L’une des plus belles expositions de ce printemps était consacrée aux photographies d’Émile Zola. L’écrivain se découvre cette passion tardive en même temps que le bonheur familial, et ses clichés témoignent de la vie d’un bourgeois heureux et amoureux, loin des bas-fonds sordides dépeints au fil de ses romans
Émile Zola (1840-1902) eut deux enfants, Denise et Jacques, d’une jeune femme qu’Alexandrine, son épouse, fit entrer à leur service comme lingère au printemps 1888, et dont il tomba éperdument amoureux. Il avait alors 48 ans et traversait une crise dont il avait confessé l’ampleur l’année précédente, dans ses travaux préparatoires au Rêve, seizième roman du cycle des Rougon-Macquart : « Moi, le travail, la littérature qui a mangé ma vie, et le bouleversement, la crise, le besoin d’être aimé. Après toutes les recherches, il n’y a que la femme. C’est l’aveu. Des sanglots, une vie manquée. La vieillesse qui arrive, plus d’amour possible, le corps qui s’en va. » Lui que l’on accusa, avec une violence inouïe, d’avoir « méconnu l’idéal des hommes » (Anatole France), d’avoir pataugé dans la boue des cœurs et suffoqué dans la touffeur de la nature humaine avec un pessimisme complaisant, trouva en Jeanne Rozerot la plus belle des consolations, la femme adorée à qui il ne cessa d’envoyer, lorsqu’il était loin d’elle – et il le fut souvent – toutes ses pensées, « tout son sang » et « toute son âme ».
La photographie, une révélation tardive
L’année de sa rencontre avec Jeanne, Zola découvrit la photographie lors d’un séjour à Royan, chez des amis qui l’initièrent à ce qui allait devenir son violon d’Ingres, selon ses propres mots. Il était né en 1840, un an après le premier daguerréotype, mais ne se consacra à cette fabuleuse nouveauté qu’à partir de 1894, l’année qui suivit la parution du Docteur Pascal, dernier volume de sa saga naturaliste. Denise avait cinq ans, Jacques trois ans, et lui, le grand romancier, le monument, futur auteur du puissant J’accuse… ! qui mourrait en 1902 asphyxié par les émanations toxiques de sa cheminée, rêvait de vivre encore vingt ans pour voir grandir ses enfants et chérir leur mère (Lettres à Jeanne, 31 décembre 1893). Pendant les huit dernières années de sa vie, il se passionna pour la photo, en amateur doué pour
