassaient – si, en Allemagme, le ton n’était pas à la danse, j’oserais croire que le soulagement fut secrètement le même dans bien des foyers.
Pour qui observe le comportement de nos politiques au lendemain de cette guerre, il conviendra de prendre en compte cet aspect psychologique. Qui n’excusera en rien les lourdes et fatales erreurs commises par la suite lors de l’élaboration des traités de paix, mais les explique en partie.
Enfin, pour terminer, qu’une pensée aille vers ceux qui payèrent de leur vie leur refus de se lancer aveuglément à l’assaut de « ceux d’en face” en qui ils voyaient des fils, fiancés, maris et pères tout aussi respectables qu’eux, seule la couleur de l’uniforme et la forme du casque faisant la différence. Ces fameux « fusillés »(estimés à 750) que l’on nous cache pudiquement en ces journées du souvenir.
Souvenons-nous!
*Photo: vasse nicolas,antoine.
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