Accueil Médias Le « free speech » est devenu une arme des conservateurs, selon « Le Monde »

Le « free speech » est devenu une arme des conservateurs, selon « Le Monde »

Le regard libre d’Elisabeth Lévy


Le « free speech » est devenu une arme des conservateurs, selon « Le Monde »
Le PDG de Tesla et propriétaire de X, Elon Musk, entre en scène à l'intérieur du Capital One Arena pour prendre la parole, après l'investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis à Washington, le lundi 20 janvier 2025 © Ken Cedeno/UPI/Shutterstock/SIPA

Depuis le rachat de X par Elon Musk, le réseau social serait devenu un espace plus propice aux discours haineux, ce qui pousse certains utilisateurs progressistes à envisager de s’en éloigner. Les procédures de modération, conçues pour limiter la circulation de fausses informations par le passé, ont été démantelées. Et beaucoup d’utilisateurs affirment que la violence des échanges a augmenté. La liberté d’expression illimitée est parfois dangereuse, mais moins que la censure, rappelle Elisabeth Lévy.


Toute la Silicon Valley fait donc allégeance à Trump. Faut-il s’inquiéter ? Le grand exode d’X en protestation contre cette alliance n’a pas eu lieu. On a assisté à beaucoup de roulage de mécaniques, et à peu de départs. Marine Tondelier s’est ridiculisée: après de grands moulinets, elle a finalement produit un long texte pour nous expliquer pourquoi elle reste.

La libération de la parole, oui, mais pas comme ça…

Ce tollé des bons esprits contre la liberté d’expression est paradoxal et rigolo. Je croyais pourtant qu’ils aimaient la parole libérée. Eh bien non : selon eux, Trump et les broligarques (Musk, Zuckerberg et Bezos), tous réunis hier au Capitole, menaceraient la démocratie parce qu’ils défendent une liberté d’expression presque illimitée. Selon le quotidien Le Monde, le « free speech » est devenu l’arme des conservateurs. Faut-il en conclure que la censure est celle des progressistes ?
Avant son rachat par Musk, Twitter suspendait les comptes de Trump, et le réseau supprimait fréquemment les messages dénonçant l’immigration, l’islam radical ou la transmania – cela m’est arrivé. De son côté, Facebook censurait les messages des antivax. Zuckerberg dit avoir subi des pressions massives de l’administration Biden.
Aujourd’hui, je ne sais pas si on peut montrer un sein sur Facebook ou sur X, des réseaux bien pudibonds, mais on peut en tout cas y défendre toutes les opinions. Au grand dam de la gauche. Aucune preuve ne nous a été donnée que les algorithmes favoriseraient certaines idées au détriment d’autres (ce qui pour le coup serait illégal, et entrainerait des sanctions). L’arbitre, c’est donc la vox populi. On peut le déplorer, mais les contenus qui ont le plus de succès sont mis en avant.

Cette liberté illimitée n’est-elle pas dangereuse ?

Si, mais moins que la censure.
Quels sont les dangers ? Les fake news, d’abord. On peut dire n’importe quoi sur les réseaux sociaux et, sur fond de baisse du niveau général, des millions de gogos sont prêts à croire n’importe quoi. Hier encore, un post dégoutant sur Jean-Michel Trogneux faisait des milliers de vues. En l’espèce, une poursuite judiciaire serait possible. Mais, faut-il poursuivre un platiste ? Et pourquoi ne pas poursuivre un antispéciste qui nous raconterait qu’il n’y a pas de différence entre les hommes et les animaux tant qu’on y est ? En réalité, interdire nourrit souvent le complotisme.
Il y a ensuite la zone grise des opinions. Comment établir une régulation idéologiquement neutre ? La définition et la détection informatique des opinions problématiques selon la loi est un casse-tête insoluble.

Mensonges avérés, manipulations et « sachants »

En dehors des vérités établies et des mensonges avérés, il y a enfin une immense zone grise d’affirmations contestables, discutables. Qu’on ait dit des sottises sur les vaccins pendant la crise sanitaire du Covid ne signifie pas que toutes les critiques étaient sottes. Pareil sur le climat: on prétend soustraire un phénomène scientifique au débat, et réserver ce débat aux gens qui savent. On voit bien que cela n’est pas possible. Le choc des arguments à la loyale est la moins pire des solutions.
Pour autant, toutes les paroles ne se valent pas : sur les vaccins, un scientifique est plus pertinent que Madame Michu, par exemple. Mais concernant la conquête spatiale, Elon Musk l’est peut-être plus que les éditorialistes du Monde
Mais tout le monde a le droit de s’exprimer. C’est parfois dangereux, souvent franchement déprimant: cela s’appelle la démocratie.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Du djihad aux commissaires politiques
Article suivant Jean-Marie Le Pen et ses anciens lieutenants: scissions en fanfare, réconciliations en sourdine
Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération