Causeur n°25 : Déconstruire l’école, qui a eu cette idée folle?


Causeur n°25 : Déconstruire l’école, qui a eu cette idée folle?

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Zéro de conduite! Nos responsables politiques ont la mémoire courte, au point d’oublier que la réforme du collège s’inscrit dans la longue chaîne d’involution de l’école depuis une quarantaine d’années. C’est ce que nous rappelle Elisabeth Lévy dans son introduction au dossier central de ce nouveau numéro réconciliant France Gall et Derrida : « Déconstruire l’école : qui a eu cette idée folle ? »

Notre directrice de la rédaction se souvient du temps béni de ses neuf ans, dans ce collège d’Épinay-sur-Seine où: « les enfants des classes moyennes côtoyaient les fils de prolos, les enfants d’immigrés se fichaient de ce qu’ils mangeaient à la cantine, on se mélangeait gentiment sans savoir qu’on faisait de la mixité ». En cette époque pas si antédiluvienne, les cancres redoublaient jusqu’à 14 ans, avant qu’on ne les envoie vers d’autres cieux, sans que les parents, les profs ni l’administration ne jugent le procédé traumatisant. Mais voilà, « quarante ans et d’innombrables réformes plus tard, la hiérarchie s’est complètement inversée » : au nom du Dieu égalité, on s’acharne à faire entrer tous les élèves dans le moule du collège unique et on veut diluer les humanités dans des modules de civilisation qui font la part belle à la sacrosainte «interdisciplinarité». Cerise sur le gâteau, tous nos ministres de l’Éducation nous promettent le beurre, l’argent du beurre, et les bonnes grâces de la crémière : « L’excellence n’est pas un privilège, c’est un droit » claironne notre Président. Or, « le problème, c’est que l’égalité et l’excellence, ça ne va pas ensemble » dixit notre chère Elisabeth.

Natacha Polony partage ce triste constat. Dans l’entretien-fleuve qu’elle nous a accordé, la journaliste spécialiste des questions d’éducation nous conte par le menu comment droite et gauche ont conjointement attaqué le « mammouth » scolaire, qui par égalitarisme, qui par esprit managérial. Résultat des courses : « près de 80% des enfants qui sortent du CP sans maîtriser la lecture ne rattraperont jamais leur retard »… Sur le terrain, les enseignants n’en finissent pas de subir les dégâts du collège unique et de l’hétérogénéité des niveaux au seins d’une même classe, tirant tous les élèves vers le bas, ainsi que nous le confirme le professeur de maths Jean-Luc Neulat, confronté à des élèves de Terminale S qui ignorent tout des racines carrées. La faute au pédagogisme effréné d’une caste de mandarins déconnectés du réel, nous explique Jean-Paul Brighelli. Ces intellectuels qui ont l’oreille de la rue de Grenelle ne se contentent pas de maltraiter la langue française en concevant des néologismes imbitables, ils se repaissent d’une idéologie pseudo-rousseauiste faisant de tous les élèves des Einstein potentiels. Avec les brillantes performances que l’on sait.

Au total, quatre décennies de réformite n’auront fait qu’aggraver les maux de l’Education nationale. C’est pourquoi le philosophe et mathématicien Olivier Rey, en bon disciple d’Illich, préconise une révision totale du rôle de l’école, qui devrait s’occuper d’instruction et non d’éducation car plus on en demande à l’institution scolaire, moins elle se révèle performante… Preuve en est, son incapacité croissante à répondre aux demandes des familles en matière d’orientation : à la fin de la classe de troisième, dans les grandes villes comme Paris, le choix du lycée a tout du casse-tête, sinon du supplice chinois, encourageant les entreprises d’orientation privée à prendre le relais d’une école à bout de souffle… Heureusement, lorsque les vieilles lunes de l’interdisciplinarité obligatoire et autres billevesées néo-progressistes restent au vestiaire, des hussards noirs comme Augustin d’Humières accomplissent des miracles en inculquant le grec ancien dans des zones aussi difficiles que Meaux.

Ils en ont parlé. De l’affaire Todd, bien sûr. Elisabeth Lévy et Hervé Algalarrondo reviennent tous deux sur la polémique consécutive à la publication de Qui est Charlie ?, brûlot dans lequel l’historien-démographe soutient que la marche antiterroriste du 11 janvier était en fait xénophobe, islamophobe et furieusement anti-égalitaire. Les cathos zombies sont de retour et ils ne rendent pas Todd content… Cependant que notre cheftaine fulmine contre la sociologie intempestive d’E.T, Algalarrondo soutient qu’il faudrait mettre un peu d’eau dans la laïcité tricolore, histoire de ménager la spécificité musulmane. Une disputatio aussi paritaire que virile !

Mais je manquerais à tous mes devoirs en omettant de signaler le grand retour de notre ami québécois Mathieu Bock-Côté, auteur d’une dissection en règle du prêt-à-penser antiraciste, sorte de multiculturalisme en kit produit en série dans les bétaillères progressistes. Sans oublier la relecture des émeutes de Baltimore par Cchristopher Caldwell qui repense la question ethnique à nouveaux frais, à des années-lumière de la doxa victimaire. Faut-il le préciser, ce détour par l’Amérique ne doit pas vous faire oublier les chroniques habituelles de Basile de Koch, Alain Finkielkraut, Roland Jaccard, Jean-Paul Lilienfeld et L’ouvreuse. Vous passerez enfin par la case culture en faisant l’école buissonnière au volant d’une Aston Martin aux côtés des hussards Laurent, Nimier, ou Blondin puis baguenauderez dans les allées de l’exposition Jean-Paul Gaultier au Grand Palais. Par leurs papiers sur-mesure, Patrick Mandon et Janie Samet retracent la genèse du grand couturier.

Allez zou, je vous ai assez fait l’article, la récré est finie, courez acheter Causeur!

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