Monsieur,
Je vous ai entendu récemment sur un plateau de télévision face à Audrey Pulvar et je viens de lire l’entretien que vous avez accordé au magazine France Dimanche. Dans vos deux interventions, il était question des attentats qui ont endeuillé la France en ce début d’année.
Clash entre Samy Naceri et Audrey Pulvar dans l… par 20Minutes
C’est en tant que spectateur affligé du pourrissement médiatique que je me permets de m’adresser à vous sur un ton peu amène. Votre nom nous est à tous connu, ou peu s’en faut. Je ne suis pas certain que le quidam saurait énoncer de but en blanc les quatre ou cinq meilleures prestations que comporte votre filmographie. En tout cas, tout le monde a entendu parler de vos démêlés avec la justice car vous n’en êtes pas avare.
Et sauf votre respect, à chaque nouvel épisode, je me suis entendu dire : « Tiens, ils l’avaient relâché ? » C’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai vu votre visage dans les médias ces derniers jours, j’ai été très surpris. Nos médias s’avèrent très doués lorsqu’il s’agit de rayer des mémoires des pans entiers de notre production culturelle, soit par l’omission volontaire, soit par la réprobation maniérée, fatalement déplacée de la part des hérauts de la libre expression. Force est de constater que vous n’êtes pas, et n’avez jamais été, victime de leur censure, bien au contraire. Tant mieux pour vous. Il faut dire qu’avec vos récents premiers pas au théâtre dans un rôle tenu avant vous par Al Pacino et ayant pour thèmes le racisme, l’exclusion et la tolérance en berne, vous mettiez toutes les chances de votre côté. Cependant, voyez-vous, certains, par leurs écrits ou prises de position, auront été moins veinards, soyez-en sûr.
Des gens comme Renaud Camus, Richard Millet, ou Alain de Benoist ne se sont pas vus offrir de seconde chance, ni de troisième… ni de quinzième (hormis chez Frédéric Taddeï qui a dû rendre des comptes). En revanche, ils se sont vu infliger les estampilles repoussantes dont raffole notre époque, de « réac » à « facho » pour aboutir au désormais fameux « cerveau malade ». Certains d’entre eux n’ont même jamais été inquiétés par la justice de ce pays, d’autres sont devenus de véritables gourous du web à force d’en faire des criminels en puissance. Et vous qui l’avez été à maintes reprises dans les faits, vous voilà de nouveau à l’honneur. Comment ce fait-ce ? Quel est votre secret pour être sans cesse repêché ? Pourquoi bénéficiez-vous, vous qui êtes passés à l’acte avec une éblouissante constance, d’une clémence que l’on refuse à ceux que l’on soupçonne simplement de vouloir mal agir ou d’inviter à le faire ? Est-il à ce point toléré, aujourd’hui en France, de refaire surface dans les médias après avoir proféré menaces de mort, outrages à agent, injures diverses (certaines a priori « racistes »), s’être livré à de l’exhibitionnisme, à du harcèlement téléphonique, à des voies de fait, à la conduite sans permis, à des violences conjugales sous l’emprise de l’alcool, à des dégradations de biens privés, à des agressions à l’arme blanche (couteau ou cendrier volant…) ? N’y avait-il aucun jeune acteur à attendre sa chance pour le même rôle ? Était-il nécessaire que les médias vous fassent encore une telle publicité ? Certes, les gens que j’ai cités n’ambitionnent pas de se racheter une conduite par quelque rôle dans l’air du temps, à dessein de nous montrer que la société multiculturelle est une chance plus qu’un défi. Certes, certains de leurs propos heurtent fatalement, et ont même parfois vocation à le faire. Pour autant, on inflige à ceux-là – et je pense notamment à Richard Millet et Renaud Camus, lâchés par leurs éditeurs ou dénigrés par des auteurs ne souhaitant plus figurer dans le même catalogue – une mort sociale parce que leur pensée (vous savez, ce fruit de l’intelligence que l’on dénie aux esprits sulfureux) dérange les gens aux manettes. Ces derniers leur préfèrent nettement des bouffons du showbiz, inoffensifs politiquement, au garde à vous avec leur discours bêlant. Ces gens-là n’ont pas compris que les Français en ont marre qu’on leur dise que penser et qui écouter, qu’ils veulent juger sur pièces. Pour ce qui est de votre médiatisation, permettez-moi donc de vous dire qu’au regard de tout ceci, je la trouve déplacée, odieuse même. Sans parler de la mansuétude à laquelle vous avez droit systématiquement, comme si vous deviez être un symbole de la « diversité ». Ne voyez là aucune opinion préconçue de ma part, j’exerce tout bonnement mes droits de consommateur (quelle que puisse être, par ailleurs, la qualité de votre jeu au théâtre) et j’en veux au moins autant aux médias qui vous donnent la parole et contribuent à perpétuer votre nom dans les esprits qu’à vous-même. J’aimerais, pour conclure, dire quelques mots du beau discours dont vous nous avez gratifiés, cher Monsieur, aussi bien sur le plateau de cette émission dont je n’ai pas retenu le nom que dans les pages de France Dimanche. C’est vraiment la cerise sur le gâteau. Interrogé sur vos impressions après les attentats du mois de janvier, et après avoir déploré que le sang ait pu couler, voici ce que vous avez dit (sauf erreur) : « La liberté d’expression s’arrête là où elle dérange l’autre ».
Si l’on appliquait cela, sachez déjà que vous disparaitriez de la place publique. Puis vous avez enfoncé le clou : « Ces dessins ne doivent pas exister. C’est blasphématoire ! Je vous le répète, on ne touche pas aux religions ». En filigrane, et à la télévision notamment, c’est l’interdiction juridique du blasphème que vous prôniez. Il est heureux que l’on puisse dire cela en France. Il est légitime de s’interroger sur la bêtise de telles caricatures et, de fait, sachez qu’un certain nombre de Français – dont je suis – ne voient aucune intelligence dans ces dessins. Mais il doit être permis d’en rire aux éclats ; si bêtise il y a, celle-ci est un trait de l’espèce, donc un droit auquel ne peut s’opposer que le droit, tout aussi légitime, de la dénoncer. C’est en tout cas le point de vue atavique de la France qui est, je vous le rappelle, votre pays.
Et pour en revenir aux sulfureux dont je parlais plus haut, dont les sorties sont là aussi rarement dénuées de provocation, j’irai jusqu’à penser qu’il y a à la fois danger et inconséquence à ne pas les soumettre au même régime. On peut difficilement comprendre qu’un repris de justice multirécidiviste auteur de violences physiques vienne faire la promo de son nouveau produit et qu’un pamphlétaire ou un polémiste soumis aux mêmes lois que tout le monde soit à jamais condamné à expier ses péchés. D’autant plus que les médias qui jouent les bégueules sont voués à une mort prochaine face au refuge pour l’hétérodoxie qu’est devenu l’Internet.
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