Les gardiens de la paix contre la Garde des Sceaux


Les gardiens de la paix contre la Garde des Sceaux

manifestations policiers place Vendôme

La dernière fois qu’on a vu autant de flics sur un périmètre aussi restreint, c’était autour de l’esplanade des Invalides, le 26 mai 2013. A l’époque, on pouvait encore se payer le luxe de mobiliser la bagatelle de 4500 policiers et gendarmes pour courir après de dangereux « fascistes en loden » opposés à… la loi Taubira sur le mariage gay. Mais déjà, des syndicats de CRS et de commissaires, épuisés par les déplacements et privés de repos depuis des mois, commençaient à grincer des dents.

Puis, brutalement, on a basculé dans une nouvelle dimension avec les attentats islamistes de janvier 2015. Mais alors que les policiers étaient célébrés comme des héros par tous les Français, ou presque, Mme Taubira peaufinait cette fois une réforme pénale qui allait exactement à contre-courant d’un nécessaire renforcement de notre arsenal sécuritaire.

manifestation policiers place Vendôme

Ce mercredi 14 octobre, c’est donc sous les fenêtres de son ministère, place Vendôme, que les syndicats de policiers et gendarmes avaient appelé à manifester en masse. Un lieu hautement symbolique, que la préfecture n’a pas réussi à leur refuser comme elle pouvait le faire du temps des Manifs pour tous, en interpellant le moindre gamin à tee-shirt rose qui passait par là.

« C’est historique, parce que cette fois il y a les gardiens de la paix, les officiers et les commissaires », nous explique un homme au cheveu ras qui nous a d’abord pris pour un « collègue ». Les motifs de mécontentement ? Le flic mitraille : « On n’en peut plus d’aligner les heures supplémentaires impayées au nom de la nécessité de service », qui oblige les fonctionnaires de police à travailler lorsque leurs chefs considèrent que les circonstances l’exigent.

manifestation policiers place Vendôme

« Ce n’est pas nouveau, mais depuis janvier, il faut des gars devant chaque synagogue, partout… Et bientôt, on va devoir faire la nounou pour des détenus en permission », poursuit notre interlocuteur à propos de l’abracadabrantesque suggestion récente de Christiane Taubira. La fusillade dans laquelle un agent a été blessé en Seine-Saint-Denis le 5 octobre n’est que « la goutte d’eau », selon les termes du flic manifestant.

Et en effet, le problème semble plus profond. « Est-ce qu’on peut comprendre qu’un détenu islamiste fiché soit libéré pour une permission ? », nous demande un représentant du syndicat FO Pénitentiaire. « On veut que Taubira dégage, poursuit-il sans desserrer les mâchoires. Depuis ses réformes, on n’a plus le droit de fouiller les prisonniers systématiquement quand ils rencontrent quelqu’un au parloir. »

manifestation policiers place Vendôme

Dans le collimateur des policiers, gendarmes et gardiens de prison : les JLD (juges des libertés et de la détention) et autres JAP (juges d’application des peines), qui libèrent à tour de bras des délinquants multirécidivistes en application de la politique pénale gouvernementale, qui privilégie la probation à l’incarcération.  Et le syndicaliste de préciser, avec un rictus affligé : « Des sénateurs socialistes sont mêmes venus nous proposer l’idée d’autoriser les téléphones portables dans les prisons, sachant qu’il y en a déjà qui circulent… »

A l’heure ou 22 flics sont agressés physiquement chaque jour en France, le désarroi est palpable, dans les conversations comme dans les slogans repris en chœur : « Justice, n’oublie pas la police ! Justice, protège ta police ! », « Fermeté ! », « Plus de libérations, plus de permissions ! », « Taubira, casse-toi ! »… suivis de huées, de sirènes et d’explosions de pétards.

Manuel Valls a eu beau réagir au plus vite en annonçant des moyens supplémentaires, une simplification des procédures et davantage de contrôles, Mme Taubira est toujours et encore Garde des Sceaux. Et la rue n’a toujours obtenu le retrait d’aucune de ses réformes. Cette femme est un poème.

*Photos : Pascal Bories.



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