Malgré le scandale de l’affaire Bétharram, qui éclabousse jusqu’au Premier ministre, les parents continuent de plébisciter l’enseignement catholique, tandis que l’école publique décline. Pourtant, les établissements hors contrat catholiques ne peuvent toujours pas vérifier si leurs futurs employés figurent aux fichiers FIJAIS et FJTAS, recensant les auteurs d’infractions sexuelles, violentes ou terroristes.
D’après le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église (Ciase), cette dernière est, « hormis les cercles familiaux et amicaux, le milieu où la prévalence des violences sexuelles est la plus élevée ». Qu’en est-il des établissements scolaires qui dépendent du diocèse ? Et les autres, qui n’en dépendent pas mais n’en restent pas moins (ou plus) catholiques ? À en croire une partie de la gauche française, ces écoles seraient le lieu de prédilection des criminels sexuels. Qu’à cela ne tienne : l’affaire Bétharram et ses répercussions politiques ont le mérite de soulever bruyamment la question. Y a-t-il des spécificités inhérentes à l’enseignement catholique, qui permettent de faire un tel raccourci ? Et, si oui, que fait l’Etat pour (mieux) protéger les enfants ?
L’enseignement privé plébiscité par les Français
À l’heure où l’Education nationale exige d’être profondément réformée, l’école privée constitue une alternative crédible pour une majorité de Français. Tous n’y ont pas accès ; mais ces établissements – en majorité catholiques sous contrat – sont plébiscités. 75 % des Français les jugent meilleurs pour leurs enfants que l’école publique ! Et pourtant. L’école catholique est assimilée ces jours-ci au scandale particulièrement révoltant de Notre-Dame de Bétharram, couvert semble-t-il par des familles, des enseignants, des surveillants, voire des hommes politiques. Alors, qu’est-ce-qui cloche ?
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D’abord, la loi du silence. Les victimes craignent de dénoncer les abus parce qu’elles sont persuadées de porter ainsi atteinte à l’image de l’Eglise, d’ores et déjà malmenée dans un monde hyper-sécularisé. Cette intime conviction d’une grande majorité de victimes est l’héritage d’une longue sédimentation historique de luttes entre l’Eglise et ses détracteurs. La Ciase précise d’ailleurs dans son rapport que l’institution a « a manifesté une indifférence complète et même cruelle à l’égard des personnes ayant subi des agressions ». Le temps est venu de rompre avec cette omerta et de nettoyer les écuries d’Augias, pour que les enfants n’aient plus peur de verbaliser les crimes subis. C’est en ce sens qu’il faut entendre l’appel de Pierre-Vincent Guéret (président de la Fédération nationale des organismes de gestion de l’Enseignement catholique) à un sursaut de vigilance dans un communiqué du 22 février.
Ensuite, il faut assumer toutes les conséquences de la séparation de l’Eglise et de l’Etat sur le plan séculier, à l’intérieur des établissements. Non, la loi canonique n’est pas revêtue d’une autorité supérieure à celle de la République. Faire croire, ou laisser entendre aux enfants qu’une telle supériorité existe revient de factoà les entretenir dans l’idée que les hommes et (rares) femmes d’église bénéficient d’une immunité totale dans l’exercice de leur mission. Autrement dit, à instaurer un climat psychologique et moral susceptible d’encourager les pires exactions qui soient, puisque commises à l’encontre des plus vulnérables. Alors, qu’est-ce-qu’on fait ?
Signaux faibles
Les efforts à fournir incombent en premier lieu à l’Enseignement catholique, qui a d’ores et déjà fait des annonces fortes. Mais il n’est pas seul en cause. Sans doute faudrait-il inspecter non pas plus, mais mieux les écoles catholiques sous contrat. Sont-elles suffisamment armées pour que les victimes potentielles osent prendre la parole ? Sans doute faudrait-il mieux former les inspecteurs de l’Education nationale à la détection (si difficile) de signaux faibles, tout comme les familles et l’ensemble du personnel éducatif. Mais… l’obsession première des parlementaires, qui réclament toujours plus de contrôle, est-elle bien la protection des enfants ? Et l’Etat ? A-t-il véritablement le souci des plus vulnérables ? Il est permis d’en douter quand, non seulement le Premier Ministre est accusé d’avoir menti sur l’affaire Bétharram, mais quand en plus, les services de l’Etat laissent perdurer une situation hautement problématique pour les près de 130 000 élèves de l’enseignement indépendant ?
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Tous les établissements scolaires de France – sauf les écoles hors contrat, dont le hors-contrat catholique – bénéficient en effet d’un mécanisme permettant aux directeurs et directrices d’école de faire vérifier que les personnels qu’il envisage d’embaucher ne figurent pas aux fichiers FIJAIS et FJTAS. Autrement dit, aucune directrice, aucun directeur d’établissement indépendant ne s’est encore vu reconnaître le droit de vérifier que les enseignants, intervenants scolaires, éducateurs ou animateurs qu’ils souhaitent engager ne figurent au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ou au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infraction terroriste.
130 000 enfants… moins égaux que les autres ?
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