Le Ballet de l’Opéra de Lyon part en tournée à travers la France avec Mycelium, une composition hypnotique du chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Une troupe virtuose.
À l’issue des représentations de Mycelium, une chorégraphie de Christos Papadopoulos, les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon sont acclamés par le public. Et pour une fois, ce n’est là que justice. Ils sont vingt à servir cette pièce dont l’exécution apparaît vertigineusement complexe. Et leur prestation semble tenir du prodige. Elle démontre avec éloquence combien leur virtuosité semble illimitée, combien leur discipline, leur souplesse mentale leur permettent de s’adapter aux démarches artistiques et aux difficultés les plus diverses.
Il est vrai que le Ballet de Lyon, tel qu’il a été forgé par celui qui fut longtemps son directeur, Yorgos Loukos, s’était rangé, sous sa gouverne, parmi les meilleures compagnies européennes, doté de surcroît d’un répertoire contemporain éblouissant, unique au monde. Désormais sous la conduite d’un ancien danseur de Merce Cunningham, Cédric Andrieux, la troupe démontre n’avoir rien perdu de son excellence.
Côté oiseaux – côté poissons
C’est une tendance qui se manifeste depuis plusieurs années qu’exploite ici le chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Il dit avoir été fasciné, comme tout un chacun, par le vol de nuages d’oiseaux comme les étourneaux ou par les déplacements de bancs de poissons, tels qu’ils sont filmés dans des documentaires, et tels qu’il les découvrait durant sa jeunesse passée dans le Péloponnèse.
A lire aussi: Notre ami Pierrot
Déjà, dans Murmurations, le Français Rachid Ouramdane, avec les danseurs du Ballet de Lorraine, avait évoqué talentueusement le vol ensorcelant des compagnies d’étourneaux. Avec les danseurs du Ballet de Lyon, Papadopoulos, déployant une belle virtuosité, fait un peu la même chose, mais dans un genre tout différent, versant plutôt dans le banc de poissons. S’il évoque verbalement, pour éclairer sa démarche, les réseaux souterrains formant ce mycélium qui prête sa puissance formidable à l’épanouissement des forêts, sa chorégraphie mouvante évoque surtout à nos yeux ces formidables masses fluides de sardines qui glissent, s’étirent, tournoient, se disloquent, se reforment, se séparent à nouveau dans un incessant, un enivrant ballet sous-marin, alors qu’il s’agit le plus souvent pour elles d’échapper à de dangereux prédateurs.
Des ténèbres aux ténèbres
Mycelium débute avec un seul danseur qui surgit dans la pénombre et se déplace sur le plateau en paraissant y glisser, ses chevilles et ses pieds demeurant invisibles. Il assume à lui seul une bien longue introduction qui va perdurer à l’excès avec l’apparition d’une danseuse reprenant avec lui le même manège.
A lire aussi: Werner Herzog, cinéaste voyageur
Même si ce prologue semble interminable et se révèle un peu soporifique sous l’emprise d’une composition sonore qui ajoute à l’hypnose, peu à peu l’introduction d’autres interprètes se faufilant imperceptiblement sur le plateau change la donne du tout au tout. Un groupe se forme, se développe, enfle, grossit, se mouvant sans cesse, sous mille formes changeantes, comme une masse qu’on pourrait peut-être qualifier de liquide. C’est un organisme vivant, un corps unique où l’individu n’existe plus, qui se disloque à l’envi, s’enroule sur lui-même, s’éparpille en plusieurs groupes qui s’amalgament aussitôt, recomposent une masse sans cesse métamorphosée.
Cent fois, deux cents fois peut-être, les danseurs reprennent la même gestuelle, la même attitude, de face, de trois quarts, de profil, très simple en apparence, mais bien vite diaboliquement complexe dans son apparente sobriété. Et on ne sait quoi admirer davantage de la composition diabolique du chorégraphe ou de l’exécution miraculeuse qu’en donnent ces danseurs. Leur concentration se doit d’être extrême tant l’ingéniosité des déplacements en commun interdit toute approximation, toute erreur, toute discordance.
Né dans l’obscurité avec un solo, Mycelium y replonge bientôt quand les vingt danseurs enfin apaisés sont lentement absorbés dans les ténèbres.
Ballet de l’Opéra national de Lyon : Mycelium de Christos Papadopoulos, parfois accompagné de Biped de Merce Cunningham.
Comédie de Valence, les 14 et 15 janvier 2025
Espace Malraux, à Chambéry, le 17 janvier
Théâtre de Bonlieu, à Annecy, du 22 au 24 janvier
Théâtre du Volcan, au Havre, les 27 et 28 janvier
Concertgebouw de Bruges, le 1er février
Maison de la Danse, à Lyon, du 12 au 14 mars
Opéra de Lille, du 25 au 27 mars
Opéra de Rennes, du 20 au 22 mai
Théâtre de Mâcon, le 24 mai.