(Avec AFP) – Les Espagnols votent aujourd’hui dans le cadre d’élections régionales et municipales qui pourraient redessiner le paysage politique national, dominé par la droite, avec l’arrivée de nouveaux partis et d’une génération d’« Indignés » qui espèrent ravir Barcelone, voire même Madrid.
Le chef du gouvernement Mariano Rajoy (Parti populaire, droite) s’est impliqué à fond dans la campagne, tout comme Pedro Sanchez, secrétaire général du Parti socialiste (PSOE). Les deux grands partis de gouvernement espèrent éviter une correction sévère, alors que le mot d’ordre pour beaucoup dimanche était « botar » (botter…) plutôt que « votar » (voter).
Selon les sondages, ces élections pourraient signer la fin du bipartisme entre PP et PSOE en place depuis 1982, au profit d’un « système à l’italienne » où les alliances seront inévitables.
Après presque six ans de crise, l’Espagne 2.0 pourrait commencer à les délaisser « pour la nouvelle politique » incarnée par l’antilibéral Podemos (allié du parti grec Syriza, dont les leaders ne portent pas de cravate), ou Ciudadanos (de centre-droit), deux formations fondées par des trentenaires, le professeur de sciences politiques Pablo Iglesias (956 000 abonnés sur Twitter, soit 150 000 de plus que Rajoy) et l’avocat Albert Rivera.
35 millions d’électeurs – sur 46,5 millions d’habitants – sont appelés aux urnes et une forte hausse du vote des jeunes, attirés par ces partis, est attendue.
Ils devront renouveler 13 des 17 parlements régionaux. L’hégémonie de la droite y est forte : elle tient 13 communautés autonomes.
Les électeurs devront aussi choisir 8 122 maires, à commencer par ceux de Madrid, Barcelone et Valence, les trois plus grandes villes, toutes dirigées par la droite.
Ces élections interviennent après une crise ayant entraîné des traumatismes qui n’ont pas encore pu être soignés par la reprise amorcée en 2014 (+1,4% de croissance économique).
Des milliers de jeunes ont émigré pour fuir le chômage touchant la moitié d’entre eux et encore 23,7% de la population active. Le tout dans un climat délétère alimenté par d’innombrables affaires de corruption en pleine cure d’austérité.
D’où les difficultés du PP à convaincre du risque posé par les « expérimentations » des nouveaux partis comme Ciudadanos, accusé d’être prêt à s’allier au PSOE, ou le très populiste Podemos, traité de formation « bolchévique » qui détruira les « libertés ».
« Sortez dans la rue, sortez du jet privé, sortez de votre quartier de luxe et regardez la réalité de ce pays, M. Rajoy », a harangué Pablo Iglesias lors de son dernier meeting, vendredi sous le ciel bleu de Madrid, promettant de défendre les droits à un logement, à la santé, à l’éducation et la lutte contre la corruption.
« Cette campagne pour un changement politique est historique », a quant à lui déclaré le centriste Albert Rivera, qui promet une option « raisonnable, progressiste » et se veut également implacable contre la fraude.
Le scénario est identique pour les municipales avec deux confrontations très attendues à Madrid et Barcelone.
La première oppose essentiellement « l’animal politique » du PP, Esperanza Aguirre, 62 ans, comtesse et ex-présidente du Sénat, capable de danser en robe traditionnelle et de promettre que la mairie « ne fera pas de zèle pour prélever les amendes », à Manuela Carmena, ancienne juge de 71 ans.
Militante communiste opposée à Franco dans ses jeunes années, l’air doux, posé mais ferme, « Manuela » est candidate d’une plateforme rassemblant Podemos et d’autres formations très à gauche.
A Barcelone, Ada Colau, 41 ans, égérie des « Indignés », fondatrice d’une plateforme luttant contre les expulsions de logements, pourrait, elle, ravir la place au conservateur Xavier Trias, 68 ans.
La participation à la mi-journée était en baisse d’un point par rapport aux élections de 2011, à 34,78%. Les deux confrontations très attendues à Madrid et Barcelone mobilisaient cependant davantage que quatre ans plus tôt.
Des résultats partiels sont attendus à partir de 22h30. Restera ensuite à savoir quels résultats obtiendraient les éventuels nouveaux élus de Podemos, mouvement moins comparable à Syriza qu’il n’y paraît…
*Photo : AFP.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !