Imaginez qu’un cardinal de la Curie romaine écrive un livre, forcément très élogieux, sur le pape François. Imaginez que le souverain pontife le préface. Imaginez que l’ouvrage soit publié par les Editions du Vatican. Avec tout le respect qui est dû à Sa Sainteté, on se poserait, devant tant de vanité, quelques questions sur l’amour des humbles et des pauvres professé par le pape François.
Imaginez qu’Emmanuelle Mignon, qui fut sa plume à l’Elysée, publie un livre, à coup sûr bienveillant, sur Nicolas Sarkozy. Imaginez que l’ancien président de la République se précipite pour le préfacer. Imaginez que le livre soit édité par le think tank Fondapol très dévoué à la droite. Les humoristes ricaneraient, les éditorialistes se gausseraient et toute la France en ferait des gorges chaudes.
Ce n’est donc pas a priori imaginable. Mais il arrive que la réalité dépasse la fiction. Vient de sortir un livre La Révolution du changement : la démocratie sociale. Un panégyrique d’Hollande et sa méthode. Pour donner le ton, une phrase de l’auteur, Jacky Bontems qui se qualifie lui-même de « dernier des Hollandais » : « on n’a jamais autant réformé que sous François Hollande ».
Comme le sujet est un peu ardu et même rébarbatif, comme M. Bontems n’est pas une star de la télé, on a eu recours à un illustre préfacier pour assurer la promotion du livre : François Hollande lui-même ! Et l’ouvrage a été publié comme il se doit, par les éditions de la Fondation Jean-Jaurès qui est au PS ce que la Fondapol est aux Républicains. La totale…
N’ayant lu ni le livre ni sa préface, je me garderai bien d’émettre un avis sur le contenu. Mais le contenant laisse pantois et sidéré. Hollande il est beau, il est gentil, il est grand (pour parler comme lui). On lui sert la soupe. Il goûte, la trouve bonne. Et se fend d’un texte pour dire qu’elle est bonne.
C’est plutôt comique. Mais en même temps c’est préoccupant pour l’état des chevilles du Président qui enflent, qui enflent. Hollande avait commencé par un « moi je ». Puis il est passé sans transition à un « moi nous ». Le pluriel de majesté. Nous, Louis XIV roi de France…Nous, Philippe Pétain, maréchal de France…Nous, François Hollande, Président de la France…
Quelque part, très loin de chez nous, un personnage considérable exerce ses talents entouré par une cour d’admirateurs. Peut-on imaginer qu’un hiérarque du régime nord-coréen écrive un livre à la gloire de Kim Jong-un, le numéro un de Pyongyang ? Peut-on imaginer que Kim Jong-un accepte de lui donner une préface ? Peut-on imaginer que ce livre soit publié par les éditions d’état de Pyongyang ? Oui, on l’imagine très bien…
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