Miller Levy se définit comme un « artiste de variétés », appellation littérale d’un touche à tout loufoque, mais pas seulement. Exemple s’il en est de réussite scolaire, après avoir suivi l’enseignement du second degré (le nom docte du lycée en France), il s’est attelé à la pratique. La Philosophie floue, une approche, parue aux PUF en est un des fruits.
« Les idées ont une vie qui est loin d’être idéale. » nous dit-il. Loin d’être une blague de potache, c’est un retour flamboyant à l’âge paléolithique de la philosophie, emmenant dans ses bagages des références indiscutables à Wittgenstein : les fameux axiomes réclamant de ne pas la ramener sur les sujets dont on ignore tout, et rappelant que la philosophie devrait tâcher de rendre clair ce qui ne l’est pas, et non l’inverse.
Les questions les plus simples sont toujours les meilleures, en philosophie particulièrement : après tout, que faire des phrases autocontradictoires (il est interdit d’interdire, les racistes sont des êtres inférieurs, …), des objets qui n’existent pas mais que l’on peut penser quand même (l’infini, le nombre Pi, le Big Bang), du problème de l’oeuf et de la poule .. ? « Les choses qui n’existent pas méprisent les règles de la syntaxe » écrit encore Meyer Lévy et la philosophie floue, elle-même, méprise cordialement la philosophie.
Le décor posé, passons aux principes. Miller Levy distingue trois phases dans sa démarche théorique : le tâtonnement, le rapprochement et le détournement ; ce schéma expliquant, entre autres, comment les hommes en sont arrivés à déraciner des fleurs pour en faire des cadeaux. La pratique est tout aussi lumineuse. Armé de patience, de persévérance et d’un massicot, Miller Levy a rassemblé des dizaines de volumes de la sacro-sainte collection « Que sais-je ? » des PUF, que l’on pourrait elle-même qualifier d’artiste de variétés tant les sujets traités sont nombreux, et s’est employé à les mélanger entre eux. Le résultat : « Les fruits après Marx / Les marxismes tropicaux et subtropicaux », « L’aide aux pays sauvages / Les animaux sous-developpés », « La foi par correspondance / La vente catholique », on en passe et des meilleures.
Ce ne sont que des bêtises pour la plupart des métaphysiciens et des philosophes académiques, qui jugeront plus orthodoxe de s’extasier sur de gros volumes que les étudiants achètent, surlignent et ne lisent pas, d’ânonner les propos de ces dieux de l’Olympe que sont les auteurs au programme du bac philo, plutôt que de rester cois devant l’évidence : « Un groupe de mots peut très bien n’avoir aucun. »
C’est-à-dire d’admettre que, quoiqu’on veuille nous faire croire, la philosophie n’est ni simple, ni complexe, ni ludique, ni rébarbative, ni inutile, ni productive : elle est floue, ce qui ne l’empêche pas d’exister.
Dans le match ENS-Collège de pataphysique, pour savoir qui débrouillera le mieux les problèmes existentiels, le vainqueur n’est pas désigné d’avance. On signalera, à titre anecdotique plus qu’informatif, la parution aux mêmes Presses Universitaires de France, d’ un « Que-sais je ? Les 100 citations de la philosophie », compilé et commenté par Laurence Devillairs, normalienne de son état. De quoi faire avancer le schmilblick, à n’en pas douter.
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Miller Levy, La Philosophie floue, une approche – PUF.
*Photo : wikicommons.
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