Deux causeurs en espadrilles au Renaudot


Il est difficile de ne pas partager les coups de gueule de Jérôme Leroy en politique, même si nos analyses nous conduisent à des conclusions opposées, et impossible de ne pas succomber au charme spleenétique d’Arnaud Le Guern, deux amis dans la vie et que rapproche, entre autres, leur passion pour les actrices des sixties, à commencer par Catherine Spaak. Ils seraient capables de s’entretuer pour elle. Tous deux écrivent des romans, passent l’été au soleil en espadrilles, Jérôme en Grèce où il rêve d’un communisme balnéaire, et Arnaud à Evian ou à Lausanne où il tente de retenir les minutes fugitives d’une saison belle comme la porcelaine de Mort Shuman chantée par Sophie Barjac. Mort Shuman et Sophie Barjac : encore deux passions qu’ils partagent. Sur le plan littéraire, en revanche, il en va tout autrement. Pour faire simple, il y a du Rohmer – Pauline à la plage, Le Genou de Claire – chez Arnaud Le Guern, et du Chabrol – Que la bête meure, Le boucher – chez Jérôme Leroy qui décrit au vitriol la bourgeoisie provinciale du Cotentin dans Jugan, inspiré par un roman mythique de Barbey d’Aurevilly : L’Ensorcelée ( 1855). Si l’obsession d’Arnaud Le Guern est de prolonger l’été en compagnie de délicieuses nymphettes, celle de Jérôme Leroy est de traquer le Mal sous ses diverses figures. Il y a de l’exorciste chez Jérôme Leroy, ce théologien égaré dans la Série noire. Tous deux ont le même art de capter le lecteur dès la première phrase. Très importante, la première phrase : elle décide de tout le reste. Arnaud : « Finalement, il n’ y a toujours eu que nos étés. Jérôme : « Deux ou trois fois par an, je rêve de Noirbourg et je me demande si je ne devrais pas m’inquiéter. « .Ite missa est. Jérôme Leroy et Arnaud Le Guern se retrouvent sur la liste du Renaudot. Voilà des jurés qui savent lire. Quel que soit le lauréat, j’espère qu’il viendra en espadrilles le jour de la cérémonie. Et j’ai au moins une certitude : que les filles en shorts comptent plus dans leur vie que n’importe quel prix. Autrement, d’ailleurs, ce ne seraient pas mes amis.

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