Accueil Politique Fort à l’extérieur, faible à l’intérieur

Fort à l’extérieur, faible à l’intérieur

Alors que Trump veut mettre fin à la guerre en Ukraine, le ton monte entre Paris et Moscou


Fort à l’extérieur, faible à l’intérieur
Emmanuel Macron à la télévision, 5 mars 2025 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Dans son allocution télévisée du 5 mars, le président Macron a qualifié la Russie de menace pour l’Europe, suscitant de vives et inélégantes réactions de Moscou. Cependant, les partis aux deux extrémités de l’hémicycle de l’Assemblée nationale ont beau jeu de souligner que cette posture offensive contraste avec son impuissance face aux défis intérieurs, notamment l’islamisme radical et les tensions avec l’Algérie.


Après le « nous sommes en guerre » de mars 2020 face au Covid-19, Emmanuel Macron monte désormais de plusieurs crans dans la gravité. Ce mercredi 5 mars, lors d’une de ces allocutions solennelles dont il affectionne l’exercice, le président français a tenu un discours inédit, tant celui-ci s’est montré critique de la Russie et pessimiste sur les perspectives de paix en Europe.

Contexte martial

« La Russie tente de faire du conflit ukrainien un conflit mondial » […] « Qui peut donc croire dans ce contexte que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine? La Russie est devenue pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe. » Ces déclarations extrêmement offensives, et peu opportunes à l’approche d’une potentielle phase de négociations de paix, n’ont pas manqué de faire réagir la porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, qui a aussitôt qualifié le président français de « conteur » et d’être « déconnecté de la réalité », et estimant qu’il « devra s’excuser auprès de sa propre population pour l’avoir induite en erreur ». De son côté, l’ancien président Medvedev a réagi avec humour au travers d’un post sur X : « Micron (sic) ne représente pas une grande menace. Il disparaîtra définitivement au plus tard le 14 mai 2027. Et il ne nous manquera pas ».

La Russie est sans aucun doute une menace pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et le démontre depuis au moins février 2022. Néanmoins, affirmer que la Russie, après avoir garanti ses conquêtes territoriales en Ukraine, s’attaquera aux pays baltes, à la Pologne, à la Moldavie voire à l’Europe de l’Ouest, tels sont des scénarios un peu déconnectés de toute logique stratégique et militaire. Evidemment, les experts en géopolitique apparus depuis trois ans et autres généraux à la retraite confortablement assis à la chaleur des caméras des studios de télévision parisiens expliqueront que c’est une éventualité très sérieuse, et étayée par les services de renseignement allemands et danois. Doutons néanmoins de la crédibilité de tout ce petit monde qui, en 2003, avait accusé en cœur et à tort l’Irak de Saddam Hussein de détenir des armes de destruction massive, avec les conséquences funestes que l’on sait…

A lire aussi, Richard Prasquier: Trump et le nouveau monde

Dans un entretien fleuve publié cette semaine à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, l’ancien Premier ministre François Fillon relativise l’alarmisme ambiant concernant la menace russe  : « La Russie est une menace infiniment moindre que celle de l’islam radical, idéologie pernicieuse qui prospère sur une grande partie de notre territoire » […] « L’islamisme radical gagne du terrain en Europe où une partie croissante des populations de religion musulmane se plient aux règles d’un islam radical, autoritaire, liberticide, qui représente un danger réel et immédiat pour nos valeurs et notre mode de vie ».

Et l’Algérie ?

Car si Emmanuel Macron montre les muscles et délivre des discours martiaux concernant la Russie de Vladimir Poutine, il fait preuve d’une abyssale faiblesse lorsqu’il s’agit de combattre l’islamisme qui tue à intervalles réguliers dans l’Hexagone, à expulser les clandestins sous OQTF, ou encore à faire respecter les intérêts français piétinés par l’Algérie. Algérie qui, pour rappel, enferme dans ses geôles l’écrivain franco-algérien de 75 ans Boualem Sansal, depuis novembre 2024.

Malgré des tensions diplomatiques depuis plusieurs mois entre la France et son ancien département devenu indépendant en 1962, le président Macron s’est montré totalement impuissant à faire valoir la voix de la France, et à protéger l’intellectuel et homme de lettres, qui entame désormais une grève de la faim malgré sa santé précaire.

L’extrême mobilisation du président français sur la scène européenne et internationale dans le sujet ukrainien doit donc être considérée à l’aune de sa grande faiblesse sur la scène intérieure, où il s’est montré impuissant depuis sa réélection à faire respecter l’ordre, les frontières nationales, et à juguler la menace existentielle et concrète de l’islam radical violent.

Depuis son échec de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, cette fin de second quinquennat d’Emmanuel Macron a tout d’une fin de règne crépusculaire. Sa stratégie d’investir l’international pour ne pas parler de ses échecs intérieurs est vaine voire risquée. Surtout lorsque le pays qu’il incrimine violemment est celui comptant le plus de têtes nucléaires. Le monde a plus que jamais besoin d’hommes de paix, de compromis et de dialogue. Pas de pompiers pyromanes prêts à tout pour s’assurer une légitimité.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Causons ! Le podcast de Causeur
Article suivant Timur Kuran: l’islam est-il vraiment incapable d’évoluer?
Étudiant Master de spécialisation interdisciplinaire en études européennes, IEE-ULB

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération