Après avoir dirigé trois petits partis, occupé tous les postes de la République ou presque et brigué trois fois la magistrature suprême, François Bayrou voit ses efforts récompensés. Si au cours de sa carrière le Béarnais a accepté de ronger son frein et d’avaler tant de couleuvres, c’est qu’il est doté d’une confiance en soi à faire pâlir Jupiter.
Longtemps François Bayrou va se coucher de bonne heure devant les héritiers en politique que sont les Baudis, les Barrot, les Méhaignerie, les Bosson, tous nés coiffés d’une circonscription douillette, tous promis à des ministères. L’agrégé de lettres reçu à une modeste 76e place ronge son frein durant seize longues années en servant de scribe à l’ensemble de la famille démocrate-chrétienne. Il est tour à tour la plume de Jean Lecanuet, de Pierre Pflimlin, de Pierre Méhaignerie, d’une kyrielle d’augustes inconnus « fils de » et l’éditorialiste de Démocratie moderne, l’hebdomadaire du parti. Il gratte, gratte, gratte et, surtout, cajole ces importants qui ouvrent rarement un livre et qui s’amusent de ce fils d’agriculteur aux longs cheveux bouclés qui n’a pas encore complètement vaincu ses difficultés d’élocution.
« Où est François ? Il n’a pas rendu son texte ! » sera la question la plus entendue au siège du CDS du boulevard Saint-Germain. En ces temps-là, le centrisme communie dans l’extase du giscardisme triomphant.
