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Royaume Uni: le parti de Nigel Farage sur le point de s’effondrer ?

Un come-back catastrophique !


Royaume Uni: le parti de Nigel Farage sur le point de s’effondrer ?
Nigel Farage s'exprimant lors de la conférence de presse de Reform UK, Londres, 17 mars 2025 © Jacqueline Lawrie/LNP/Shuttersto/SIPA

Lors des dernières élections générales outre-Manche, l’arrivée du nouveau parti de Nigel Farage, Reform UK, qui se positionne comme le rival populiste des Conservateurs, a divisé le vote à droite de l’échiquier et permis aux Travaillistes de remporter une victoire encore plus spectaculaire. Depuis, Farage poursuit son objectif de remplacer le Parti conservateur comme force d’opposition principale au socialisme. Pourtant, ses ambitions risquent soudain d’être contrecarrées par des dissensions au sein de son parti. Explications.


Le 7 juillet 2024, le Parti conservateur britannique a subi son pire résultat électoral de l’ère moderne. Après avoir obtenu une majorité de 80 sièges sous Boris Johnson lors de l’élection de décembre 2019, le nombre de députés conservateurs est passé de 365 à un misérable 121, soit le plus faible nombre de sièges remportés par le parti lors d’une élection depuis sa création officielle au début du XIXe siècle.

Cette performance électorale désastreuse s’explique facilement par l’exaspération évidente de l’électorat face aux querelles internes des conservateurs, combinée à la colère suscitée par l’abus des restrictions Covid par certains ministres, alors que la population respectait scrupuleusement la loi. Mais surtout, l’électorat a été profondément écœuré par l’incapacité totale des conservateurs à tenir leurs promesses après 14 ans au pouvoir, qu’il s’agisse de la réduction des inégalités territoriales ou de la gestion de la crise migratoire au Royaume-Uni.

Reform UK, la relève du Brexit Party

Cependant, bien que le résultat des élections ait permis au Parti travailliste d’obtenir une large majorité, il ne reflète pas un basculement massif vers la gauche. En réalité, de nombreux électeurs conservateurs de 2019 ont tout simplement abandonné leur parti, préférant voter pour le nouveau parti alternatif de droite, « Reform UK », ou tout simplement « Reform ».

Lorsque le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne en janvier 2020, le « Brexit Party » (Parti du Brexit), fondé par le « Monsieur Brexit » Nigel Farage, s’est en grande partie dissous, donnant ainsi naissance à Reform. Une fois le Brexit accompli, M. Farage estimait avoir atteint l’objectif politique de sa vie en faisant sortir la Grande-Bretagne de l’UE. Il s’est alors retiré de la politique active pour poursuivre une carrière plus lucrative dans le journalisme télévisé et s’est forgé une image médiatique en participant à l’émission de téléréalité I’m a Celebrity… Get Me Out of Here! (une sorte de Koh-Lanta à la britannique).

Pendant ce temps, l’ancien parti du Brexit s’est transformé en Reform UK et a commencé à recruter des adhérents. Lorsqu’en mai 2024, Rishi Sunak a convoqué des élections, le parti, sous la direction de Richard Tice, enregistrait régulièrement environ 16 % des intentions de vote.

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Se positionnant à droite de l’échiquier politique britannique, le parti a pour raison d’être de briser le monopole de ce qu’il appelle l’« uniparti » – la domination de la politique britannique par un consensus libéral entretenu par les gouvernements travaillistes et conservateurs successifs (l’équivalent de ce qu’on appelait en France « UMPS »).

Au début de la campagne électorale, tous les indicateurs suggéraient que, bien que Reform soit susceptible d’obtenir ses 16 % de suffrages – un score très honorable pour un jeune parti – il serait néanmoins désavantagé par le système électoral britannique, appelé « first past the post » ou scrutin majoritaire uninominal.

Le retour de Nigel Farage

Avec un œil sur son ami Donald Trump aux États-Unis et l’autre sur la possibilité de continuer à bouleverser le statu quo politique au Royaume-Uni, Nigel Farage était tiraillé entre deux voies : rester dans le journalisme ou revenir sur le devant de la scène politique. Après un spectaculaire revirement en 24 heures, Farage a choisi la seconde option. Il est ainsi revenu dans l’arène politique tout en s’installant lui-même à la tête de Reform, avec l’accord apparent du précédent leader, Richard Tice. Cette décision a secoué la campagne électorale, et Farage a essuyé quelques agressions, recevant un milkshake puis une brique lancée contre lui lors de deux incidents distincts.

Néanmoins, sa présence dans la campagne a considérablement renforcé les chances de Reform d’obtenir une représentation parlementaire. Ainsi, le 7 juillet 2024, Nigel Farage a été dûment élu à la Chambre des communes en tant que député de Clacton, une petite ville balnéaire du sud-est de l’Angleterre. Après quatre tentatives infructueuses pour entrer au Parlement, Farage avait enfin réussi. Il a également été rejoint par quatre autres députés : Richard Tice, Rupert Lowe, Lee Anderson et James McMurdock.

M. Lowe, un nouveau visage en politique britannique

Depuis les élections, l’un de ces cinq députés s’est distingué par ses performances parlementaires exceptionnelles, recevant des éloges de la part des commentateurs politiques de tous horizons pour ses discours, ses questions percutantes et son travail acharné : Rupert Lowe.

Rupert Lowe. DR.

M. Lowe n’est pas un homme politique de carrière. Diplômé d’un internat puis de l’université de Reading, cet homme d’affaires de 67 ans a commencé sa carrière dans le secteur financier, autrement dit la City, travaillant pour plusieurs institutions bancaires et siégeant au conseil d’administration du London International Financial Futures Exchange. Marié et père de quatre enfants adultes, il est aujourd’hui impliqué dans plusieurs affaires commerciales, notamment Alto Energy, une entreprise spécialisée dans la fourniture de pompes à chaleur géothermiques pour un chauffage efficace et bas-carbone, ainsi qu’un investissement dans Kona Energy, qui développe des projets de stockage d’énergie par batterie pour améliorer l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique.

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En tant qu’homme politique, il a attiré l’attention du public pour la première fois en septembre lors de son discours percutant à la conférence de Reform. Cette allocution, abordant des sujets tels que l’ingérence du gouvernement, l’économie, l’immigration et l’érosion de la liberté d’expression, a été très bien reçue par le public, au point qu’il a été considéré comme la vedette de l’événement, éclipsant ainsi Farage lui-même. Couplé à ses puissantes interventions parlementaires et à la manière éloquente dont il communique ses valeurs et aspirations pour la Grande-Bretagne à travers de nombreuses interviews et podcasts, cela a conduit de nombreux membres du mouvement Reform à le voir, plutôt que Farage, comme un futur Premier ministre du Royaume-Uni.

Après les élections, la popularité du nouveau gouvernement travailliste a baissé rapidement à cause de leurs premières décisions concernant l’économie et les impôts. Cela, en plus du charisme de Messieurs Farage et Lowe, a contribué à augmenter la popularité de Reform. Actuellement, les sondages d’opinion placent régulièrement Reform en seconde position, sinon en première.

L’interview qu’il ne fallait pas donner

Cependant, l’élan que Reform avait accumulé a été stoppé net. Dans une interview publiée dans le Daily Mail le 6 mars, Rupert Lowe a critiqué le leadership de Farage, qualifiant Reform de « parti de protestation dirigé par le Messie ». De telles critiques au sein du Parti Reform ne sont pas nouvelles. En effet, un ancien vice-président, Ben Habib, avait déjà exprimé des plaintes au sujet de la concentration de pouvoir dans le parti entre les mains de Farage. Par conséquent, il a été écarté de manière brutale.

Interrogé sur les déclarations de Lowe, Farage a immédiatement contesté les accusations de ce dernier, en suggérant qu’elles étaient motivées par ses ambitions politiques. Toutefois, les conséquences pour Rupert Lowe ne se sont pas arrêtées là. Le 7 mars – le jour suivant la publication de l’article – le parti a signalé M. Lowe à la police pour des menaces verbales proférées contre le président du parti, Zia Yusuf, en décembre 2024 et février 2025, et sa suspension du parti a été immédiate. De plus, le parti a nommé un avocat indépendant pour enquêter sur des allégations de harcèlement au sein du bureau parlementaire et de celui de la circonscription de M. Lowe. Depuis lors, il y a eu un enchaînement sans fin d’accusations et de dénégations, l’équipe parlementaire de M. Lowe publiant une déclaration qualifiant Lowe d’« homme décent et honnête ».

Les enquêtes susmentionnées sont encore en cours, mais quelle qu’en soit l’issue, l’avenir de Lowe au sein de Reform semble définitivement compromis. L’actuel vice-président, Richard Tice, a laissé entendre que la situation était devenue intenable. Le responsable de la discipline parlementaire de Reform a déclaré que le parti « ne peut pas fonctionner » avec Lowe comme membre en raison de son manque de coopération dans l’enquête sur son comportement. Les alliés de M. Lowe affirment que tout cela ressemble à un assassinat politique. Le chaos au sein du parti, suite à ce scandale, semble sans fin, avec des responsables locaux de circonscription démissionnant les uns après les autres.

Bien que cela profite également au Parti travailliste au pouvoir, les véritables vainqueurs seraient les Conservateurs. Ils se retrouvent face à une occasion en or : récupérer les électeurs qu’ils avaient perdus à cause de Reform en assimilant en partie la rhétorique et les politiques populistes de ce dernier. En auront-ils le courage ?



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