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Un soir parmi d’autres dans un hôpital israélien

Le témoignage émouvant du Docteur Lior B.


Un soir parmi d’autres dans un hôpital israélien
Image d'illustration © Unsplash

Dr Lior B., pédiatre franco-israélienne, décrit avec émotion et sincérité une réalité souvent méconnue: celle d’une collaboration harmonieuse entre soignants juifs et arabes, au service de tous les enfants sans distinction.


Je  suis  Dr Lior B, pédiatre, Franco-israélienne. J’ai quitté ma France natale que j’aimais tant pour Israël il y a huit ans, alors que tout me souriait en France. Je l’ai quittée pour mes enfants car je sentais déjà gronder le tonnerre de l’antisémitisme, m’inquiétant déjà pour leur avenir en tant que Juifs. 

Alors j’ai dû plonger dans le grand bain de la société israélienne que je ne connaissais pas du tout mais que j’apprends à connaître et à aimer de jour en jour, tant j’y retrouve mes valeurs, chères à celle que je suis à savoir une femme, libre, et médecin. 

Alors j’ai pris goût, via des anecdotes de ma vie quotidienne, à dépeindre, vue de mon humble  lorgnette, cette société que l’on ne connait pas et pourtant que le tout un chacun se permet de juger sans vergogne.  

Ma dernière histoire en date du 23 février au soir

Je suis alors de garde jusque 23h dans un centre d’urgences pédiatriques dans le centre du pays.

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Se présente à moi une ado qui vomit non-stop depuis 24h, fatiguée et un peu déshydratée. En revanche, elle  est accompagnée d’une mère casse-tête du plus haut niveau, et ça aussi il faut savoir le gérer en pédiatrie  en plus de l’enfant malade. Bref je lui prescris un médicament anti vomitif et une perfusion pour la réhydrater. Toutes les trois minutes, la mère frappe à ma porte pour me dire que sa fille a tel et tel nouveau symptôme et est au bord du clapotage. Je vais quand-même vérifier l’état de l’enfant ayant toujours appris, en pédiatrie,  à faire confiance aux mères. Après avoir rassuré la mère, je réussis à l’envoyer chez l’infirmier Ahmed, de garde avec moi ce soir-là, pour recevoir son traitement. 

Au même moment, se présente un garçon de six ans, Assaf,  en vraie gêne respiratoire. Pour le coup, il est en réelle détresse respiratoire, c’est le genre d’enfant qui peut faire un arrêt respiratoire (puis un arrêt cardiaque…) en quelques secondes. Donc là, il faut agir très vite.  Je vais aussitôt chez Ahmed (l’infirmier) qui gère déjà l’enfant qui vomit. Je lui indique mes instructions de traitement pour le petit garçon dont l’état s’avère bien plus instable. Ahmed s’exécute directement et met en place le traitement dans la minute. Je lui demande aussi  de commander une ambulance pour le faire hospitaliser au plus vite et qu’il soit près d’une antenne de réanimation au cas où… 

Ambulance commandée .

Vomisseuse perfusée.

Rien à dire. 

Voilà le vrai Israël

Au bout de quinze minutes, on note une réelle amélioration de l’état respiratoire du petit Assaf. Et au bout d’une heure, ma vomisseuse a retrouvé le sourire et mange une banane.  Assaf nous quitte pour l’hôpital, son état est stabilisé. 

Je prépare la sortie de la jeune fille, arabe israélienne ; à la sortie, les parents me disent « merci Docteur, tu as été formidable ». Je les remercie du compliment,  sans prêter plus attention à la situation qui venait de se dérouler, car c’est somme toute une situation banale ici. Je me dis : « C’est bon, les enfants rentrent en bonne santé mais il faut se le dire, c’est grâce à Ahmed qui a été remarquable à gérer en même temps deux patients nécessitant des soins urgents, dans le calme et avec grand professionnalisme. » Je vais le voir et lui dis : « Merci Ahmed, tu as été formidable ! Tu as très bien géré la situation, c’est un vrai plaisir de travailler avec toi »

Lui : « Merci Lior, merci beaucoup. »

Une heure et demi à travailler main dans la main avec Ahmed, à savoir une médecin juive israélienne et  un infirmier arabe israélien, à nous occuper d’une enfant arabe israélienne et d’un enfant juif israélien. C’est la banalité en Israël… sachez-le.

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Et pour clôturer l’histoire, des parents arabes israéliens qui remercient la médecin juive et la médecin juive qui remercie son infirmier arabe. La boucle est bouclée. CQFD, voilà Israël n’en déplaise à ceux qui nous condamnent à longueur de journée. 

En quittant ma France pour Israël, je n’ai rien perdu de mon humanité. Tout au contraire, j’y ai découvert la tolérance, l’entraide, la solidarité ; surtout j’y apprends le courage de se battre pour ses valeurs. L’humble médecin que je suis pense précisément que ceux qui ont perdu leur humanité sont ceux qui n’arrivent plus à réagir et à hurler de colère et de douleur face à la barbarie qui frappe les Israéliens depuis le 7-Octobre, ceux qui n’arrivent pas à sortir du silence pour nous soutenir face à tant d’IN-humanité et d’actes barbares.

Être humain c’est savoir réagir et continuer le combat contre ceux qui pourrissent notre monde à coups d’attentats, de décapitations et de viols, ceux qui éventrent des femmes enceintes, nous prennent en otages – dont noss enfants qu’ils assassinent cruellement…  

Être humain, pour la pédiatre que je suis, c’est lorsqu’on apprend ce qu’ont vécu  Ariel, Kfir et Shiri Bibas, et que ne pouvant plus se taire,  on hurle de douleur et on laisse enfin exploser ses larmes. Être humain, c’est ne pas avoir peur d’être aux côtés de ceux qui combattent la barbarie, précisément comme nous autres Israéliens. 

Je suis le Dr Lior B, je suis pédiatre franco-israélienne et je suis fière des valeurs humanistes et du courage que m’inspirent les Israéliens dans mon quotidien.  Comme la majorité de mes compatriotes, je sais faire la part des choses, reconnaître qui sont les barbares, ceux avec qui jamais il ne faudra faire la paix car ils sont élevés dans la haine du Juif et resteront à jamais avides de notre sang, tout comme je sais m’occuper de TOUS les enfants, sans distinction ethnique, avec le même professionnalisme et la même empathie, et travailler main dans la main, avec reconnaissance envers ceux qui nous respectent, quelle que soit leur origine, et respectent notre droit à exister. Je suis pédiatre, franco-israélienne et je n’aspire qu’à la paix, mais pas à n’importe quel prix…



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Sophie Lior B., pédiatre franco-israélien

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