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Affaire Bayou: quand Metoo permet d’écarter un rival politique

La calomnie était devenue une stratégie politique chez les Verts : mais pas de mea culpa, une auto-complainte !


Affaire Bayou: quand Metoo permet d’écarter un rival politique
L'ancien député d'extrème gauche Julien Bayou, Paris, 18 décembre 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

L’affaire, c’est qu’il n’y avait pas d’affaire ! Julien Bayou blanchi par la justice, les écolos semblent ne regretter que le chaos causé au sein de leur mouvement politique… Les délatrices Sandrine Rousseau et Marine Tondelier s’en sortent bien trop facilement, estime notre chroniqueuse.


Lorsqu’on lance une chasse à l’homme pour éliminer un concurrent, mieux vaut que le moyen utilisé pour l’abattre soit bien choisi et règle définitivement la question, sinon gare au retour de bâton. C’est ce qui est en train d’arriver à EELV : pour avoir transformé un mouvement, MeToo, visant à l’origine à ce que les violences faites aux femmes soient mieux prises en compte par la société, en un prétexte à instruire des procès de Moscou pour faire tomber des rivaux gênant, la firme écologiste est dans la tourmente.

Affaire classée pour « absence d’infraction » 

Julien Bayou, qui fut secrétaire général du parti écologiste de 2019 à 2022, a été ainsi la victime d’une campagne de dénigrement aussi violente qu’infondée menée par Sandrine Rousseau et soutenue par Marine Tondelier. Accusée de violences sur son ex-compagne, il y a tout perdu : réputation, honneur, mandat, travail. Or il n’y avait rien dans le dossier d’accusation et la justice vient de classer l’affaire pour « absence d’infraction ». Le jeune et brillant dirigeant d’EELV aura appris à ses dépens que la radicalité fait souvent fi de la quête de justice et de vérité, et qu’une position de pouvoir même acquise au prix d’une forfaiture est une position plus enviable que l’honnêteté bafouée. Il aura appris également que si la gauche aime exhiber sa vertu, elle pratique assez peu l’exercice et se dédouane facilement de ses raccourcis moraux et de ses moyens douteux au nom des fins sublimes qu’elle affiche mais n’atteindra jamais. Ainsi si l’institution justice a reconnu l’innocence de Julien Bayou, le fait de l’avoir trainé dans la boue dans la sphère politique a donné du pouvoir à des femmes fort peu respectables, qui elles ont gagné plus d’avantages et de privilèges en se comportant mal, que lui en subissant leurs attaques injustes.

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L’affaire Bayou a commencé en septembre 2022. Invitée dans l’émission C à vous de France 5, Sandrine Rousseau accuse Julien Bayou de comportements « propres à briser la santé des femmes ». Sur quoi la grande féministe auto-proclamée se fonde-t-elle ? Sur un échange avec l’ancienne compagne de Julien Bayou. Sandrine Rousseau va alors lancer une campagne de dénigrement et d’accusations publiques qui vont conduire l’ancien secrétaire général des verts à quitter son parti et à subir l’opprobre des militants. Pour l’éliminer, Sandrine Rousseau n’a pas hésité une seule seconde à utiliser l’arme de la calomnie et l’a fait avec un acharnement qui n’aura échappé à personne.

Cuisine interne

Elle a été bien secondée en cela par Marine Tondelier. Celle qui fut faite reine grâce au retrait de Julien Bayou. Ainsi pour crédibiliser les accusations de Sandrine Rousseau, ce n’est pas une mais deux enquêtes internes qui ont été mises en œuvre, l’une par des militants du parti, l’autre par un cabinet externe. Ces enquêtes, bien que menées sans grand respect des droits de la défense ni du droit à une vie privée n’établissent aucun élément probant. Le dossier est même tellement vide et devient tellement gênant, qu’une ultime tentative est faite pour lui donner un peu de poids : le recours à la délation. Un questionnaire sera envoyé à plus de 12 000 personnes pour encourager les militants à témoigner contre leur ancien dirigeant. Mais là encore, la tentative de manipulation fera pschitt.

Eric Piolle, Marine Tondelier, Marie Toussaint, Sandrine Rousseau et Yannick Jadot. Meeting de lancement de la campagne Europe Ecologie les Verts EELV pour les elections europeennes nomme Pulsations par Marie Toussaint, tete de liste des Ecologistes pour 2024, Paris, 2 décembre 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Devant ceux qui s’étonnent face à un tel acharnement, Sandrine Rousseau ne se laisse pas décourager. Loin de nuancer son propos, elle en appelle à la Justice en tant qu’institution. Or celle-ci a désormais tranché et lui a donné tort. Julien Bayou est innocent, mais de réparation il n’y aura point : Sandrine Rousseau loin de se remettre en cause face à un tel désaveu, s’acharne. Elle ne présente aucune excuse et se retranche derrière son soutien à la parole des femmes. Ses intentions sont pures, donc elle n’est en rien responsable des dommages irréparables que ses calomnies entrainent. Elle en arrive même à se victimiser, écrivant sur le réseau BlueSky: « il est des moments plus durs que d’autres en politique, celui-ci en est un ».

Une affaire honteuse pour les Verts

Si Marine Tondelier a été plus prudente dans cette affaire, c’est sous sa responsabilité que le choix de la campagne visant à susciter des témoignages internes de femmes contre Julien Bayou a été fait. Or ces 12 000 questionnaires pèsent lourd dans la balance des violences psychologiques qui ont été infligées gratuitement à l’ancien secrétaire général des verts. D’ailleurs, loin de prendre conscience de la gravité pour un parti de lancer des accusations lourdes sans preuves ni débats contradictoires, les Verts face à la crise se livrent à des exercices de contorsions stylistiques pour donner l’impression du repentir tout en ne finissant par ne verser de larmes que sur leur propre sort. Refusant de s’excuser pour ne pas avoir à reconnaitre s’être trompé, le parti a encore le toupet de se victimiser : « nous regrettons l’impact que cette affaire a eu sur notre mouvement, autant critiqué d’en faire trop que pas assez ».

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Il faut dire que l’histoire tombe mal pour Marine Tondelier, celle-ci est accusé d’aspirer à un pouvoir autocratique : des militants lui reprochent d’avoir conçu les nouveaux statuts du parti à son profit, pour assurer sa domination. Or l’affaire Bayou montre que les femmes n’ont rien à envier aux hommes quand il s’agit de monopoliser les pires armes, dont celles de la calomnie, pour venir à bout d’un adversaire politique. Que celui-ci finisse brisé par des accusations injustes est le cadet de leur soucis car ces deux femmes ont un grand destin à servir : pas celui de la France, juste le leur et cela vaut bien de fermer les yeux sur la morale et la décence commune.



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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