Alors que le Canada est en pleine guerre commerciale avec les États-Unis de Donald Trump, le banquier Mark Carney a été élu à la tête du Parti libéral canadien le 9 mars. Il est favori pour devenir Premier ministre du pays, mais l’opposition conservatrice lui soupçonne de potentiels conflits d’intérêts financiers…
La fin du monde va provoquer une chute à la Bourse, c’est certain. En cas d’Apocalypse, achetez de l’or.
Romain Gary.
Ils tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s’agenouillant devant lui, ils se moquaient de lui en disant: «Salut, roi des Juifs!».
Matthieu 27:29.
Le dimanche 9 mars 2025, le prochain Premier ministre canadien a convaincu 85% des membres du parti libéral du Canada qu’il est le leader le mieux placé pour succéder à Justin « Blackface » Trudeau et pour défendre les intérêts du 51e Etat… rectification, du Canada face à un président Donald Trump annexionniste. Se trouve brutalement éclipsée celle qui était en principe la dauphine de Justin, la menue mais énergique Chrystia Freeland (du concentré de tomates), haïe par sa Majesté Orange.
« Mektoub », comme a dû le dire la groupie justinesque Amira Elghawaby.
Crédibilité économique
Le PLC a décidé de faire abstraction de son manque de charisme et de son expérience politique inexistante. (Il avait été racolé jadis par le Premier ministre conservateur Stephen Harper pour le poste de ministre des Finances, mais cela n’en fait pas un « politicien professionnel », comme son populiste homologue conservateur). Son discours de victoire fut charitablement saupoudré de quelques phrases dans un français approximatif, mais une bonne connaissance de la langue de Julien Green serait d’une utilité limitée face au fondateur de la Trump University.
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Sa crédibilité économique l’a emporté; avoir été directeur des banques du Canada et d’Angleterre ne compte pas pour du beurre (produit laitier visé par l’administration Trump). Cela dit, on peut d’ores et déjà s’interroger sur sa volonté d’imposer des contre- droits de douane « dollar pour dollar » aux produits américains : l’impact serait négligeable pour les États-Unis, mais ils appauvriraient considérablement les consommateurs canadiens. Mais passons.
Le chef du parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre, évoque de possibles conflits d’intérêt chez son adversaire millionnaire. En effet, la Loi sur les conflits d’intérêts impose aux titulaires de charge publique l’obligation de déclaration publique de leurs biens. Or, à ce jour, le (pseudo)outsider, issu du monde du bizenaisse (comme Donald Trump), mais éminence grise de Justin n’occupe, ni n’a jamais occupé une telle charge; il passe donc à travers les gouttes. Il lui est donc proposé de dissiper l’opacité de sa situation financière (quels sont ses biens et ses comptes bancaires dans quels pays? En Irlande? A Jersey?), en faisant cette déclaration volontairement et immédiatement, mais le matois ex-gouverneur (pas au sens trumpesque du terme) esquive et se borne à promettre d’agir au moment prescrit par la stricte lettre de la loi. Seule (autre) ombre au tableau, le délai légal de 120 jours sera caduc si des élections sont rapidement convoquées, comme cela est prévisible.
Sur le plan du patriotisme économique, signalons son rôle au sein des conseils d’administration de multinationales géantes : la société (californienne) STRIPE et la société (irlando-californienne) PIMCO. Est particulièrement intéressante la question du transfert du siège social de Brookfield Asset Management de Toronto à… New York. Son ex-pédégé Carney explique vertueusement qu’il n’avait rien eu à voir avec cette décision, prise « officiellement » (« formally » en v.o.) le 27 janvier 2025, alors qu’il avait démissionné depuis belle lurette, à savoir le… 15 janvier 2025. Dont acte.
Sauf que… le 30 octobre 2024, avait été annoncée cette décision prise à l’unanimité par le conseil d’administration, laquelle fut confirmée par les actionnaires fin janvier suivant, et sauf que… ceux-ci avaient été mis devant le fait accompli comme en font foi les documents de Brookfield communiqués aux actionnaires avant le vote, les informant qu’elle avait transmis son siège social à New York et mentionnant l’immeuble « Brookfield Place » à Manhattan.
(Incidemment, Brookfield n’a pas souhaité s’exprimer sur d’éventuelles pertes d’emplois au Canada suite à cette délocalisation).
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Mais il serait malséant de reprocher au candidat Carney une perte de mémoire sur des événements si anciens.
Il en demeure toujours actionnaire, mais que l’on se rassure : il confiera, comme la loi le prévoit, la gestion de ses biens (où qu’ils soient dans le monde) à une fiducie (canadienne?) « sans droit de regard », dont l’indépendance est évidemment au-dessus de tout soupçon… Par ailleurs, surtout en cette période de turbulences, nul ne saurait imaginer un Premier ministre prenant des décisions en fonction de son propre patrimoine (dispersé partout dans le monde) et contraires à l’intérêt supérieur de la nation canadienne… rectification, des agents économiques habitant le territoire canadien? Honni soit qui mal y pense.
The Economist envisage l’adhésion du Canada à l’UE
Pour autant, ce citoyen irlandais est peut-être l’homme de la situation dont le Canada a besoin pour concrétiser la récente proposition du magazine The Economist : l’adhésion à l’Union européenne.
Le fils à papa Justin, ex-professeur d’art dramatique avait promis des « voies ensoleillées » lorsqu’il revêtit les atours et le maquillage de Premier ministre. La pièce de théâtre a duré 10 ans. La vedette peut maintenant remonter sur son snowboard et glisser majestueusement vers le soleil couchant. Salut l’artiste! Rideau! Et hasta la vista, baby!
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