Mugabe, seigneur en son continent


Mugabe, seigneur en son continent

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Comme chaque année, Robert Mugabe a fêté son anniversaire avec faste. Selon le Guardian, deux éléphants, deux buffles, cinq impalas et un lion ont été gracieusement offerts par un fermier zimbabwéen. En tout, 91 vaches et une trentaine d’éléphants ont été abattues pour les 20 000 convives invités aux 91 ans du héros de l’indépendance. Dans un hôtel de luxe non loin des chutes de Victoria, les 91 kg de gâteaux ont aussi marqué les 35 ans d’un pouvoir sans partage.

On le croyait sur la fin, paria de l’Europe, honni par les Etats-Unis, menacé par son opposant Morgan Tsvangirai. L’inspirateur de la réforme agraire qui spolia près de 4000 fermiers blanc (et de la pénurie qui suivit) est pourtant plus fringant que jamais. Acclamé à Soweto lors des funérailles de Mandela, il vient d’être élu par ses pairs à la tête de l’Union africaine (UA). En 2012, les sanctions européennes à l’encontre de l’ancienne Rhodésie avaient été discrètement allégées. Le 16 janvier dernier, c’est une enveloppe de 234 millions d’euros qui a été généreusement octroyée par Bruxelles au profit du développement de l’agriculture du Zimbabwe. Un joli cadeau d’anniversaire qui devrait réjouir les défenseurs de la PAC; alors même que Mugabe souhaite en finir avec les dernières réserves animales aux mains des blancs. Le porte-parole de la diplomatie européenne a annoncé que l’interdiction de visite en Europe du doyen des chefs d’Etat africains ne concernait pas le président de l’UA. Petite contrariété, sa dispendieuse et jeune épouse (41 ans d’écart), amicalement surnommée « Gucci Grace », ne pourra pas profiter de l’aubaine pour dévaliser les vitrines européennes. Mais qu’il est loin le temps où Mugabe était le pestiféré de la « communauté internationale ».

L’accalmie diplomatique dont bénéficie l’inoxydable Mugabe n’explique pas son étonnante popularité africaine. Mugabe est le symbole d’un continent qui n’a que faire des leçons de morale, d’écologie et de démocratie. Après trente-cinq ans de désastre économique, son discours anti-blanc est un paravent inusable. Ses déclarations outrancières constituent l’étendard de son indépendance et sa liberté. Pour le nouveau président de l’Union africaine les homosexuels sont « pires que des chiens ou des cochons ». À propos de l’ancienne secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, il avait eu ces mots pleins de tact: « on entend cette fille née d’ancêtres esclaves, qui devrait savoir que l’homme blanc n’est pas un ami ». Mugabe se rit des remontrances de tel ou tel association des droits de l’Homme. À 91 ans, le vieux lion du Zimbabwe est paradoxalement le héraut altermondialiste de millions de jeunes africains fatigués de voir leur continent à la traîne de la mondialisation.

En se tournant vers ce mégalomane sénile, l’opinion africaine fait un bras d’honneur au reste du monde. Le pan-africanisme est une soupape populaire pour un club de dictateurs au long cours. Après Kadhafi, Teodoro Obiang Nguema et maintenant Mugabe, l’Union africaine, dont notre diplomatie voudrait qu’elle prenne le relais de la « Françafrique », est le contre-modèle du multilatéralisme technocratique de son homologue européenne.

*Photo : wikicommons.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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