J’avais laissé Simon Charbonneau fin août sur un quai de la gare de Bordeaux. Ce petit homme trapu rencontré lors d’une discussion impromptue à l’université d’été des Verts m’avait alors invité à lui rendre visite dans son fief de Bergerac. Six mois plus tard, ce chenapan décroissant de 73 ans, universitaire à la retraite, spécialiste du droit de l’environnement, répond à mon message de vœux : « Parmi les dossiers de grands projets inutiles en Aquitaine, c’est sans doute celui du programme de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne qui représente le plus d’intérêt ! Vous avez là un magnifique reportage à faire sur le thème des délires de la croissance qui fascine tant nos grands élus ! » Heureux comme un pape, je lis ce mail écrit avec l’accent chantant du Sud-Ouest comme un signal de la providence : en pleine psychose post-attentats, le rat des villes que je suis exulte de quitter le smog parisien pour la petite maison des bords de la Dordogne qu’habite Simon à Bergerac.
Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, deux lignes de TGV, aux tracés parfois distants d’à peine quelques kilomètres, pourraient donc voir le jour d’ici une dizaine d’années : dans le Sud-Ouest, on voit grand. Le GPSO, sigle techno de Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, traversera les paysages enchanteurs du Bordelais, des Landes et de la vallée de la Garonne. Pour les associations écologistes locales, rejointes par un nombre grandissant d’acteurs de l’économie régionale, cet attentat contre l’environnement ne répond à aucun besoin réel, sinon celui d’étancher la soif de gloire de quelques barons issus de la décentralisation, à commencer par le grand connétable d’Aquitaine, Alain Rousset, qui préside la Région depuis 1998.
Pourrait-on assister à un remake, un Notre-Dame-des-Landes girondin, ou un Sivens landais ? Et si une bataille se prépare, sera-t-elle celle de la Raison des limites contre l’ubris de la technique ou plutôt la résistance de l’archaïsme à la glorieuse course du Progrès ? J’ai bien ma petite idée, mais en bon petit soldat du journalisme, je vais me rendre sur le fameux terrain et tenter d’écouter impartialement toutes les parties.
Je commence par contacter la SNCF ainsi que le maître d’œuvre du futur chantier, Réseau ferré de France, qui supervise la construction de rails. Après plusieurs coups de fil, une responsable de la communication peu loquace me répond… qu’elle ne peut pas me répondre ! « Je suis navrée, mais nous ne communiquons absolument pas sur ce dossier, monsieur. » Soit, sans doute est-ce la période qui veut cela : l’enquête publique s’est achevée fin décembre et, à l’heure où nous imprimons, riverains, élus comme associations attendent fébrilement les rapports de la commission d’enquête sur la rentabilité et l’impact écologique dudit GPSO. À moins qu’un caillou de dernière minute ait arrêté l’implacable mécanisme de la décision administrative, les rapports ouvriront la voie à la publication par le préfet de la déclaration d’utilité publique, véritable coup d’envoi du projet – sans que cela n’augure de la date des travaux. Mais si le GPSO obtient cet aval gouvernemental, ses adversaires n’auront plus comme recours que le dépôt d’une plainte auprès de la Cour européenne de justice.
Le projet étant financé moitié par l’État et les collectivités locales, moitié par le privé, il est prévu que les conseils régionaux d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées mettent la main à la poche. D’où la décision de réaliser le tronçon Bordeaux-Toulouse, déjà desservi par bon nombre de trains régionaux.[access capability= »lire_inedits »] C’était la condition posée par la Région Midi-Pyrénées pour mettre au pot.
Bon voisin, Alain Rousset ne manque jamais une occasion de défendre la double ligne grande vitesse. Manque de pot, son attaché de presse m’éconduit vertement : « Il y a peu de chances pour que je donne suite à votre demande ; si vous étiez la presse régionale, ce serait une autre histoire, mais…» Message reçu : le moins de vagues possible. Inutile de se faire remarquer, on ne sait jamais, ça pourrait dégénérer en débat, et ça Rousset n’y tient guère. D’obscurantistes écolos ont décrété une « fatwa » contre son grand dessein ferroviaire, fin de l’histoire. On ne discute pas avec le passé. Justement, j’aurais aimé tendre le micro au Salman Rushdie aquitain, mais mon interlocuteur ne veut rien entendre. Las, tel Jean-Claude Dusse, le destin me condamne à chercher les causes de ce double râteau. Cette mystérieuse aversion pour la gloire médiatique cache certainement un loup.
Rien de très exaltant, à vrai dire : le cocktail habituel de vanités et d’illusions, d’appétits et d’ambitions, qui accompagne l’activité humaine en général et publique en particulier. Assis à la meilleure table de Bergerac, je goûte les explications de Simon Charbonneau : « La décentralisation a donné beaucoup de pouvoirs aux grands féodaux comme Rousset qui gardent l’œil rivé sur les Trente Glorieuses. Rousset justifie le projet en invoquant l’argument du ferroutage, censé désengorger les routes, donc moins polluer, mais c’est un leurre : la SNCF abandonne de plus en plus le fret. » Sur ses conseils, je pars interroger son amie Denise Cassou, l’une des chevilles ouvrières du mouvement anti-GPSO, qui milite à ses côtés au sein de la Sepanso (Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest, voir encadré). Denise ne fait pas dans le lyrisme écolo, plutôt dans la sécheresse des faits : « Alors que les rapports prospectifs tablaient sur une explosion de la fréquentation des TGV, c’est le trafic des TER en Sud-Gironde qui a bondi de 30 % en quelques années pendant que celui des lignes à grande vitesse stagnait. La Région n’a pas anticipé cette évolution, alors qu’il aurait suffi de mettre la signalisation aux normes pour mieux organiser le trafic régional, ce qui ne requiert pas d’investissements énormes. Au lieu de cela, on déshabille les TER en supprimant des dessertes de gares », m’explique cette dynamique quinqua coordinatrice de la Coordination vigilance ligne grande vitesse. Il faut bien avouer que le Parisien en goguette dans la région s’étonne de ne pas trouver le moindre tortillard parcourant le trajet Bergerac-Périgueux. Pour relier les deux capitales de la Dordogne, distantes seulement d’une cinquantaine de kilomètres, le touriste doit faire un long détour par Libourne, qui le fait arriver en… deux heures. À ce train-là, autant louer une charrette à bras !
À en croire les associations écolos, les deux principaux bienfaits attendus du GPSO tombent à l’eau : le désenclavement de la région, et la dépollution. Un militant béarnais du Mouvement écologiste indépendant (MEI) d’Antoine Waechter m’indique que les autorités ont beau déplorer l’existence d’un « mur de camions » sur la route de l’Espagne, dans les faits, les infrastructures routières ne cessent de se développer, comme en témoigne l’inauguration de l’autoroute Bordeaux-Pau il y a trois ans. Sur le chapitre du désenclavement, les partisans du GPSO ont dû oublier de lire le rapport de la Cour des comptes l’an dernier[1. « La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence », rapport remis le 23 octobre 2014 au gouvernement.] : « Une politique de transport reposant sur un rôle presque exclusif de la grande vitesse ferroviaire accentue plutôt les inégalités des territoires qu’elle ne les atténue », concluait l’auguste maison, qu’on ne sait pas adepte de l’écologie radicale. Mais si la vitesse est un droit sacré, les nuisances qu’elle engendre sont de regrettables dommages collatéraux, et les millions d’euros dépensés pour chaque minute gagnée alors que la SNCF et RFF croulent déjà sous les dettes, le prix à payer pour entrer dans le futur.
Parole d’écolo, il y a souvent du bon à préférer le train à l’auto, comme l’admet Denise : « Au départ, la Sepanso et les Verts étaient partagés. Contre la voiture, extrêmement polluante, nous avons une préférence spontanée pour le train. Certains Verts nous soupçonnaient de simple “nimbysme” » (Nimby est l’acronyme de Not in My Back Yard : « Pas de ça chez moi »). Quand elle déroule son argumentaire, l’affaire paraît plutôt relever du bon sens. À entendre Denise prêcher dans les villes et villages de Sud-Gironde, les autochtones ont au moins compris que le TGV allait leur filer sous le nez. Aux alentours de Langon, une bourgade du coin, les pouvoirs publics ont fait miroiter aux habitants une simple « halte », à distinguer de la gare. Traduction : le TGV y passera à toute berzingue – 340 km/h en moyenne – sans s’arrêter, mais l’on promet d’hypothétiques TER ultrarapides…
La mobilisation du réseau associatif sud-girondin a peut-être contribué à retourner un tégéviste convaincu, le député du cru Gilles Savary. Ce socialiste bon teint maîtrise parfaitement la question des transports. Denise se souvient d’une réunion publique, en février 2012, où Savary affirmait mordicus que les lignes à grande vitesse favorisaient le développement économique. Désormais il se répand dans la presse contre le tout-TGV – et au passage contre son frère ennemi Rousset. Savary aurait-il reçu la révélation de la volonté populaire ou été touché par la grâce de l’écologie ? Rien n’est moins sûr. Ses arguments sont comptables – donc imparables. Il en égrène trois: primo, « il n’y a plus la manne céleste des subventions pour équilibrer les déficits » ; secundo, « le coût kilométrique d’une ligne grande vitesse est en croissance » ; tertio, les usagers délaissent de plus en plus l’onéreux TGV au profit de voyages low cost (avion, covoiturage, etc.)[2. Journal des entreprises, janvier 2015.].
En lisant cet argumentaire bien rodé, je songe aux mots de Simon Charbonneau : « Il faut combattre l’adversaire sur son propre terrain, le piéger sur ses propres critères : rentabilité, efficacité, utilité – car les seules limites à la croissance, c’est le fric ! » Ironiquement, ce rêve de capitaliste – 13 milliards d’euros tout de même – pourrait bien périr de l’austérité et ne jamais voir le jour, même à l’horizon lointain de 2027, faute d’argent dans les caisses publiques. Pris dans son élan médiatique, Gilles Savary lâche une bombe nucléaire : il existe un contre-projet de RFF qui ne coûte que 2 milliards, et « qu’il est interdit d’évoquer ». RFF a démenti…
Si Savary a viré de bord, c’est un peu tout de même parce que sa circonscription est située à un emplacement-clé du tracé. Au terme des 55 kilomètres de tronçon commun entre Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, un « triangle ferroviaire » scinde les deux lignes au niveau du Sauternais. Une région cruciale, aux confins du Sud-Gironde et du Lot-et-Garonne, qui représente « l’un des sites économiques les plus précieux de tout le grand Sud-Ouest (avec des) zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. » C’est exceptionnel, rappelle le député. D’après les associations de protection de la nature, l’irruption d’un train à grande vitesse perturbera une trentaine de cours d’eau et plusieurs zones humides sur le bassin versant de la Ciron, rivière au niveau de biodiversité floristique, faunistique et biologique exceptionnel.
Réseau ferré de France semble avoir anticipé ces dégradations par le rachat de terres à transformer en zones humides destinées à remplacer les espaces naturels qu’elle s’apprête à détruire. « C’est bien le comble de la démesure technicienne que de prétendre recréer la nature comme si l’espace était extensible à l’infini », s’afflige Simon Charbonneau.
Les objecteurs de croissance maugréent mais Prométhée serait fier de ses petits. Tout de même, un TGV dans le Sauternes, ça ne sonne pas très bien, même si le célèbre vignoble n’est pas menacé. Ou pas directement. Sensibilisés par les associations environnementales, les viticulteurs viennent de prendre conscience que le charivari du TGV menacerait le micro-climat de la région. Les brouillards favorisent en effet la production de pourriture noble, sous la forme d’un champignon qui donne toute sa saveur au Sauternes. En réchauffant la température, le GPSO bouleverserait des cépages entiers, autrement dit toute une économie – et tout un art. Connaissant la puissance du lobby sauternais, malgré les dénégations rassurantes des défenseurs du TGV, mon petit doigt me dit que c’est ici qu’aura lieu la mère de toutes les batailles. D’ores et déjà, Savary laisse planer le risque d’une ZAD. Zone à défendre : ces trois mots font grincer des dents au sommet de l’État depuis qu’une poignée d’écolos post-hippies paralyse le chantier de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Au sud, c’est l’édification du barrage de Sivens qui stagne depuis des mois, avec un mort, victime expiatoire du bal tragique que jouent zadistes et CRS.
On imagine mal, cependant, les riverains des 327 kilomètres de voie se tenir la main dans une ZAD festive et champêtre. Car ce groupe fabriqué par la raison technico-administrative n’est même pas soudé par une communauté d’intérêts. Ainsi, tant que l’épée de Damoclès des travaux reste suspendue au-dessus de leur tête, les exploitants agricoles dont les terrains sont traversés par le tracé des lignes TGV voient fondre la valeur de leurs biens, devenus invendables. Inversement, à quelques kilomètres des futurs rails, là où on peut avoir les avantages de la grande vitesse sans en subir les nuisances, les prix de l’immobilier ont commencé à grimper. Même s’il ne roule jamais, le TGV Sud-Ouest aura fait quelques heureux.
Joseph Bonotto, un petit paysan lot-et-garonnais, n’entend pas laisser la main invisible du marché massacrer nos campagnes. Dans le village de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, il a mis un de ses terrains à la disposition de quelques apprentis zadistes, moins pour s’opposer au GPSO, qui devrait passer près de ses champs, que pour empêcher l’implantation d’une zone d’activité économique et commerciale en bordure de la ligne Bordeaux-Toulouse. Toutes les voies de recours juridiques étant épuisées, la bande à Bonotto devra trouver la formule magique pour enrôler les anti-TGV dans son combat contre la galerie-marchandisation du monde.
À mon tour de prendre un peu de champ. Dans le salon de Simon Charbonneau, entre ses étagères pleines à craquer ployant sous les livres, je sonde mon hôte sur la pertinence du « zadisme ». Il y a deux ans, Jacques de Guillebon avait eu l’heur de visiter des cabanes exhibant des panneaux contre la « transphobie » dans le bocage nantais, incongruité qui laisse Charbonneau junior songeur. « Il faut bien résister, de manière citoyenne, sans que cela soit qualifié de terrorisme, mais les formes folkloriques de lutte s’avèrent contre-productives. Surtout quand elles dérivent dans des combats périphériques qui reviennent à nier l’anthropologie humaine. » Je reconnais là l’écologisme intégral de son père, Bernard (1910-1986), intellectuel un temps proche du personnalisme chrétien sans en épouser la foi. Simon, l’agnostique « tourné vers le spirituel », chasseur de bécasses, à la fois lecteur du protestant Ellul et de l’orthodoxe Berdiaev, a repris à son compte l’écolo-conservatisme paternel. Preuve que son amour de la nature l’affranchit des vieux clivages, Simon me présente son acolyte « anarcho-syndicaliste » Michel André, président de la Sepanso-Bergerac, avec lequel il s’entend comme larron en foire. Bien que Bergerac ne soit pas directement concerné par les projets de TGV, j’interroge Michel de but en blanc : « Si les travaux démarraient un jour, faudra-t-il tenir une ZAD ? » Il me lâche cette réponse de Normand : « À votre âge, j’aurais été zadiste. D’un côté, c’est un mouvement pacifique, qu’il faut soutenir contre les dérives violentes. De l’autre, les zadistes vivent et agissent trop souvent à l’instant T et font preuve de sectarisme à l’encontre de ceux qui ne pensent pas exactement comme eux. »
Ce retraité de l’aéronautique à l’abord primesautier et à la crinière grisonnante s’est converti à l’écologisme après avoir été « amoureux de Concorde ». Nantais installé en Dordogne depuis une quinzaine d’années, il connaît sur le bout des doigts le bocage qui sert de camping géant aux opposants chevelus à Notre-Dame-des-Landes. Un précédent dont cet ancien électron libre du Parti communiste et de la CGT dresse un bilan globalement négatif : « La ZAD a viré au bidonville, ce qui exaspère les riverains, pourtant eux aussi opposés au projet d’aéroport. À force de voir débouler des punks à chiens, pendant que les vols se multiplient, les gens du coin sont devenus hostiles aux zadistes, dont certains ne sont là que pour fumer le chichon. » Rigolard, Michel se gausse de l’amateurisme de ces « mercenaires » du combat écolo, aussi hors-sol que des traders de la Défense. Une délégation des zadistes du Lot-et-Garonne ayant sollicité son soutien, il a néanmoins cautionné leur démarche, qu’il juge radicalement différente de l’esprit de chapelle gauchiste Notre-Dame-des-Landais. Mais si les choses devenaient vraiment sérieuses, « il faudrait préparer les hommes et le terrain, de façon à assurer la sécurité, organiser l’alimentation, et fournir les matières premières nécessaires pour construire les cabanes, sans se mettre la population locale à dos ».
Ici, parvenir à s’aliéner une population massivement hostile au GPSO – à 85 %, selon les avis exprimés lors des débats publics – serait un véritable exploit. Reste qu’il y a parfois un abîme des paroles aux actes. Alors qu’il bataillait pour obtenir le micro dans les cortèges anti-GPSO, le Vert Noël Mamère s’est ainsi montré bien plus conciliant dans sa contribution à l’enquête publique, se contentant d’énumérer les conditions nécessaires à la mise en œuvre du projet. Il se murmure que le député-maire de Bègles projette d’intégrer à la métropole d’un million d’habitants dont Alain Juppé rêve pour Bordeaux, bientôt relié à Paris en deux heures par un TGV quasi-supersonique. Bizarrement, aucun journaliste ne s’est offusqué de ce manquement à la parole donnée… Contrairement à Simon Charbonneau, qui côtoya jadis Mamère du haut de sa chaire universitaire : « L’activité militante fait beaucoup réfléchir sur les limites de la démocratie dite représentative », lâche-t-il avec une pointe de dépit. Denise renchérit : « On fait semblant de nous écouter, avec des parodies de débats publics, mais le scénario est déjà écrit. » Cela rappelle à Simon la bataille menée contre le projet de métro bordelais au début des années 1990. Chaban avait ouvert le débat organisé à la va-vite dans un cinéma : « Messieurs, la concertation est ouverte mais le projet est bouclé ! » Au moins ne parlait-on pas de démocratie participative. Vingt ans plus tard, le mot est sur toutes les bouches, mais rien n’a changé. Le gouvernement vient de publier le décret d’utilité publique de la ligne TGV Poitiers-Limoges, avec la bénédiction d’un Président de la République que l’on sait très attaché aux destinées du Limousin. Mais contre l’avis du Conseil d’Etat et celui du président de la SNCF lui-même. Dans les pires cauchemars de Denise, Simon et les autres, un scénario similaire pourrait sauver le TGV Sud-Ouest en 2017 si le maire de Bordeaux gravissait les marches de l’Elysée. Moi qui cherchais justement une raison de ne pas voter Juppé…
La Sepanso, quèsaco ?
Née en 1969 avec le soutien actif des penseurs écologistes Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, la Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest est un cas quasi unique en France. Il est rare qu’une association environnementale bénéficie du parrainage de deux intellectuels de cette trempe. Amis et frères d’armes, Ellul et Charbonneau ont engagé la Sepanso sur deux fronts : l’aménagement de la côte Aquitaine et la construction de la centrale nucléaire du Blayais, sur l’estuaire de la Gironde, en pleine zone inondable ! Deux combats perdus dans les années 1970 qui n’empêchent pas leurs militants de poursuivre la lutte en vivant essentiellement des cotisations des adhérents – 1 500 membres en Aquitaine. Basée sur le bénévolat, la Sepanso gère cependant plusieurs réserves naturelles au moyen de subventions publiques. Très impliquée dans la mobilisation anti-TGV en Aquitaine, l’association a pu compter sur le soutien d’élus et de citoyens très mobilisés, notamment dans le Sud-Gironde et au Pays basque. Quoiqu’affiliée à France nature environnement, la Sepanso conteste la ligne ondoyante de ce réseau associatif qui co-organisera avec l’État la conférence de Paris sur le climat à la fin de l’année 2015.
Chronologie du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO)
– Mai 1991 : le Comité interministériel d’aménagement du territoire inscrit le projet de ligne Bordeaux-Toulouse dans le schéma directeur des lignes à grande vitesse.
– 2002-2005 : études préalables de Réseau ferré de France.
– Juin-novembre 2005 et août-décembre 2006 : débats publics
– Octobre-décembre 2014 : enquêtes publiques
– Décembre 2014 : création d’une ZAD à Sainte-Colombe-en-Bruilhoispour lutter contre une zone d’activité commerciale en bordure de la ligne Bordeaux-Toulouse.
– Fin février-mars 2015 : future remise du rapport des commissaires enquêteurs sur l’ensemble du GPSO.
– 2027 : fin des travaux ?
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*Image : Soleil.
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