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2025 : Les virages du cirque

Le regard d'Henri Beaumont


2025 : Les virages du cirque
Drapeau tricolore D.R.

C’est le moment de dresser le bilan de 2024 et de faire des prévisions pour 2025. Henri Beaumont nous aide à y voir plus clair en nous rappelant que « L’espérance ne déçoit pas ».


Après avoir chanté la Marseillaise tout l’été, Marianne se trouva fort dépourvue lorsque Moody’s fut venu. Plus un seul petit morceau de vermisseau après les JO. Emmanuel Macroton, Francois Bayrou Purgon, Lucie Castets Diafoirus, concoctent des philtres, clystères fiscaux, une huile de foie de morue vierge et bio, un 666e Grenelle de gredins, relance du soutien des Zig et Puce en ZAD. 

25, c’est le numéro atomique du manganèse, un métal de transition. 2025 c’est une année sainte, jubilaire. La bulle d’indiction – «L’espérance ne déçoit pas» – est bienvenue, la France, sans cap ni boussole, en pleine mutinerie. Le Décret de Gratien, Concorde des canons discordants (XIIe siècle), c’est une Somme de droit canonique, raboutant 3800 textes apostoliques, patristiques, décrétales, souvent contradictoires. Écolâtre du « en même temps », notre Messie élyséen qui marchait sur l’eau en 2017, a sombré dans le marais glacé de Cocyte, 9e cercle de L’Enfer. Après Marignan, Pavie, il y a 500 ans, déjà. Comment sortir de la baïne, reconstruire une concorde ? Le mal français ne se résume pas à un problème de picaillons. 

Les faux monnayeurs 

Dans une lagune de désespérance, sauve-qui-peut financier, institutionnel, culturel, l’emprise totalitaire de l’IA, les rezzous sociaux, le narco-banditisme et le communautarisme, le pays sombre. Mort à venir ? Fini, les farandoles et sérénades. La France partage un secret avec Maître Cornille (Lettres de mon moulin). Marianne a vendu sa croix d’or ; ses sacs de farine sont remplis de plâtre. A l’enseigne du pot brisé, la marque de l’imprimeur Geoffroy Tory, le pays a mis son histoire, son État, sa langue, au mont-de-piété. Comme les hommes volants de Folon, il y a cinquante ans à la fin des programmes d’Antenne 2, la France s’éteint. 

Arrimé depuis 1789 à une quincaillerie républicaine en trompe l’œil, notre contrat social n’a jamais été bien solide. Joseph Bara et le culte de l’Être suprême ne parlent plus à personne. L’amour de la patrie, l’étendard, la gloire, la vertu des ainés, incommodent Sandrine Rousseau, Patrick Boucheron, les Tupamaros du Collège de France, déconstructeurs-diversocrates-décoloniaux. Travail, frontières, famille, je vous haïs ! Société, tu ne m’auras pas ! A la fin de la rave, il faut passer aux urgences et payer l’addition. 

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Les pompiers pyromanes, ours à demi léchés, Bellérophon renifleurs de « vents mauvais et périls nauséabonds », dressent le pays contre lui-même et achèvent notre République sous prozac. La stigmatisation de l’électorat, l’instrumentalisation des angoisses, les arcs en fer à cheval citoyens, barrages bidons, antidotes pipeau, sont mortifères. Si le Rassemblement National n’est pas républicain et menace notre démocratie, qu’attend le gouvernement pour l’interdire ? La grande peur des bienpensants est réchauffée à chaque élection. Le fantasme du « péril fasciste », cousin germain du « péril sioniste » qui soude les opinions arabes, donne bonne conscience aux têtes molles. Les procès en sorcellerie, excommunications des félons collabos, caisses de résonnance et bouées de sauvetage des partis démonétisés, n’abusent plus grand monde. Venant d’islamo-trotskystes, communistes, Verts de rage, alliés du NFP, les leçons de démocratie et droits de l’homme, ne manquent pas de sel.

Depuis 1968, les matamores de la table rase, intermittents de l’insoumission, dans Libération, les amphis, les subventions, sur France Culture, recyclent leurs révoltes avariées. A la grande époque, les vendeurs de peau d’ours, dialecticiens faustiens, proposaient d’échanger le passé réac et un présent ordinaire, contre un paquet de Bonux de futur radieux. Alas ! l’avenir n’emballe plus personne. Le marché de la victime est concurrentiel, la lutte des places, féroce. Après la liquidation du capitalisme, des bourgeois et des atamans, la chasse aux vieux mâles blancs. Après l’abandon des prolos, les sans-papiers, la panthère des neiges, la précarité menstruelle, l’émancipation des genres humains. « Le délire est plus beau que le doute, mais le doute est plus solide » (Cioran).

Javert déguisé en Cosette, Rima Hassan fait le ménage, veut prendre l’Élysée à motocrotte, sauver le pays des étrons. Le dialogue et les alliances politiques sont dénoncés par les Insoumis comme une trahison. La lutte les dépasse. Dans la haine, les nuits du 4 août dégénèrent en longs couteaux, liquidation des professeurs, caricaturistes, de la laïcité.Traumatisée par des générations de terrorisme intellectuel stalino-gauchiste, la deuxième gauche est prisonnière de doubles discours, calculs électoraux. La droite a peur de son ombre, n’a jamais eu le courage de mener les indispensables réformes de fond. 

Notre fausse monnaie politique est frappée dans les mensonges, les duperies, le déni : nef du flou, des fous, à la recherche du flouze. Les promesses délirantes, programmes intenables, faux bilans, riment avec déficits, gabegies, bureaucratie, l’impôt sur les os. Aucun Risorgimento ne sera possible sans discours de vérité, refondation de l’essentiel : l’éducatif, le culturel, le moral. Monsieur Hamel (Daudet, La Dernière classe), Monsieur Germain (l’instituteur de Camus), revenez, ils sont devenus fous ! 

Jadis et naguère 

La Paideia a sombré. L’idéal éducatif grec visait l’élévation moral des citoyens, l’apprentissage de la liberté, de la noblesse, de la beauté, grâce à la transmission d’une culture humaniste. Aujourd’hui, les slogans, mots-valises, « progressisme », « inclusif », permettent d’écouler au Bon Marché des bons sentiments, dans les eaux glacées du calcul hédoniste, un opium néo-évangéliste, une verroterie décorative. L’eau pure fait des goitreux, les idées pures font des crétins.

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La musique d’ascenseur, mandoline œcuménique sur les femmes « inspirantes », le réchauffement du patriarcat, les émissions carbones du commerce triangulaire, est relayée ad nauseam dans Télérama, sur France Info, sur les kakémonos des multinationales du CAC 40. Simulacre et simulations… Censurer les livres, prostituer les mots, troquer la culture contre des ludothèques, des tags, du néant, contre du prêchi-prêcha « multiculturel » mis à toutes les sauces, éradiquer la bildung, l’argutezza, le passé, les Lumières, c’est trahir les promesses d’émancipation. L’Île aux enfants, Petit Ours Brun, Candy, Le Schmilblick, vont fêter leurs cinquante ans.

Haut les cœurs ! En 2025, nous célébrerons le centenaire de la naissance de Jean d’Ormesson, Roger Nimier, The Great Gatsby, Mrs Dalloway, Albertine Disparue, Les Faux monnayeurs, Le Procès. Une musique mélancolique, des acrostiches élégants, « un style d’or où la langueur du soleil danse » (Verlaine).

« So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past » (Francis Scott Fitzgerald).



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