Catholiques, méfiez-vous des imitations!


Catholiques, méfiez-vous des imitations!

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« Communautés : le lobby catho sur tous les fronts » : c’est en ces termes que L’Opinion évoquait, le 28 juillet 2014, la mobilisation des catholiques français pour leurs frères d’Irak après la chute de Mossoul. Les « cathos » venaient d’échanger les polos de La Manif pour tous, pour le « NOUN » – symbole marquant les chrétiens d’Orient – afin d’affirmer leur solidarité avec leurs frères persécutés par Daesh.

Longtemps cantonnée aux parvis des Églises, silencieuse et dispersée, la « communauté » chrétienne retrouvait le goût d’être ensemble. Coincés entre l’ère du vide et l’islamisation de la France, les cathos pourraient céder à la tentation du communautarisme. Ils ont toujours en travers de la gorge le mépris dont on les a accablés pendant la séquence Mariage pour tous. On les a traités d’homophobes ? Qu’à cela ne tienne, ils comptent bien, à leur tour, enfermer leurs adversaires dans « la cage aux phobes » inventée par Philippe Muray. Ainsi, dans un rapport mimétique évident avec leurs compatriotes musulmans, ils découvrent les délices de la « christianophobie ». Le Collectif contre l’islamophobie en France est né en 2003, lors du débat sur la loi interdisant le voile à l’école, l’Observatoire de la christianophobie, créé en 2010, a pris son essor à l’occasion de La Manif pour tous contre la loi Taubira. Quand on a perdu les avantages de l’hégémonie, reste à gagner les privilèges de la victime. De même que le prolétariat devait acquérir une « conscience de classe » pour accéder à la Révolution, les catholiques français se découvrent une conscience de communauté qui leur permettra, espèrent-ils, de peser dans le jeu de la concurrence victimaire.[access capability= »lire_inedits »]

Et, en effet, un catho a mille raisons de s’énerver en allumant sa télé, quand le mépris et la désinvolture vis-à-vis de sa foi sont devenus des réflexes médiatiques et politiques. Quand les Femen peuvent impunément profaner nos églises. Quand la RATP peut censurer la mention « pour les chrétiens d’Orient » sur une affiche. Quand le président de la République est frappé d’aphasie au moment où on attend qu’il prononce le mot « chrétien ». Quand, pour un portrait du prophète, ce sont des centaines d’enculades de papes et de curés qui parsèment depuis un siècle la presse satirique.

D’ailleurs, la mobilisation « communautaire » paye. La RATP a reculé. Nicolas Sarkozy a prononcé le mot « abrogation ». Probablement touché par la grâce, Manuel Valls n’est-il pas allé jusqu’à dire que les églises constituaient « l’essence de la France » ? C’est précisément parce que le Premier ministre a raison que les catholiques auraient tort de s’enfermer dans le communautarisme, et de dissoudre leur statut de culture majoritaire dans la mesquine comptabilité victimaire. Ce n’est pas dans les prétoires qu’on continuera l’œuvre des bâtisseurs de cathédrales.

C’est pour cette raison que Bernard Antony, fondateur de l’Agrif (l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne) et inventeur du « racisme antichrétien », n’a pas écouté la suggestion que lui avait faite Mgr Lefèvre de fonder un parti catholique français. « Le communautarisme, je n’en veux pas, mais il peut devenir une fatalité si le nombre de catholiques continue à diminuer », prévient-t-il cependant. Il renâcle aussi à utiliser le terme « christianophobie ». D’autres n’ont pas ces délicatesses et rêvent, comme la frange la plus ayatollesque de Civitas, d’une alliance soralienne entre les communautarismes, une sorte de « Front des croyants » qui se dresserait contre une République « religiophobe ».

La surenchère, alimentée par les réseaux sociaux, n’est hélas plus l’apanage de ces franges extrémistes. En février 2015, le cimetière juif de Sarre-Union est profané par une bande d’antifas nazis (oui, oui). Les médias s’emparent du sujet. BFM-TV publie un premier décompte macabre des profanations : 6 cimetières juifs, 4 cimetières musulmans, et… 206 cimetières « chrétiens », publie la chaîne dans un premier tableau. Quelques minutes plus tard « cimetières chrétiens » est remplacé par « cimetières municipaux ». Tollé sur la Toile où la cathosphère s’enflamme : deux poids, deux mesures ! Christianophobie ! Pourtant, la chaîne d’info continue a eu raison d’employer le terme « cimetières municipaux ». Un catholique, contrairement à un juif ou un musulman, peut très bien voisiner dans le trépas aux côtés d’un athée ou d’un franc-maçon. C’est que le catholicisme n’est pas une communauté. Ou, plutôt, il est la communauté universelle (katholikos), celle qui permet l’émergence de l’individu. Il n’y a pas de cimetières catholiques, il n’y a que des tombes catholiques.

Les chrétiens français ne sont pas une minorité parmi d’autres, car ils étaient la France. Cette France chrétienne depuis Clovis, qui l’était restée malgré la Révolution et la République. L’émergence d’un « catholicisme de France » signerait la fin de l’improbable synthèse saluée par Péguy et Michelet du drapeau tricolore et du goupillon, qui s’est retrouvée dans l’alliance de la rose et du réséda, du colonel de La Rocque et de Jean Moulin. En cessant de se comporter comme une culture majoritaire, pour reprendre la dialectique et le vocabulaire des damnés de la terre, les catholiques risquent de perdre leur plus fidèle alliée : la France. À l’inverse, la République serait bien avisée de se souvenir qu’elle n’est pas grand-chose sans ses racines chrétiennes. Dépourvue d’une base culturelle solide, en proie au relativisme, la mystique républicaine ne fera pas le poids face au communautarisme musulman. Or, la nature a horreur du vide, et l’islam est avide de conquêtes. Autant dire que la suite est écrite d’avance.[/access]

*Photo : LANCELOT FREDERIC/SIPA. 00627941_000020.

Mai 2015 #24

Article extrait du Magazine Causeur



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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