Intégrés ou non, les Algériens de France sont tiraillés entre leur pays d’accueil et leur pays d’origine. Cette schizophrénie identitaire est amplifiée par les discours indigénistes ou les diverses pressions exercées par le « groupe » pour contrôler la vie sociale des individus
Ce texte est issu de mes conversations sur la diaspora algérienne en France avec des amis ou élèves dont le regard est subjectif, mais éclairé par l’expérience vécue et le savoir universitaire. La dispute virulente actuelle entre Alger et Paris ravive des blessures anciennes, nourrit des préjugés et influence profondément la perception qu’ont les membres de la diaspora algérienne en France de leur avenir dans ce pays, ainsi que de leur lien avec la terre de leurs ancêtres. Cette situation complexe découle d’une histoire douloureuse, marquée par la colonisation, les luttes pour l’indépendance, des relations bilatérales souvent conflictuelles, mais aussi – voire surtout – de presque soixante ans de « vivre ensemble » en France.
Les parents d’Amina, cadre supérieure dans la fonction publique, ont quitté la cité où ils vivaient pour offrir à leurs enfants de meilleures chances scolaires et professionnelles. Elle-même a traversé des épreuves personnelles, notamment une première union marquée par la violence d’un conjoint issu de son milieu d’origine. Aujourd’hui, son combat, dit-elle, est celui de l’émancipation des femmes. Pour elle, la France est trop complaisante avec le gouvernement algérien : « La France devrait se montrer plus ferme : restreindre les visas, cesser de plier face aux injonctions et affirmer clairement sa position. » C’est qu’Amina s’inquiète des répercussions en France de la politique d’Alger : montée du racisme, tensions communautaires accrues et durcissement des relations sociales. Attachée à ses racines, Amina reste pessimiste sur l’avenir de l’Algérie. « Là-bas, ils sont embourbés », dit-elle, évoquant la corruption et l’absence de perspectives. Elle revendique toutefois une identité multiple : « Je suis musulmane de naissance, ou plutôt orientale, fière de mes origines. Algérienne de naissance, mais française. Ma mère m’a appris que c’était un privilège pour moi d’être née en France. »
Cependant, certains de ses positionnements, notamment sur la religion ou la Palestine, sont difficiles à exprimer, même au sein de sa famille : « On te regarde comme une paria, une Arabe en chocolat. » La cause palestinienne est un pilier identitaire. Dévier de la doxa sur cette question est rarement toléré, y compris au sein des familles.
Le regard d’Amina : entre émancipation et inquiétudes
On touche ici au ciment
