La grande coureuse indienne Dutee Chand a gagné le 27 juillet, après un recours auprès de la plus haute instance du sport, le droit de participer aux courses féminines. Une femme qui prend part aux compétitions de femmes, ce n’était pas si étonnant il y a quelques années. Maintenant, ça devient sujet à débat.
Après un contrôle antidopage lors des Jeux du Commonwealth en juillet 2014, la sprinteuse de 18 ans a été accusée d’«hyperandrogénie». C’est-à-dire que son corps présentait un «excès d’androgènes», hormones généralement masculines, qui favorisent notamment le développement des cellules musculaires. La jeune sportive a été suspendue de sa fédération et interdite de compétition. Elle a fait appel de cette décision auprès du tribunal arbitral du sport qui lui a finalement redonné le droit, après un an d’attente, de courir avec les filles.
Tout l’enjeu se concentrait sur cette question : les femmes XY dites « intersexuées », telles que Dutee Chand, peuvent-elles concourir avec des femmes XX ?
Dutee Chand est née avec des avantages physiques non négligeables pour une sportive, comme ne manque pas de le dénoncer la marathonienne Paula Radcliffe : « Son corps répond différemment, plus fortement à l’entraînement et à la course qu’une femme avec un taux normal de testostérone. » Mais peut-on légitimement reprocher à Dutee Chand son patrimoine génétique ? Une top-modèle reproche-t-elle à sa concurrente d’avoir des gènes plus favorables à la beauté ? Un joueur d’échecs reproche-t-il à son adversaire d’avoir un cerveau plus performant ?
Les fédérations sportives ont aussi tendance à penser que les sportives XY tirent un avantage indu de cette différence chromosomique, comme le prouvent la suspension de Dutee Chand ou de la coureuse sud-africaine Caster Semenya en 2009. Difficile à entendre pour ces athlètes qui n’ont pas choisi leur différence. Contrairement à d’autres sportives européennes, leur état est naturel. Elles n’ont fait appel ni aux opérations chirurgicales, ni aux traitements hormonaux.
Dutee Chand « n’a pas triché sur son genre », commente un journaliste de Libé. Mais ça n’a rien à voir avec le genre. On nous bassine suffisamment avec pour savoir ce que cela signifie : une tendance à un comportement féminin ou masculin, ou un peu de tout, ou l’un après l’autre, jusqu’aux six identités de genre proposées par les Universités de Californie à leurs étudiants. Rien à voir avec le schmilblick chromosomique ! En fait, c’est le genre qui est venu semer la confusion dans la distinction des sexes. À force de chercher les « tendances » de chacun, on en oublie l’essentiel, quitte à priver une femme du droit de faire partie d’une catégorie féminine.
Le verdict du tribunal arbitral du sport est à l’image de cette confusion générale. S’il affirme clairement que l’hyperandrogie n’est pas un motif de suspension des joueuses, il devient plus nébuleux quand il s’agit d’aborder la question éthique : « Le sexe des êtres humains ne peut être défini de façon binaire », insiste l’instance, car « la nature n’est pas ordonnée de façon stricte et le sexe n’est pas déterminé par un seul élément». Malgré tout, « comme il y a une distinction dans le sport entre les catégories féminines et masculines, la fédération doit trouver un socle qui permette la distinction entre les athlètes féminins et masculins ».
Et le socle qui permet la distinction entre les athlètes féminins et masculins, c’est le sexe. Bien obligé de ranger les femmes et les hommes dans des cases différentes, avec des critères ancestraux, sous peine de discriminer les femmes par rapport aux hommes en fonction de leur degré de féminité.
*Photo: Sipa. N° de reportage: AP21655890_000002.
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