Sonia Mabrouk n’a pas d’états d’âme quand il s’agit de lutter contre l’islam politique et ses méfaits. Mais la journaliste n’en demeure pas moins attachée à l’islam de son enfance, un islam de femmes nourri de contes plus que de Coran. La foi discrète et inspirée d’une « pratiquante de cœur ».
Causeur. Dans un dialogue avec Philippe de Villiers orchestré par Eugénie Bastié, vous avez fait en quelque sorte votre « outing musulman » en déclarant : « Il y a un islam vécu dans la sphère privée, générateur de sacré. Personnellement, c’est ce qui m’a permis de tenir dans les moments dramatiques. Plus qu’une certaine estime, j’ai pour cet islam-là une admiration totale. » Vous pensiez à votre mère dont la disparition vous a beaucoup éprouvée. Qu’est-ce qui vous fait tenir, la foi, le rite, le groupe ? Expliquez-nous…
Sonia Mabrouk. J’ai longtemps pensé que les « valeurs de la République », même si comme vous je n’aime pas trop ce mot galvaudé, le sacré laïque si vous préférez, étaient suffisantes pour nourrir mon amour de la France. Mais depuis un certain temps, cela ne me suffit plus. En réalité, il y a toujours eu comme une distorsion entre une injonction, que je partage, à faire siennes ces valeurs, et ma conviction personnelle. Derrière ma quête du « sacré[1] », j’ai une vraie croyance, une loyauté à la religion telle que je l’ai connue à travers ma mère et ma grand-mère. Ce n’est pas « l’islam des Lumières » de Malek Chebel, c’est un islam privé, dont j’ai hérité, que j’ai vu pratiqué au quotidien.
Dans quel bain culturel est né cet islam ? N’était-il pas déjà occidentalisé par l’histoire familiale – vous êtes allée à l’école catholique ?
Si, complètement. J’ai été éduquée en partie par des sœurs, des Pères blancs qui étaient des femmes. Ce sont elles, en Tunisie, qui nous apprenaient la prière. Quand je demandais pourquoi, on me répondait « la meilleure manière de bien connaître votre religion, c’est qu’elle soit expliquée par d’autres ». Mon islam n’est pas adossé au Coran, édicté par la main gantée des hommes. Dans ma famille et en partie en Tunisie, l’islam est aussi une histoire de femmes qui puise dans
