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Bernard Casoni, victime du Mur des cons?

L'entraineur de football condamné à une lourde amende pour propos raciste, il fera appel


Bernard Casoni, victime du Mur des cons?
Bernard Casoni © ADIL BENAYACHE/SIPA/2305281145

L’entraîneur de football vient d’être condamné par la justice à 10 000 euros d’amende, plus 15 000 euros avec sursis, pour des propos prétendument racistes tenus lors d’une conférence de presse d’avant-match. Bienvenue chez Orwell.


Qui a dit que la justice était laxiste en France ? Le « scandale » éclate fin septembre 2023 quand le coach d’Orléans, après un début de saison désastreux en National (5 défaites, 2 nuls, 1 victoire), est interrogé en conférence de presse sur la performance de ses joueurs. « Mon rôle, c’est de leur dire, de leur montrer et de les aider à résoudre les problèmes, voilà, c’est tout », répond platement Bernard Casoni, qui a entraîné plusieurs équipes au Maroc, en Algérie et en Tunisie précédemment. Et d’ajouter, du coup : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » Des propos tenus en direct devant deux ou trois plumitifs du coin (on est en 3e division nationale, pas en Ligue des champions), et donc pas vraiment pesés au trébuchet, par un homme qui fait alors allusion à sa longue expérience footballistique sur l’autre rive de la Méditerranée. Des propos que l’on pourrait qualifier tout au plus de maladroits, à l’époque qui est la nôtre. Des propos qui n’auraient pas cassé trois pattes à un canard ou même au moindre cramponné à la fin d’un siècle révolu, mais qui à l’entame du nouveau sont passibles d’excommunication. Des propos jugés « ignobles » par le quotidien 20 Minutes

Tandis que les inévitables associations antiracistes, attirées par l’odeur du gibier, fût-il boiteux, ne ratent pas une si belle occasion de sonner l’hallali en portant plainte, le tribunal numérique et médiatique s’emballe aussitôt. Sans surprise. Les jeunes chevaliers blancs – mais pas trop quand même – de la presse régionale, France Bleu Orléans en tête, se mettent à mater par le trou de la serrure du vestiaire de l’US Orléans. L’hérétique est accusé d’avoir demandé à sa cellule de recrutement « de blanchir l’effectif », ce que l’intéressé dément, tout comme son président. Au cours d’une séance d’entraînement, le coach relaps aurait osé ricaner : « Pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs. » Sommé de se justifier, le dissident en survêt bredouille quelques mots pour sa défense. « C’est du chambrage. Je suis un gars du sud, c’est du football, ce n’est que du chambrage. » Le rebut, en un mot, ose même se plaindre. « Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. »

Un jugement saugrenu

La bande à Baudot aura donc la main leste. Ce jeudi 9 janvier, le tribunal correctionnel d’Orléans condamne Bernard Casoni à 25 000 euros d’amende, dont 15 000 avec sursis, et au versement de 1 501 euros d’indemnités aux parties civiles (SOS Racisme, Sportitude et la Licra notamment) pour injures publiques à caractère raciste. Soit 11 501 euros nets d’impôt pour avoir déclaré : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » En sus d’une petite mort sociale pour le condamné, dans un métier aussi exposé que le sien. Le repris de justice s’est entre-temps exilé en Côte d’Ivoire, où il chapeaute un club de deuxième division. Une preuve supplémentaire de son racisme pathologique.

Ce jugement laisse sans voix, surtout si on le compare à d’autres récentes décisions de « justice », les guillemets étant de plus en plus de rigueur, hélas. La semaine dernière, un étranger en situation irrégulière portant un couteau ressort libre du tribunal de Saint-Nazaire après avoir menacé de mort des policiers. Libre et sans débourser le moindre sou. La nuit de Noël, deux Algériens sous OQTF cambriolent une pharmacie à Ivry-sur-Seine puis sont relâchés par un juge, faute de place en Centre de rétention administrative. Ils récidiveront une semaine plus tard à Thiais. Début décembre, une enseignante d’un lycée de Tourcoing est menacée de mort et agressée par une élève de 18 ans, qui refuse de retirer son voile. Verdict pour la jeune Warda H. : quatre mois de prison avec sursis, c’est-à-dire peanuts, l’obligation de se soumettre au redoutable stage de citoyenneté et le versement d’une indemnité de 1 000 euros à l’institutrice. Au même moment, un homme au casier judiciaire bien garni écope à Saint-Malo de six mois de prison avec sursis et d’une indemnité de 950 euros à verser aux parties civiles, pour menaces de mort et injures en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion. « Arrête-toi, espèce de sale blanc, sale français ! Je suis là pour prendre vos allocations et baiser vos femmes », s’était emporté le sanguin Malouin auprès d’un automobiliste qui l’empêchait d’avancer, avant de s’en prendre à deux employés d’un centre Leclerc local :  « Je vais vous tuer… par le Coran je t’égorgerai, je te défoncerai le crâne à coups de clé. » Sans avoir fait Maths Sup, et sur un plan strictement pécuniaire, on notera donc que le comportement et les propos du vindicatif et multirécidiviste Breton sont jugés 12,106 fois moins graves que ceux de l’entraîneur orléanais et néanmoins raciste.

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Début novembre, à Castres, Léo est poignardé à la sortie d’une discothèque après avoir été pris à partie par un groupe d’une vingtaine de jeunes qui voulaient « égorger un Français », dixit la mère de la victime. Jugé en comparution immédiate, l’auteur du coup de couteau, Jawed M., est condamné à 105 heures de travail d’intérêt général (pourquoi pas 106 ?) mais n’aura pas à sortir son chéquier. Fin octobre, un clandestin algérien sous OQTF menace avec un couteau de 20 centimètres les passagers d’un bus à Bobigny et agresse deux contrôleurs et un policier. Il n’est pas poursuivi pénalement, afin de favoriser son expulsion. Même pas 1 euro de dommages et intérêts pour les passagers du bus ? « Je vais te tuer, je vais te couper la tête », hurle en sortant un tournevis un migrant somalien à l’employé d’un fast-food de La Roche-sur-Yon, qui s’était interposé parce que son client mal dégrossi importunait une dame. Ce sera donc trois mois de prison, mais avec sursis, c’est-à-dire que dalle. Et 0 euro d’amende, soit 11 501 de moins que pour le Nanard d’Orléans. À la même époque, le tribunal correctionnel d’Évry-Courcouronnes inflige quatre mois avec sursis mais aucune sanction financière à un OQTF qui a agressé sexuellement une femme, à son domicile d’Antony. Entre une peine de prison avec sursis et plusieurs milliers d’euros d’amende, le commun des mortels a vite fait son choix.

La dystopie nous guette…

Inutile de remonter plus loin dans le temps, la suite est à l’avenant. Au moins Bernard Casoni a-t-il échappé au stage de citoyenneté. On pourrait par ailleurs comparer la lourde pénalité financière qui le frappe avec un autre footeux appelé à la barre pour des actes bien plus graves. En septembre 2017, l’international Kingsley Coman est condamné à 5 000 euros d’amende pour violence conjugale par le tribunal correctionnel de Meaux. Pour des faits similaires, le député insoumis à la main un peu trop lourde, Adrien Quatennens, doit verser 2 000 euros de dommages et intérêts à sa dulcinée, en décembre 2022. Six fois moins que le coach à la parole un peu trop légère. En septembre 2023, un coutumier des palais de justice et des menaces de mort, le « comique » préféré du président, Yassine Belattar, se voit contraint par le tribunal correctionnel de Paris de lâcher 500 euros au metteur en scène Kader Aoun, pour une énième intimidation létale. Peut-être notre entraîneur ségrégationniste aurait-il dû boire quelques coups et fumer un joint avant de (com)paraître en conférence de presse. Ses avocats auraient ainsi pu plaider l’absence de discernement auprès du tribunal, à l’instar de ceux de Kobili Traoré, qui a tabassé puis défenestré Sarah Halimi. Le meurtrier antisémite n’a pas eu un euro à débourser et coule aujourd’hui des jours paisibles, aux frais du contribuable, dans un hôpital psychiatrique, profitant de ses nombreuses permissions de sortie pour se prendre en photo sur TikTok avec ses potes, à proximité du domicile de sa victime…

Un parfum de dystopie orwellienne plane désormais sur nos prétoires. Pauvre justice française, qui apparaît jour après jour de plus en plus bancale, déséquilibrée, ultra politisée, partiale, incroyablement laxiste ou exagérément implacable selon les cas de figure et les cases à cocher. En un mot, injuste. La hiérarchie des peines qu’elle prononce aujourd’hui défie le bon sens le plus élémentaire. L’indépendance que lui a accordé le pouvoir politique ces dernières années n’était peut-être finalement pas l’idée du siècle. Que donne un pouvoir à la dérive sans aucun contre-pouvoir ? L’antiracisme est entre-temps devenu une religion, dont les juges pour peu qu’ils soient de la magistrature – sont les gardiens du temple. Le raciste est un hérétique. Le dérapage raciste, ou perçu comme tel, fait figure de blasphème. Suprême sacrilège. Comme si le racisme était la seule passion triste qui agite les tréfonds de l’âme humaine. Du moins, la plus grave. Pour nos nouveaux Fouquier-Tinville à robes longues, une parole déplacée est potentiellement plus condamnable qu’un acte déplacé. Si la justice française condamne Casoni à payer plus de 10 000 euros, que risque en proportion Delphine Ernotte quand elle juge qu’il y a trop de mâles blancs dans sa télé publique, et qu’elle en vire certains ? Plus de 100 000 euros ? Et pour nos peu philosémites soutiens du Hamas, au Palais Bourbon ou ailleurs ? Un million d’euros ? C’est votre dernier mot ?

En attendant, l’ancien joueur de l’équipe de France de football a fait appel (contre-appel ?) de la sentence. Mais si la justice se met de plus en plus souvent hors-jeu, est-ce bien utile ?



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Journaliste. Il a notamment participé au lancement du quotidien 20 Minutes en France début 2002 et a récemment écrit pour Causeur

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