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L’affaire Polanski, un Roman d’aéroport


L’affaire Polanski, un Roman d’aéroport
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?

Il y en a un qui a dû bien rigoler sous sa tente lorsqu’un messager lui a transmis la nouvelle de l’arrestation, à Zurich, de Roman Polanski. C’est Mouammar Kadhafi, qui tient toujours la Confédération Helvétique par les parties génitales, en retenant depuis plus d’un an à Tripoli deux de ses citoyens pour obtenir le châtiment des policiers et juges de Genève responsables de l’arrestation – justifiée – de son fils Hannibal. Il ne devrait donc pas se gêner pour poursuivre son jeu du chat libyen avec la souris suisse, dans un contexte où tous les pipoles de la planète tombent à bras raccourcis sur les justices de la Suisse et des Etats-Unis.

D’un pur point de vue de droit, l’arrestation en vue d’extradition de Roman Polanski à l’aéroport de Zurich est parfaitement conforme aux accords judiciaires qui lient Berne et Washington. Le viol sur mineure, crime dont est accusé Roman Polanski, même si les faits sont vieux de trente-deux ans, n’est prescrit ni en droit suisse, ni en droit américain. Comme le cinéaste n’encourt pas la peine de mort, rien ne s’oppose donc à son extradition.

Pas même le fait que, possédant un chalet à Gstaad, Polanski se soit, ces dernières années, rendu à plusieurs reprises en Suisse pour respirer le bon air des montagnes. Ce n’est pas parce que la police et la justice ont été négligentes par le passé que le cinéaste était autorisé à croire qu’elles avaient passé l’éponge.

Aux yeux de la justice américaine, Polanski, plus que d’une pratique sexuelle prohibée par la loi, s’est rendu coupable de felony, cet abus de confiance envers une justice qui vous a cru sur parole. Il a fui à l’étranger alors qu’une ordonnance d’incarcération avait été imposée par un juge à la suite d’un plea bargain, un compromis judiciaire où il reconnaissait les faits en échange d’une incrimination moins grave.

Cela n’a rien à voir avec cette vieille histoire de viol présumé, pour lequel la victime, d’ailleurs, a depuis longtemps sinon pardonné, du moins cessé de demander réparation en échange de compensations financières. Polanski, donc, a une ardoise avec la justice américaine qu’il lui est impossible, selon les lois en vigueur, d’effacer sans comparaître physiquement devant un tribunal californien.

Voilà pour les faits. Mais on ne peut s’empêcher de penser que la justice et le gouvernement helvétiques n’étaient pas mécontents de jouer un mauvais tour à une administration américaine qui n’a cessé, ces derniers mois, de les harceler au sujet de la levée du secret bancaire pour les contribuables des Etats-Unis cherchant à échapper à l’impôt en plaçant leur argent dans les établissements financiers suisses.

Comme la séparation des pouvoirs n’est pas un vain mot outre-Atlantique, il sera impossible au président Obama d’exercer son droit de grâce avant que Polanski n’ait été jugé pour les faits reprochés, qui peuvent lui valoir jusqu’à cinquante ans de prison. Il va faire l’objet de pressions de l’opinion publique internationale sans être en mesure d’influer sur le cours des choses.

La mobilisation en faveur de Polanski est impressionnante : les deux Etats dont il possèdent la nationalité, la Pologne et la France émettent des protestations d’autant plus véhémentes qu’elles n’auront aucune chance d’entraver le processus judiciaire. Hollywood, Saint-Germain des Prés, Prenzlauer Berg et autres sanctuaires urbains de la culture et du bon goût sont au bord de l’insurrection et réclament la libération immédiate de l’auteur du Pianiste.

Dans ce genre de situation, la méthode Kadhafi se révèle plus efficace que la mobilisation des intellectuels et des artistes. On pourrait, par exemple séquestrer Jean-Luc Godard dans le centre de rétention de Roissy, lors de son prochain voyage à Paris, et lui repasser en boucle les inepties maoïstes qu’il a commis jadis. Ou enfermer Roger Federer dans les toilettes de Roland Garros si Polanski est toujours sous clé en mai prochain.

D’ores et déjà, il semble indécent que notre président arbore la Patek Philippe offerte par son épouse. Les seuls combats vraiment perdus sont ceux que l’on n’a pas livrés.

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