Trop peu d’observateurs l’ont remarqué, mais cette semaine aura vu s’étaler des divergences spectaculaires au sommet de l’appareil politico-étatique. Point de départ de ce schisme socialo-socialiste à ciel ouvert, l’appréciation des incidents qui ont émaillé le traditionnel banquet du samedi soir de l’université d’été du PS à La Rochelle. De jeunes camarades y ont copieusement sifflé le premier ministre, certains d’entre eux ont même réclamé la démission d’Emmanuel Macron.
Certes, il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause la réalité même des lazzis qui ont fusé dans l’assistance. Si on en a causé abondamment sur Twitter et si on les a vus partout sur Youtube, c’est forcément que c’est vrai. Non, non, les désaccords de fond entre hiérarques socialistes portent sur les causes politiques, morales et éventuellement médicales de cette contestation.
Pour Manuel Valls, la cause est entendue : si des militants du MJS ont gâché sa prestation, il faut y voir la main de Moscou, ou tout au moins de sa version remix 2015 : c’est la faute à l’abominable homme de gauche, Jean-Luc Mélenchon. Très énervé par ces lazzis, Valls aurait en effet déclaré : « Les Jeunes Socialistes ne savent plus où ils habitent : la preuve, ils en sont même à critiquer la conférence sur le climat. C’est une organisation à la dérive, manipulée par Mélenchon. » Certes il ne s’agit pas d’une déclaration officielle. Mais comme cette phrase a été rapportée dans les colonnes du Canard Enchaîné, elle est forcément plus crédible qu’une publication au Journal Officiel. Mais pour être authentique, cette analyse un rien complotiste n’en est pas moins fausse : Méluche est bien trop occupé à empêcher sa barque de couler pour jouer les sous-marins.
Autre son de cloche chez Jean-Christophe Cambadélis. Pour le Premier secrétaire, il ne faut tirer aucune conclusion politique de ce binz. Pour lui, toutes ces vacheries, c’était de l’humour, seulement de l’humour. Bien sûr, Cambadélis ment. Si on avait de l’humour au MJS, ça se saurait.
Dernière hypothèse émise cette semaine, celle de Jean-Marie Le Guen. Pour lui cette fièvre du samedi soir a une cause triviale : les siffleurs étaient complètement bourrés.
Quand j’ai découvert cette analyse, j’ai aussitôt pensé à ces titres commençant par « Ivre, il » dont la presse de province nous régale régulièrement et que colligent aimablement des sites spécialisés tels Ivrevirgule.fr
Le genre « Ivre, il se trompe de maison et de femme »
ou bien « Ivre, il veut se rouler un joint et demande des feuilles… aux policiers »
ou encore : « Ivre, il tente d’éteindre la flamme du soldat inconnu avec un extincteur »
Il va de soi que cette hypothèse me paraît plus crédible que les autres. Après tout, les jeunes socialistes sont des jeunes comme les autres : coincés dans un dîner familial casse-burne avec des vieux cons, ils tuent l’ennui en picolant plus que de raison, puis s’abritent derrière leur ébriété pour exprimer sans ambages leur révolte contre la société. Le Guen est donc probablement dans le vrai. Rien que ça, ça s’arrose !
Et puis en lisant bien les reportages sur ce triste événement, j’ai eu la preuve définitive que la piste de l’ébriété était la bonne. D’après plusieurs observateurs dignes de foi, les frondeurs ne se sont pas contentés de siffler Valls ou Macron. Ils ont aussi crié « Taubira à Matignon ! »
*Photo : Sipa. Numéro de reportage :00721959_000056.
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