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La famille Bibas et le quatrième cercueil

La chronique de Richard Prasquier


La famille Bibas et le quatrième cercueil
Tel Aviv, Israël © Philippe Magoni/SIPA

Le souvenir de la famille Bibas hantera longtemps Israël.


Dernière minute. Le Hamas a restitué dans la nuit de mercredi à jeudi quatre nouveaux corps d’otages, en échange de plus de 600 prisonniers palestiniens, dont le Franco-Israélien Ohad Yahalomi (âgé de 49 ans lors de son rapt le 7-Octobre). Le président Macron a dit partager « la douleur immense » de la famille •

L’enterrement de la famille Bibas a uni un pays dans l’émotion. Des milliers d’Israéliens s’alignaient  sur la route du cortège entre Tel-Aviv et le cimetière de Nir Oz où Shiri, Ariel et Kfir furent enterrés dans le même cercueil. Ils seront physiquement unis et pour  tous ceux qui gardent  l’image de Shiri enserrant ses deux enfants dans ses bras au moment de son enlèvement, il ne saurait en être autrement. Le terroriste du Hamas qui a filmé la scène, comme le soldat nazi qui a photographié le petit garçon du ghetto de Varsovie, ont signé  eux-mêmes la condamnation la plus explicite de leur idéologie barbare.

Dans un discours d’une déchirante simplicité, Yarden Bibas s’est accusé de n’avoir pas su les sauver et a supplié son épouse de le protéger de lui-même:  תשמרי עליי מפני עצמי (tichmeri al mipnei atzmi) Il a imaginé que ses deux fils «gingy», les deux rouquins, que l’on voit  toujours rieurs sur les vidéos familiales, s’amusaient avec les anges, là-haut au-dessus des nuages…

Il ne fait pas de doute que le souvenir de la famille Bibas va hanter la mémoire d’Israël.

Le monde a oublié l’assassinat de sang-froid, à Itamar, de la famille Fogel, le père, la mère et leurs trois enfants, en 2011. Il s’agissait d’une implantation, cela a favorisé l’oubli. Les auteurs de ce crime horrible, les frères Awad, n’ont pas encore été libérés. Qu’en sera-t-il plus tard? Je pense qu’Israël est suffisamment fort pour libérer même des criminels pareils, si cela peut sauver des otages. Mais  malheureusement, je pense  aussi que, eux ou d’autres, les candidats ne manquent pas, attirés par le martyre et les récompenses qui vont avec. Nous les avons vus, enthousiastes et souvent très jeunes, lors des exhibitions d’otages par le Hamas.

C’est le résultat du martèlement idéologique exercé  sur des enfants depuis plusieurs générations par les organisations terroristes sous le regard complaisant de l’UNWRA. Tant que les effets de ce martèlement n’auront pas été éradiqués, Israël ne pourra laisser aux Palestiniens une  capacité de nuisance.

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Il y a eu en Israël des personnalités admirables qui ont œuvré à l’entente israélo-palestinienne. L’un d’entre eux s’appelait Oded Lifshitz, du même kibboutz Nir Oz que la famille Bibas.

C’est le quatrième cercueil du 20 février 2025.

Il avait 83 ans. Vétéran des guerres d’Israël il était de ceux qui faisaient le plus pour les Gazaouis. Cette proximité, le kibboutz l’a peut-être payée  cher, car les terroristes en connaissaient  les recoins. A l’enterrement de son mari, Yocheved Lifshitz a déclaré: « Nous avons combattu toute notre vie pour la justice et pour la paix. A ma grande tristesse, nous avons été frappés par ceux que nous avions aidés ». 

S’il y avait des Juifs israéliens qui soutenaient la Palestine, c’étaient les habitants de Nir Oz.

Les quatre cercueils nous le confirment: pour les Frères Musulmans – et le Hamas, ce sont les Frères Musulmans -, il n’y a pas de place pour des Juifs sur cette terre et pour certains d’entre eux, il  n’y a pas de place pour les Juifs sur la terre tout entière, article 7 de la charte. Les Juifs en diaspora  se demandent  qui dans leurs relations va lutter contre cette conception du monde et qui va s’en accommoder sous prétexte «qu’il faut comprendre le contexte».

Je me rappelle ce mot de «contexte» auquel se référait Charles Enderlin quand, poussé dans ses retranchements par les contradictions factuelles, il accusait Tsahal d’avoir assassiné l’enfant Mohamed al-Dura, une affaire dramatique par ses conséquences datant d’il y a plus de vingt ans. Toutes les expertises indépendantes ont montré que c’était un mensonge mais Enderlin fut exonéré de sa diffamation pour de simples questions de procédure. Ce montage a malheureusement forgé une image du soldat israélien tueur d’enfants qui s’est élargie au-delà des seuls faussaires du Hamas et dont, une génération plus tard, on perçoit les relents sous forme de crime rituel contemporain.

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C’est cette diffamation que réalimente le petit Palestinien au keffieh dans la crèche. Il faut le dire et le redire, les enfants palestiniens morts sous les bombes israéliennes sont les victimes d’une guerre que le Hamas a voulue, dont il est fier et dans laquelle il a utilisé sa population comme un instrument de propagande. Les enfants Bibas, eux, ont été tués par préméditation et à mains nues, l’enquête médico-légale, dont les résultats détaillés ont certainement été adressés dans les services correspondants étrangers est formelle. Il est techniquement élémentaire de distinguer les effets d’un bombardement et ceux d’un étranglement, et finalement l’absence de controverse sur les conclusions de l’autopsie, en dehors de l’inénarrable Rima Hassan et de ses misérables complotistes associés, en dit long sur la réalité de ce crime impardonnable, même s’il ne faut pas croire que l’hypothèse mensongère d’un bombardement israélien ne sera pas reprise un jour ou l’autre.

Seuls les nazis ont justifié leurs crimes comme les tueurs et les imams du Hamas ont osé le faire, et encore ne s’en sont-ils pas vanté à l’extérieur. 

Quiconque ne voit pas la différence entre le comportement des Israéliens, même si celui-ci ne relève pas tout le temps, malheureusement, d’un humanisme sans faille, et celui des organisations terroristes palestiniennes, est gangrené par la confusion morale.

Il ne faut pas rêver: les effets de l’endoctrinement religieux puissant et continu du Hamas dès l’enfance, dont Michael Prazan[1] montre dans son livre d’accablants exemples, ne disparaitront pas d’un revers de main ou d’une signature sur un morceau de papier : on devrait savoir aujourd’hui comme la déradicalisation est un processus incertain. Elle mettrait au mieux de longues années et personne n’en connait la formule magique. Au surplus, il ne s’agit pas uniquement de fanatisme religieux mais d’un terreau culturel de valorisation de la violence. Je me souviens de Oum Khalsoum chantant au Caire en mai 1967 «Egorge» à une population extatique…

En revanche, je n’ai entendu aucune déclaration de haine à l’enterrement de la famille Bibas. Bibas, dans l’espagnol qui confond le b et le v, c’est «vivas», la vie. 

Lehaim[2]


Elisabeth Lévy : « Le Hamas, ce sont des gens qui font danser des enfants devant les dépouilles d’enfants »


[1] Retrouvez un grand entretien avec Michael Prazan dans le prochain numéro de notre magazine, mercredi prochain NDLR

[2] « à la vie », en hébreu



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est président d'honneur du CRIF.

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