Pas de prison ferme pour les primo-délinquants. Cette volonté, maintes fois proclamée par Christiane Taubira, est inscrite dans la loi du 15 août 2014 qui fait du recours à des peines alternatives la priorité de la politique pénale. « L’opinion a été intoxiquée par un discours sommaire, qui consiste à dire que chaque délinquant est un criminel en puissance qu’il faut enfermer », déclarait-elle par exemple au Monde le 19 septembre 2012[1. En réalité, si on est inconnu des services de police, on peut commettre un délit grave, éventuellement avec violence, et échapper à la prison.].
La ministre n’a pourtant rien trouvé à redire à la peine de neuf mois ferme, assortie de 50 000 € de dommages et intérêts, prononcée le 16 juillet 2014, soit neuf mois seulement après les faits, par le tribunal correctionnel de Cayenne à l’encontre d’une primo-délinquante inconnue des services de police (qui ne s’était pas rendue coupable de violence physique ni d’atteinte aux biens, mais de diffusion d’une image raciste). Interrogée par l’AFP, Christiane Taubira a au contraire paru fort satisfaite de cette décision : « Les magistrats jugent en droit, pas selon leur fantaisie, a-t-elle dit. Ils ont prononcé les peines prévues par le Code pénal pour ce type de délit. »
Mme Taubira est sans doute mal informée sur ce dossier dans lequel les magistrats, contrairement à ce qu’elle affirme, ont fait preuve d’une fantaisie procédurale et juridique spectaculaire à toutes les étapes, du déclenchement des poursuites jusqu’à la rédaction de leur décision, truffée d’édifiantes considérations à prétention anthropologique. Ainsi le jugement dénonce-t-il « la volonté d’avilir la personne visée et, au-delà, toutes les personnes mélanodermiques » – ce qui signifie probablement « noires ». On apprend aussi qu’il existe une « race noire », tout entière outragée par l’image infâme, comme « toutes les races » d’ailleurs : le tribunal de Cayenne a inventé le délit contre l’humanité.[access capability= »lire_inedits »]
Quant au Code pénal, il faut croire qu’on n’utilise pas le même à Cayenne et à Annecy, où, pour des faits similaires, un élu frontiste, Olivier Burlats, a été condamné le 5 décembre à 3 000 euros d’amende – il avait publié sur Twitter une photo comparant Taubira à un singe. S’agissant de délits de presse (diffamation, injure), même aggravés par le racisme, la décision rendue par le tribunal correctionnel de la capitale guyanaise est sans précédent dans les annales judiciaires des dernières décennies[2. Seuls quelques négationnistes multirécidivistes ayant jusque-là réussi à user la patience des juges au point d’écoper de prison ferme]. Nous pouvons nous honorer d’avoir mis le racisme hors-la-loi. Reste qu’en France on ne va pas en prison pour ses idées, aussi « nauséabondes » soient-elles. Et encore moins au premier dérapage.
C’est le droit du garde des sceaux de défendre une conception compassionnelle de la justice. C’est aussi son droit de penser que certains délinquants sont indignes de compassion et certains délits insusceptibles d’indulgence dès la première infraction – encore qu’en matière de politique pénale un peu de cohérence ne nuirait pas. En approuvant ce jugement, exceptionnel par sa sévérité, Christiane Taubira fait clairement une entorse aux principes qu’elle défend habituellement. Il est un peu fâcheux que cette entorse intervienne précisément dans une affaire qui la concerne étroitement : si la ministre n’est pas la plaignante, elle est la victime. Pure coïncidence, certainement, comme le fait qu’elle ait été jugée à Cayenne, fief politique de la même ministre. Certes, Christiane Taubira a balayé par avance tout soupçon – comment oserait-on ? Dans cette affaire, elle s’est proclamée au-dessus de la mêlée. Elle s’est contentée de laisser la justice faire son travail, exactement comme si l’insulté avait été un citoyen lambda. L’ennui, c’est que cet aimable conte de fées ne résiste guère à l’examen des faits. Au terme de notre enquête, il est au moins permis de se demander si le garde des sceaux n’a pas eu droit à une justice sur-mesure – et son insulteuse à une justice d’exception.
Pour apprécier dans toute sa saveur la conception baroque du droit qui a prévalu dans ce dossier, il faut revenir à l’époque des faits. Nous sommes à l’automne 2013. Le vote, quelques mois plus tôt, de la loi Taubira instaurant le « mariage pour tous » (et que ça saute !), n’a pas réconcilié les deux France qui se regardent en chiens de faïence. Le gouvernement, toujours sonné par les manifs monstres du printemps précédent, ne comprend goutte à cette opposition sortie de nulle part – c’est-à-dire de la France des provinces, des familles et des cathos. Incapable de lui parler, il s’est exclusivement employé, avec quelques variations tactiques, à la diaboliser en l’ensevelissant sous les vocables habituels – de réac à facho. Les protestataires, eux, n’ont pas digéré le mépris, les insultes et les procès en sorcellerie qui ont été les seules réponses à la mobilisation. Le gros des troupes attend son heure électorale, mais la frange jusqu’au-boutiste « ne lâche rien ». Pour le camp LGBT, c’est une bénédiction. On entame les vieilles rengaines de l’ordre moral à nos portes et de l’homophobie partout. Autant dire que, quand le racisme pointe son nez pour de bon, les prêchi-prêcheurs ont du mal à camoufler leur exultation derrière leurs mines de circonstance. Divine surprise, on a déniché dans les manifs une ou des gamines de huit ans brandissant des bananes pour insulter Taubira, tandis que quelques abrutis publient d’odieux photomontages sur leur compte Facebook ou Twitter. Ces attaques racistes sont unanimement dénoncées, mais la cause est entendue : contre le mariage homo, ça veut dire « homophobe », et quand il y a de l’homophobie, le racisme n’est jamais loin – allez, coffrez-moi tout ça ! Les juges de Cayenne, reconvertis en chroniqueurs, évoqueront dans leur décision « le paroxysme de réflexions racistes faites notamment dans le cadre du débat sur le “mariage pour tous” à l’encontre de Mme Taubira ». Ce qui revient peu ou prou à ériger une interprétation politique en vérité judiciaire officielle.
Le 17 octobre, dans ce climat rendu pesant, d’abord par les propos racistes, bien réels quoique bien plus rares que ce qu’on dit, ensuite par les fantasmes antiracistes d’une France gangrenée par la haine, « Envoyé spécial » diffuse sur France 2 un reportage consacré à Anne-Sophie Leclère, commerçante à Rethel dans les Ardennes et candidate Front national pour les municipales de mars 2014. La journaliste lui flanque sous le nez une image, repérée sur sa page Facebook, qui deviendra tristement célèbre, où sont juxtaposées la photo d’un bébé singe et un portrait de Mme Taubira, respectivement légendés « À 18 mois » et « Maintenant ». On voit Anne-Sophie Leclère s’embrouiller dans une explication confuse, puis affirmer qu’elle assume la présence de cette image sur son mur Facebook. Aujourd’hui, elle soutient au contraire qu’elle l’avait retirée « depuis trois mois » et qu’elle a été « piégée ». Piégée ou pas, elle a bien publié puis défendu le photomontage. Elle a aussi prononcé cette phrase, au sujet de Mme Taubira : « À la limite, je préfère la voir dans un arbre après les branches que de la voir comme ça au gouvernement, franchement. »
Ces agissements tombent évidemment sous le coup de la loi de 1881 et constituent, sans aucun doute possible, une « injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine », voire une « provocation à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion ». Anne-Sophie Leclère méritait d’être condamnée (dans ces matières, il n’y a pas de politique de l’excuse et nul n’a tenté d’amoindrir sa faute en invoquant son milieu social et son niveau culturel). Mais les tribunaux, dans leur sagesse, considèrent généralement qu’une condamnation symbolique et l’opprobre qui va avec constituent une sanction suffisante. Débarquée par le FN, montrée du doigt par la France entière, sans relations ni argent, y compris pour assurer sa défense, Leclère avait déjà pris cher au sens figuré. Le jugement de Cayenne la condamne à la ruine, au sens propre. S’il devenait définitif (issue assez improbable néanmoins), elle serait la première Française incarcérée pour « injure à caractère racial » et « provocation à la haine raciale ». On a le droit de le souhaiter. Mais si on veut appliquer la « tolérance zéro » à la diffusion de propos, écrits ou images racistes, il est urgent de construire des prisons.
Il faut quelques jours pour que l’information se transforme en scandale – ce « retard à l’allumage », imputable aux mystérieuses lois du buzz, sera une preuve supplémentaire des vents mauvais qui soufflent sur le pays. Car ce n’est pas Leclère qui siège au banc des accusés, c’est la France entière, ou plutôt une moitié de la France – la mauvaise. Dans un texte d’anthologie, Christine Angot écrit précisément qu’une moitié de la France pleure avec elle, tandis que « l’autre agite des bananes en insultant la ministre de la Justice ».
On ne minimisera pas le caractère douloureux de telles insultes pour ceux qui en sont l’objet. Mais force est de constater que Christiane Taubira fait au passage une excellente opération politique. Elle est soutenue par la quasi-totalité de la classe politique, révérée par les journalistes, célébrée par des intellectuels. La Règle du Jeu, la revue de BHL, organise une journée de soutien, les médias multiplient les débats pour tenter de découvrir à quel point la France est raciste. Le 13 novembre, la une de l’hebdomadaire Minute annonce, avec un mauvais goût prononcé et un sous-texte destiné à choquer, que «Taubira retrouve la banane »[3. Le directeur de la rédaction de Minute, Jean-Marie Molitor sera condamné à une amende de 10 000 euros le 30 octobre 2014.]. Sanctifiée par l’insulte, la ministre devient intouchable. Ainsi pourra-t-elle s’afficher avec les frondeurs du PS tout en échappant au remaniement.
Pendant ce temps, la machine judiciaire se met en branle. Saisi par le défenseur des droits Dominique Baudis, le procureur de la République François Molins ouvre une enquête préliminaire et en informe sa patronne par une lettre datée du 26 novembre, dans laquelle il lui demande si elle souhaite lui « adresser une éventuelle plainte ». Mais malgré les innombrables suppliques qui lui sont adressées en ce sens, la principale intéressée refuse de se commettre dans ces basses œuvres judiciaires. La gravité de l’offense infligée, à travers elle, à toute la France, lui interdit d’en faire une affaire personnelle. De plus, en engageant elle-même des poursuites, elle donnerait l’impression d’attaquer une mouche à l’arme nucléaire. Chef direct des parquets, le garde des sceaux n’a en théorie aucun pouvoir sur les magistrats du siège. Mais avoir sa faveur, ou sa défaveur, n’est évidemment pas sans effet sur une carrière – une mutation (on n’ose dire à Cayenne) est si vite arrivée. Nul ne peut donc croire qu’il soit un justiciable comme les autres, ni qu’une affaire le concernant ne soit pas l’objet de toutes les attentions à tous les étages de l’institution judiciaire. Face à une Taubira de fer, Leclère était le pot de terre idéal. Une solution élégante, pour garantir un procès équitable à cette prévenue passablement inculte et dépourvue de tout réseau, aurait consisté à déclencher l’action publique pour interrompre le délai de prescription tout en se débrouillant pour que l’affaire soit renvoyée jusqu’à ce que Christiane Taubira ait quitté la Chancellerie.
Après tout, l’élégance n’est pas une obligation. Le 10ٔ décembre, la ministre répond à François Molins qu’elle « n’envisage pas, à ce stade, de déposer plainte », et le remercie simplement de l’informer « des suites de cette enquête et de l’audience qui pourrait intervenir ». En clair, elle lui donne son aval pour poursuivre ses investigations mais refuse de se constituer partie civile – décision parfaitement raisonnable. Le storytelling est impeccable : en s’abstenant de demander réparation, Christiane Taubira fait preuve d’une retenue empreinte de grandeur, ou l’inverse. Dans les procédures lancées contre Leclère, Minute et le FN, elle n’apparaît jamais en première ligne, comme si tout cela ne la concernait pas. Le combat ne peut pas être déséquilibré puisqu’il n’y a pas de combat.
De fait, ce n’est pas de la faute de Christiane Taubira si, le 16 janvier 2014, Walwari, parti politique guyanais dont elle est cofondatrice, décide, de sa propre initiative, de poursuivre Anne-Sophie Leclère, mais aussi le Front national, encore une sacrée fantaisie au regard du droit, qui interdit de poursuivre une personne morale pour des délits de presse. Certes, il est un peu embêtant que la prévenue, dont les revenus extrêmement modestes proviennent principalement de l’activité de charpentier de son mari, soit manifestement dépourvue des moyens financiers d’assurer sa défense à 7 000 kilomètres de chez elle, mais si les membres guyanais de Walwari se sont sentis insultés, Mme Taubira n’y peut rien. Anne-Sophie Leclère sera jugée – et condamnée – en son absence, et d’ailleurs en l’absence de toute défense.
Elle n’est pas non plus responsable du fait que la plainte ait été jugée recevable par le tribunal correctionnel, alors même que les statuts de l’association n’indiquent pas qu’elle ait pour objet d’agir en justice ni de lutter contre le racisme – la garante de l’indépendance de la justice ne saurait commenter une décision de justice, en tout cas en France. Des esprits suspicieux pourraient remarquer que l’adresse du parti à Cayenne est la même que celle de la permanence parlementaire de Taubira. Ou encore que, parmi les six membres du bureau exécutif de Walwari, figurent Nolywé Delannon, fille de la ministre, et Éric Lafontaine, conseiller aux affaires réservées au sein de son cabinet. Ça ne prouve pas que la ministre ait été consultée. Ce n’est pas parce qu’on appartient au même parti, à la même famille ou à la même équipe ministérielle qu’on n’a pas le droit d’avoir des secrets.
Reste un petit détail qui écorne légèrement l’image pieuse d’une Christiane Taubira sacrifiant ses intérêts et ses sentiments personnels à des principes supérieurs. En effet, dans le cas d’injure raciale visant une personne particulière, une association ne peut se porter partie civile que si elle obtient l’accord, appelé « acquiescement », de la victime. D’après notre enquête, la ministre a donné le sien à Walwari dans une lettre adressée à son secrétaire général Joël Pied, le 3 juillet, soit cinq jours avant l’audience, qui s’est déroulée le 8 juillet – quelqu’un ayant dû se rappeler in extremis que cette formalité était indispensable. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : sans ce blanc-seing donné à Walwari par Taubira, il n’y aurait pas eu de procès à Cayenne. Elle ne pouvait donc ignorer l’existence de cette procédure.
Ce n’est pas tout. Christiane Taubira savait aussi depuis le mois de novembre qu’une autre procédure (moins prometteuse peut-être en termes de sanction mais plus sérieuse) était en cours à Paris. Donner à Cayenne une longueur d’avance sans pour autant suggérer à Paris de se désister permettait à la fois de court-circuiter Paris et de le garder comme deuxième fer au feu, pour le cas où les choses se gâteraient à Cayenne. On imagine la stupeur, pour ne pas dire la rage, des parquetiers parisiens et des juges de la dix-septième chambre correctionnelle, le 16 juillet, lorsqu’ils ont appris par les médias qu’ils avaient été doublés.
En tout cas, comme prévenue, Anne-Sophie Leclère a droit au service VIP. Elle pourrait ainsi connaître le douteux privilège, non pas d’être condamnée deux fois pour les mêmes faits, ce que la loi interdit, mais d’être jugée deux fois pour ces faits ce qui est tout de même hallucinant. Le 29 janvier, son affaire sera examinée par la cour d’appel de Cayenne, la requête en dépaysement déposée par son avocat ayant été, on le verra, rejetée dans des formes toujours rocambolesques. Et, quelques mois plus tard, elle pourrait comparaître en première instance devant la XVIIe chambre à Paris. Ceinture et bretelles. Rien de personnel bien sûr, aucun acharnement. La justice s’assure qu’une délinquante ne passera pas entre les mailles de son filet, quoi de plus normal ? Saine prudence au demeurant : les juges parisiens n’enverront pas Anne-Sophie Leclère derrière les barreaux, mais ils la condamneront, et leur condamnation tiendra, car, à la différence de leurs collègues guyanais, ils font du droit.
Bien sûr, on ne saurait douter l’indépendance des magistrats de Cayenne. C’est certainement en leur âme et conscience qu’ils ont tenu à infliger à Anne-Sophie Leclère un châtiment exemplaire. Avec une franchise dans le zèle qui confine à la candeur, ils précisent noir sur blanc dans leur décision du 16 juillet que la peine, exceptionnellement sévère, est «sans sursis, et insusceptible de conversion » – c’est la « prison sans passer par la case départ » du Monopoly, à ceci près qu’en la matière l’appel est suspensif. Précaution inhabituelle, dans un climat où l’idéologie et la disette budgétaire invitent plutôt les juges d’application des peines à se montrer créatifs afin que les peines d’emprisonnement prononcées soient exécutées le moins souvent possible. Cela ne prouve pas que le président Jean-Pierre Rémy et ses deux assesseurs aient voulu complaire à Christiane Taubira.
Ce n’est pas non plus pour être agréable à la ministre que les magistrats ont tenu, de façon encore très inhabituelle, à satisfaire intégralement les exigences financières de Walwari en condamnant solidairement le Front national et Anne-Sophie Leclère à lui verser 50 000 euros. La facture est à la mesure de l’injure : « Cette atteinte à une race entière est largement aussi grave que certaines infractions individuelles de droit commun donnant lieu à plusieurs dizaines de milliers d’euros d’indemnités », affirme le jugement. On appréciera cette contribution de la justice de la République à l’instauration d’une saine émulation entre victimes.
C’est dans le volet consacré au Front national que les juges déploient une audace stupéfiante pour quiconque possède quelques notions de droit. Ils affirment notamment : « En ne s’assurant pas des opinions républicaines et en ne mettant pas en œuvre par une formation minimale destinée à éviter de tels dérapages (sic), le Front national a participé au délit commis par Mme Leclère. » Autrement dit : le FN a péché en pensée et par omission, et se voit accuser d’inaction et de délit d’opinion. Or on ne trouve évidemment nulle trace, dans la loi française, de telles infractions. On ne sache pas non plus que notre droit interdise de soutenir une « analyse politique imputant aux immigrés l’essentiel des difficultés rencontrés (sic) par le pays » ou d’adopter un « programme visant à limiter l’immigration de façon drastique ».
Ses avocats font appel de la décision du 15 juillet, et adressent dans la foulée à la cour d’appel de Cayenne une demande de dessaisissement, afin que l’affaire soit rejugée plus près de la prévenue. Le 2 septembre, le procureur général guyanais accepte le dépaysement : « L’éloignement géographique du domicile habituel de la prévenue et du lieu de son jugement en appel, au regard des frais de transport inhérents à ce déplacement et à son statut de bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, ne peuvent être ignorés. J’ai donc l’honneur d’émettre un avis favorable à la demande de renvoi devant une autre juridiction. »
Mais, le 12 septembre, contre toute attente, le procureur général près la cour de cassation, Jean-Claude Marin, retourne l’argument de la défense : « On ne voit pas ce qui justifierait d’imposer aux plaignants, par le biais d’un dessaisissement, les difficultés matérielles évoquées par la prévenue. » Autrement dit, pour le magistrat, bien que la victime et la coupable présumée de l’affaire résident toutes deux en métropole, « aucun élément objectif ne vient justifier » que celle-ci soit jugée à moins de 7 000 kilomètres de chez elles. Cela n’a évidemment aucun rapport avec l’attachement de la ministre à la cour d’appel de Cayenne, à la création de laquelle elle a participé. N’empêche, tout cela finit par ressembler à de l’acharnement. Mais on ne peut pas soupçonner Christiane Taubira d’être animée par un esprit de vengeance qui serait peu compatible avec sa fonction. Reste encore à comprendre pourquoi cette lionne déploie tant d’énergie pour écraser une mouche.[/access]
*Photo : SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA. 00699881_000020.
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