Après Dernier royaume, cycle de douze livres publiés de 2002 à 2023, Pascal Quignard renoue avec la forme romanesque pour le plus grand bonheur de ses lecteurs.
L’on se souvient de Tous les matins du monde ou de Villa Amalia, tous deux adaptés au cinéma. Le premier par Alain Corneau, le second par Benoît Jacquot. Trésor caché, dernier roman de Pascal Quignard, est de cette veine-là. Tout commence comme dans un conte. Une femme, Louise, obligée de faire piquer Peer son chat adoré, décide de l’enterrer dans son jardin. Là, tandis que ses mains fouissent la terre, elle découvre un trésor. Une vieille boîte détrempée contenant bagues, bracelets et louis d’or. Correctrice free-lance pour différentes maisons d’édition, rien n’oblige Louise à rester travailler dans sa maison qui, comme celle de Pascal Quignard, se trouve sur la rive de l’Yonne. La quinquagénaire décide alors de mettre à profit son butin pour voyager. Direction Naples puis les îles Phlégréennes. Nisica, Procida, Ischia et Vivara. Un périple enchanteur au cours duquel elle va rencontrer Luigi, un homme plus âgé qu’elle. Entre promenades et baignades, le couple va vivre des heures bénies. Hélas la Dolce Vita ne durera pas. Luigi souffre d’un mal incurable et bientôt sa vie va en être transformée. « Quand le destin plonge un homme dans le terrible esseulement de la mort, il ne lui reste plus qu’à chérir sa solitude. Qu’à lui faire la cour, qu’à la couvrir de présents. C’est la future compagne. Elle mérite les plus grands égards ». A la mort de sa mère, le mal de Luigi va empirer et Louise n’aura d’autres choix que de l’accompagner dans ses derniers instants. Dans le même temps, du côté de Dinard, son père qui a perdu la mémoire se meurt dans un EHPAD. En l’espace d’un été, Louise va perdre son mari, son père et son amant. Heureusement il y a les chats qui ont ce pouvoir enchanteur d’atténuer le désespoir, de guérir toutes les douleurs. Il y a Peer, donc, le chat qui partageait la vie de Louise depuis dix sept ans mais aussi Bee la petite chatte de l’enfance ou encore Bach et Petit Ruisseau. L’on sait l’amour de l’auteur pour les félidés qui lui inspirent parmi les plus belles pages de ce livre. Il y a aussi celui de la musique. Celui de la nature. S’il est bel et bien un trésor dans ce roman c’est moins celui que découvre l’héroïne dans ses premières pages que celui de toutes les splendeurs du monde. La neige de l’enfance qui tombait en silence. La chaleur des îles qui obligeait les passants à sauter d’ombre en ombre, comme au jeu de marelle. Les petites pommes muries longtemps sous le soleil. Les bains de mer aux premières lueurs de l’aube. Louise va s’en repaître et apprendre à vivre avec les morts qui l’entourent. Ces morts qui reviennent hanter les vivants, auxquels elle a fini par s’habituer depuis que sa mère l’a abandonnée quand elle avait sept ans. Nulle frontière chez Pascal Quignard entre morts et vivants, rêve et réalité, passé et présent. Tout communique et s’enrichit mutuellement. « Le bonheur est farouche -nous dit-il- : il faut savoir l’accueillir ». C’est ce que fait Trésor caché avec infiniment de grâce et de poésie dans une langue de toute beauté.
304 pages
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !