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12 milliardaires en colère

L'élite financière au service de la révolution conservatrice de Donald Trump


12 milliardaires en colère
Le président de la Chambre des représentants Mike Johnson, R-La., de gauche à droite, marche avec Vivek Ramaswamy et Elon Musk pour une table ronde à propos projet d'efficacité du département du gouvernement du président élu Donald Trump, sur Capitol Hill à Washington, le jeudi 5 décembre 2024 © AP Photo/Jose Luis Magana /DCJL113/24340695028166//2412052102

Pour exercer son deuxième mandat, le président élu Donald Trump va s’entourer d’une équipe d’hommes et de femmes fortunés. Si ses détracteurs dénoncent dans ce casting une oligarchie, on ne peut pas s’empêcher de penser que l’indépendance financière de ces nouveaux responsables politiques est, peut-être, la dernière chance des États-Unis de résister au rouleau compresseur du wokisme tout-puissant.


Les États-Unis n’ont jamais porté Karl Marx dans leur cœur. Alors que les écrits du philosophe allemand ont révolutionné la pensée politique sur le continent européen et bien au-delà, l’Amérique a tout fait pour barrer les idées de la lutte des classes et de l’égalité sociale. Pendant de longues années le « Manifeste du parti communiste » a été censuré sur le territoire américain et quasiment interdit durant la période du maccarthysme. Cependant, un siècle et demi après la naissance du marxisme, pendant que la gauche progressiste européenne est devenue, à l’image de LFI de Jean-Luc Mélenchon, un grand corps malade, la droite américaine fait sa révolution. Cette fois-ci, ce sont les forces conservatrices incarnées par des personnalités très riches qui portent, aux yeux de la majorité écrasante des citoyens américains, le message de liberté politique, de bon sens social et de prospérité économique.1

L’image de Donald Trump sur la tribune d’un meeting électoral, poing levé, visage en sang après une tentative échouée de son assassinat restera un symbole puissant de cette révolte : transcrite par le résultat des urnes lors des dernières élections présidentielles avec le vote de 312 grands électeurs (contre 226 pour sa rivale du parti démocrate, Kamala Harris). C’est d’ailleurs, après cette soirée bouleversante du 13 juillet 2024 en Pennsylvanie, qu’Elon Musk, l’homme le plus riche de la planète, a apporté publiquement son soutien au candidat républicain.

Musk, un milliardaire parmi les autres

Le ralliement de l’entrepreneur, lui-même objet des attaques du pouvoir californien, qui l’ont obligé de quitter la Silicon Valley pour le Texas, ne s’est pas seulement résumé pas la somme record de 277 millions de dollars2 pour financer la campagne de Trump. Le réseau social X dont il est propriétaire est devenu la tribune principale pour toutes les personnalités connues et inconnues du grand public, qui n’étaient pas d’accord avec la politique actuelle du gouvernement démocrate. Celle qui, selon eux, a amené leur pays à une crise migratoire sans précèdent, aux fractures sociales et culturelles provoquées par le wokisme inquisitorial et le monde entier quasiment au bord de la Troisième Guerre mondiale. Des évolutions dont les médias mainstream du pays tels le New York Times ou CNN auraient soigneusement ignoré la gravité, à les entendre. Ces derniers préférant porter toute leur attention sur les affaires judiciaires du candidat républicain…

Mais Elon Musk n’est pas l’unique milliardaire à se mettre au service du Donald Trump. Ils sont 12 à qui le 47ᵉ président des États-Unis a proposé un rôle important dans son administration, en signe de reconnaissance de leur précieux support durant sa campagne, mais sans doute également parce qu’il partage avec ces gens la même inquiétude pour le pays.  

Fin stratège, le nouveau locataire de la Maison Blanche a placé ses 12 acolytes pour couvrir pratiquement tous les domaines de la politique américaine. Pour Musk, le président élu a créé un nouveau département de l’efficacité gouvernementale, que le patron de Space X et de Tesla Motors va gérer avec un autre jeune magnat, l’étoile montante du paysage politique du pays Vivek Ramaswamy.  À 39 ans ce dernier a décidé d’abandonner son empire pharmaceutique pour d’abord se présenter aux primaires du Parti républicain en été 2023, avant de devenir l’allié inconditionnel de Trump, en mettant en avant sa formidable éloquence et la vision ‘anti-woke’ de l’Amérique.3

Deux hommes et une femme d’affaires devraient gérer les questions économiques : Scott Bessent comme secrétaire au Trésor, Howard Lutnick en tant que secrétaire au Commerce et Kelly Loeffler – chargée des petites et moyennes entreprises (Small business administration). Linda MacMahon qui, avec son mari a bâti la fortune de 3 milliards de dollars dans le divertissement, serait en tête de l’Éducation nationale et Frank Bisignano, le patron de la plus grande entreprise du FinTech américain Fiserv, prendrait la fonction de commissaire à l’administration de la Sécurité sociale. Pour le domaine régalien de la Défense, Jacob Isaacman, le magnat de l’industrie du paiement, s’apprête à piloter la NASA et Stephan Feinberg (Fonds d’Investissement) s’est vu proposer le poste de secrétaire-adjoint à la Défense. Enfin, le banquier Warren Stephens et le promoteur immobilier Charles Kushner ont été nommés les ambassadeurs des États-Unis respectivement en Grande-Bretagne et en France, pour donner un nouveau souffle à la politique américaine sur la scène internationale.4

La quête de liberté a changé de camp

La richesse cumulée de ces 12 personnalités s’élève à 360 milliards euros, ce qui est plus important que le budget de la France en 2024 (305,1M€). 240 ans après leur création, pour sortir d’une impasse existentielle, les États-Unis font appel aux forces qui incarnent le mieux le rêve américain depuis toujours : la réussite professionnelle accompagnée de la richesse matérielle. Les milliardaires américains sont, en effet, la dernière catégorie des citoyens qui, grâce à leur indépendance financière, peut encore résister à l’étrange agenda politique du parti démocrate. Qui, ivre de la victoire de l’Amérique dans la Guerre Froide s’est senti légitime à déconstruire les fondements millénaires de la civilisation occidentale s’appuyant sur les interdits moraux de la religion chrétienne et la puissance de la pensée libre, que cet ordre spirituel a créé en Europe.

Reste à voir comment la révolution des milliardaires américains va embarquer dans son élan les vieilles démocraties européennes. Quelques tweets de Musk en faveur du parti allemand l’AfD ont déjà bouleversé la dynamique des sondages sur l’intention des votes des électeurs allemands. Le parti classé à l’extrême droite a grimpé à la 2ᵉ place, avec le chiffre record de 22% des suffrages, talonnant ainsi les démocrates-chrétiens de CDU/CSU (30%) et dépassant déjà les sociaux-démocrates du chancelier actuel Olaf Scholz (16%).5 Le programme de l’AfD prévoit, entre autres, de faire sortir l’Allemagne de l’Union européenne, de lancer les déportations massives d’immigrés, de démolir les éoliennes et de réduire au minimum le support militaire à l’Ukraine. Une vision qui tranche radicalement avec les aspirations humanistes de la gauche historique, qu’ont façonné les modèles sociaux de pratiquement tous les pays du Vieux Contient. Oui, le temps de Karl Marx semble être définitivement révolu, même dans son propre pays…


  1. Marx censuré aux États-Unis, Wikipédia ↩︎
  2. Elon Musk investit 277 millions de dollars pour soutenir Trump et les candidats républicains, CBS News ↩︎
  3. 12 milliardaires, Bloomberg ↩︎
  4. Leurs rôles, The Hill  ↩︎
  5. « Remigration », sortie de l’UE… En Allemagne, l’extrême droite déroule son « plan d’avenir » avant les élections, BFM TV ↩︎




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Travaille dans l’industrie des hautes technologies. Il est l'auteur du livre « L'Homo Globalis Numericus » paru aux Editions du Panthéon.

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